Le planté de bâton, monsieur DusseC’est quoi cette histoire de « faux moniteurs » sur les pistes de ski ?

Montagne : C’est quoi cette histoire de « faux moniteurs » sur les pistes de ski ?

Le planté de bâton, monsieur DusseDans les stations de ski françaises, des « faux moniteurs » proposent des cours à prix cassés, mais ce sont finalement d’autres professionnels en règle, venus de l’étranger, qui créent des tensions en montagne
L'ESF, pour école de ski française, représente 85 % de l’offre d’apprentissage des sports d’hiver en France.
L'ESF, pour école de ski française, représente 85 % de l’offre d’apprentissage des sports d’hiver en France. - COUTIER BRUNO/SIPA / Sipa
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Certains individus se font passer pour des moniteurs de ski qualifiés afin de donner des cours payants sans avoir les diplômes requis, mettant en danger leurs élèves.
  • Une autre problématique est apparue sur le terrain. Depuis plusieurs semaines, des tensions grandissent entre moniteurs français et moniteurs étrangers, ces derniers ne payant pas de charges sociales et fiscales.
  • Le président du Syndicat national des moniteurs de ski français craint à terme « un délitement des structures organisées » et « que ce soit complètement chaotique sur le terrain » si aucune mesure n’est prise.

Combinaison de couleur vive, lunettes de soleil, peau marquée par les UV en altitude, sans oublier un groupe de personnes toujours en chasse-neige qui tentent de suivre derrière… La description ne laisse aucun doute : voici le profil type (et très cliché) d’un ou une monitrice de ski. Et pourtant…

S’ils ont « tout » de professionnels, depuis plusieurs années, certains exercent le métier sans avoir les qualifications requises. Ces « faux moniteurs » proposent souvent leurs leçons à prix cassés sur des plateformes en ligne.

Des « faux moniteurs » facilement repérables

« Sur le terrain, c’est facile de les repérer, indique Éric Brèche, président du Syndicat national des moniteurs du ski français. Ils évitent forcément de porter un pull rouge car ils savent que c’est un marqueur de l’ESF [l'Ecole du ski français, qui représente 85 % de l’offre d’apprentissage des sports d’hiver]. Et surtout, entre professionnels, on les repère assez rapidement sur les pistes. »

Il ajoute : « Nous faisons un métier réglementé, aux enjeux sécuritaires importants, il est donc impératif d’être titulaire d’un diplôme reconnu qui permet d’enseigner contre rémunération. Au-delà de la qualité de la leçon reçue, les élèves peuvent se retrouver en difficulté en matière d'assurance s’il leur arrive quelque chose. »

Pour faire face à ce problème, le maire de Courchevel, Jean-Yves Pachod, a opté pour la remise de médailles aux vrais