défensePourquoi des Mirage 2000 ont-ils intercepté plusieurs avions russes ?

Guerre en Ukraine : Pourquoi des Mirage 2000 ont-ils intercepté plusieurs avions russes à la frontière des pays baltes ?

défenseEn moins d’une semaine, les Mirage 2000-5 de l’armée de l’air et de l’espace déployés en Lituanie, sont intervenus à plusieurs reprises pour intercepter cinq aéronefs russes, dont deux avions de chasse Sukhoi
Interception de deux Sukhoï SU 30 (au premier plan) ne répondant pas à la radio par deux Mirage 2000-5, le 29 février dernier.
Interception de deux Sukhoï SU 30 (au premier plan) ne répondant pas à la radio par deux Mirage 2000-5, le 29 février dernier. - Armée de l'Air et de l'Espace / Armée de l'Air et de l'Espace
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • La semaine passée, cinq aéronefs russes ont été interceptés à la frontière des États baltes par des avions de chasse français Mirage 2000-5, basés à Šiauliai en Lituanie.
  • Ces avions russes, notamment deux avions de chasse Sukhoï, ne présentaient pas de plan de vol ou bien ne répondaient pas à la radio.
  • La mission des avions de chasse engagés dans le dispositif « enhanced Air Policing » (eAP) en Lituanie « est de prendre liaison, à des fins de vérification, avec tout aéronef sans plan de vol clairement établi et transitant dans la zone », explique à 20 Minutes l’armée de l’Air.

Ils flirtent avec la limite. La semaine passée, cinq aéronefs russes ont été interceptés à la frontière des États baltes par des avions de chasse français Mirage 2000-5, basés à Šiauliai en Lituanie. Si ce n’est pas la première fois que des avions russes sont ainsi raccompagnés par des chasseurs français, on observe clairement une accélération de ces intrusions à la frontière de pays de l'Europe de l'Est, sans déclaration. A titre de comparaison, les Rafale basés à Šiauliai du 1er décembre 2022 au 31 mars 2023 avaient réalisé quinze interceptions en… quatre mois.

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20 Minutes fait le point avec l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) sur ces interceptions et ces missions des chasseurs français le long de la « frontière otanienne. »

Que s’est-il passé la semaine dernière ?

Du 26 au 29 février, les Mirage 2000-5 de l’AAE déployés en Lituanie, ont dû décoller à plusieurs reprises pour intercepter cinq aéronefs russes.

Lundi 26 février, « deux Mirage 2000-5 ont décollé sur alerte réelle de la base de Šiauliai » nous explique l’armée de l’Air. « L’alerte avait été déclenchée quelques minutes plus tôt suite à la détection d’un avion Iliouchyne Il-20 russe [un avion de reconnaissance et de renseignement] ne présentant pas de plan de vol et ne répondant pas à la radio. » Les Mirage 2000-5 ont intercepté l’Il-20 au large des côtes estoniennes. « Ils ont procédé à l’identification visuelle de l’appareil avant de le quitter. »

La matinée du 29 février, deux Mirage 2000-5 ont à nouveau décollé sur alerte conformément aux procédures Otan. « Deux chasseurs russes Sukhoï SU 30 ne répondant pas à la radio ont été identifiés visuellement au large des côtes lettones et accompagnés le long de l’espace aérien balte », décrit l’armée de l’Air. « Plus tard dans la journée, une nouvelle prise d’alerte des Mirage 2000-5 a permis d’identifier et d’accompagner successivement un avion de reconnaissance Iliouchyne-20 puis un avion de transport Antonov-72 au large des côtes lituaniennes, également en direction du nord. »

L’armée de l’Air rappelle que le 21 février, deux Mirage 2000-5 avaient déjà dû décoller « sur alerte réelle de la base de Šiauliai pour intercepter un Il-78 [un avion ravitailleur] au large des côtes estoniennes ».

Pourquoi les avions de chasse réalisent-ils ces « interceptions » ?

La mission des avions de chasse engagés dans le dispositif enhanced Air Policing (eAP) en Lituanie « est de prendre liaison, à des fins de vérification, avec tout aéronef sans plan de vol clairement établi et transitant dans la zone », nous explique l’armée de l’Air. Ces interceptions réalisées à plusieurs reprises ces derniers jours, « ont permis de démontrer la réactivité du détachement français et sa capacité à répondre aux engagements opérationnels de l’Otan pour la défense de ses États membres ». L’action des chasseurs français témoigne ainsi « de la contribution de la France au renforcement de la posture défensive et dissuasive de l’Otan sur le flanc Est de l’Europe ».

Pourquoi observe-t-on davantage de missions d’interceptions ces derniers temps ?

Si l’armée de l’Air ne se prononce pas sur un éventuel regain de tension avec la Russie, on peut simplement observer que ces cinq interceptions en quelques jours, sont intervenues alors que le 27 février, le président Emmanuel Macron a déclaré que l’envoi de troupes occidentales en Ukraine ne pouvait être exclu.

Les décollages pour alerte réelle des avions de chasse français basés en Lituanie se font cependant à un rythme beaucoup plus soutenu depuis 2022 et le début de la guerre en Ukraine. Début 2023, 20 Minutes s’était rendu à Šiauliai pour suivre un détachement de la 30e escadre de chasse de Mont-de-Marsan (Landes) qui effectuait une permanence opérationnelle avec quatre Rafale. En deux mois, les militaires français avaient été mis en alerte réelle à huit reprises pour intercepter une dizaine d’aéronefs russes qui remontaient la mer baltique depuis Kaliningrad.

Chaque fois, ces aéronefs avaient « oublié » de se signaler, justifiant ainsi un décollage en urgence d’une patrouille française, pour s’assurer que les intentions des pilotes n’étaient pas hostiles. « Les Russes testent si l’Otan a les moyens d’assurer sa permanence opérationnelle le long de la frontière balte, nous expliquait à l’époque un officier français. Ils s’approchent et ils regardent, si personne ne venait à leur rencontre cela voudrait dire que la voie est libre. »

Qu’est-ce que la mission enhanced Air Policing (eAP) ?

Il s’agit d’une mission de « police du ciel » de l’Otan au profit des trois États baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) qui ne disposent pas d’aviation de chasse. Si elle existe depuis 2014, elle prend une tout autre dimension depuis 2022 et le début de la guerre en Ukraine. Les avions de chasse de l’AAE participent régulièrement à ces missions de police du ciel sous commandement de l’Otan dans les espaces aériens des pays baltes.

Depuis le 30 novembre et jusqu’au 31 mars, la France déploie ainsi un détachement de quatre Mirage 2000-5 de la Base aérienne 116 de Luxeuil (Haute-Saône) sur la base de Šiauliai. Aux côtés d’un détachement belge, ses pilotes prennent l’alerte 24h/24 7j/7, de jour comme de nuit. Chaque alerte est déclenchée par le CAOC (combined air operation center) de l’Otan basé en Allemagne, après signalement des contrôleurs aériens des pays concernés.

Les avions de chasse français réalisent-ils ces missions armés ?

Oui, les chasseurs français sont armés. Les Rafale sont par exemple équipés de missiles air-air MICA et de canons de 30 mm. Mais la mission des pilotes est avant tout de montrer leur présence le long de la frontière des pays baltes, tout en « restant dans une posture non escalatoire », nous expliquait en février 2023 un pilote français.