lycéesLes différences de notation faussent-elles la sélection de Parcoursup ?

Parcoursup : Les différences de notation créent-elles un problème d’équité ?

lycéesLe besoin d’harmoniser les notations en contrôle continu est à nouveau souligné par un rapport. Les profs n’y sont pas favorables, les parents s’interrogent et l’Etat invite à ne pas focaliser sur les notes
Une classe dans un lycée public de Montpellier (illustration).
Une classe dans un lycée public de Montpellier (illustration).  - A.Robert/Sipa / Sipa
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • Les notes obtenues lors des épreuves de spécialité au bac ne compteront pas dans Parcoursup cette année. Seules celles du contrôle continu seront retenues.
  • Cette situation ravive le débat sur les différences de notation entre professeurs et entre lycées.
  • Le comité éthique et scientifique de Parcoursup recommande d’harmoniser les notations à l’échelle nationale dans l’intérêt des candidats.

Elle est entrée dans les mœurs mais fait encore frémir la plupart des lycéens. Six ans après son lancement, la plateforme Parcoursup, qui gère les vœux d’enseignement supérieur des futurs étudiants, s’est « indéniablement améliorée », considère le tout dernier rapport du comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP), instance indépendante qui évalue chaque année la procédure. Plusieurs problèmes sont toutefois pointés du doigt, en particulier celui de l’harmonisation des notations de contrôle continu, les différences de notation entre professeurs et entre lycées créant une « iniquité » entre les candidats, selon le rapport.

Ce sujet prend davantage d’importance cette année puisque les épreuves écrites de spécialités du bac, qui se dérouleront non plus en mars mais en juin, ne seront pas prises en compte dans les dossiers Parcoursup. « Les dossiers examinés par les commissions d’examen des vœux en 2024 ne comporteront donc que des notes en contrôle continu », relève le CESP. Le point.

Y a-t-il vraiment des différences de notation ?

Oui, et « c’est le principe même de l’évaluation qui veut ça », répond Claire Guéville, secrétaire nationale du syndicat d’enseignants Snes-FSU. « Une évaluation est liée à un contexte, à un groupe d’élèves, à leur progression. Elle relève de la liberté pédagogique de l’enseignant. Le contrôle continu est un outil du quotidien mais on en a fait un instrument de sélection pour Parcoursup. C’est ça le souci et c’est un désaccord profond », explique la syndicaliste et prof. « On comprend que les enseignants revendiquent leur liberté de notation, mais face à Parcoursup, ça pose la question de l’équité », fait valoir Ghislaine Morvan-Dubois, administratrice nationale de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE).

Certains lycées, en particulier les plus prestigieux, ont ainsi la réputation persistante de noter sévèrement, tandis que d’autres auraient tendance à surnoter favorablement leurs élèves. « Même si c’est de moins en moins vrai, il subsiste des écarts de notation majeurs entre lycées, qui sont liés à la culture d’établissement, souligne Ghislaine Morvan-Dubois. Certains ont des écarts de deux points entre leurs moyennes à l’année et les notes au bac. » « Je ne suis pas convaincu qu’il existe de tels décalages aujourd’hui », nuance Olivier Beaufrère, secrétaire national du SNPDEN-Unsa, le principal syndicat des chefs d’établissement.

Que font les établissements et élèves face aux différences de notation ?

Depuis 2021, un travail sur la question de l’harmonisation des pratiques d’évaluation a été engagé par le ministère de l’Education nationale à l’échelle de chaque établissement, explique Jérôme Teillard, le chef de projet Parcoursup pour le ministère de l’Enseignement supérieur. « Avec le déplacement des épreuves de spécialité en juin, le ministère a également transmis aux proviseurs les différences éventuelles entre les notes de contrôle continu et les notes d’épreuves finales, pour que chaque lycée puisse comparer ses différences et travailler dessus dans le cadre du projet d’évaluation. Cela ne se faisait pas auparavant. » Des réunions d’harmonisation ont aussi lieu entre équipes éducatives, tandis que les contrôles communs à plusieurs classes se développent.

Les élèves, eux, tentent parfois une stratégie dès le choix du lycée. « Certains bons élèves se disent aujourd’hui qu’il vaut mieux exceller dans un lycée moins côté plutôt que de se retrouver en concurrence dans un lycée plus élitiste », observe la FCPE. Du côté des enseignants, on relève que « la remise en cause de la notation » par les adolescents et, surtout, par leurs parents, est beaucoup plus présente qu’avant. « Ils s’inquiètent d’être lésés par rapport à Parcoursup et une mauvaise note peut être facilement mal vécue et contestée », déplore Claire Guéville.

Comment harmoniser la notation à l’avenir ?

Dans son dernier rapport, le comité éthique et scientifique de Parcoursup recommande de « construire et diffuser des banques d’épreuves standardisées » pour le contrôle continu des lycées et de « former les enseignants à les utiliser pour noter leurs élèves de façon plus harmonisée dans les dossiers Parcoursup ». « Les épreuves standardisées, c’est du management, une manière de brider les pratiques pédagogiques, le cœur même du métier d’enseignant », critique Claire Guéville du Snes-FSU. Pour son syndicat, la solution passe par « redonner de l’importance à l’examen national et abandonner le contrôle continu. La meilleure boussole c’est un objectif commun qui évalue l’ensemble des disciplines, pas seulement celles dont les élèves ont choisi la spécialité ».

La FCPE n’est pas davantage convaincue par l’idée d’épreuves standardisées. « Si on a des épreuves communes en cours d’année, ça revient à faire un bac avant le bac », commente Ghislaine Morvan-Dubois. « Il vaudrait mieux revoir le calendrier et intégrer le baccalauréat dans Parcoursup. Ça n’est pas insurmontable. Si ce n’est pas possible, il faudrait pouvoir pondérer les notes en fonction des cultures d’établissement, puisque les lycées d’origine ne sont pas anonymes dans les dossiers Parcoursup. » « Ça va être difficile, voire impossible, d’uniformiser le système de notation mais on peut faire mieux », estime Olivier Beaufrère, du SNPDEN-Unsa. Selon lui, les établissements ont déjà « avancé » sur le sujet de l’harmonisation et ils ont désormais besoin de stabilité. « On n’a jamais eu les mêmes épreuves terminales de bac depuis cinq ans. Les règles changent quasiment tous les ans. »

Une jeune femme consultant les propositions formulées par la plateforme Parcoursup (illustration).
Une jeune femme consultant les propositions formulées par la plateforme Parcoursup (illustration). - D.Charlet/AFP

Les notes sont-elles aussi importantes que ça dans la sélection de Parcoursup ?

Elles « ont une importance prépondérante », considère la FCPE, sur la base du retour des familles. « Les appréciations, le dossier scolaire, devraient être tout autant pris en compte. Mais les commissions de classement ne dévoilent pas leur cuisine interne. J’ai le sentiment que ce qui domine, ce sont avant tout les notes », juge également Claire Guéville, la secrétaire nationale du Snes-FSU. Un argument balayé avec insistance par le responsable de la plateforme Parcoursup. « Il n’y a pas que les notes, assure Jérôme Treillard. On focalise beaucoup sur les notes mais il faut relativiser. Dans le dossier, il y a d’autres éléments pris en compte, comme le positionnement de l’élève dans son groupe, les appréciations pédagogiques, l’avis du proviseur, les trajectoires entre la première et la terminale… Ce sont des éléments très importants pour les formations post-bac qui examinent les dossiers. »

D’une manière générale, Jérôme Teillard appelle à « dédramatiser » la sélection de la plateforme. « Il y a 95 % des lycéens qui reçoivent au moins une proposition. Et en moyenne ils en ont entre cinq et six. A l’exception de certaines formations très sélectives, il y a quand même beaucoup de formations sur Parcoursup qui accueillent très largement les candidatures. »

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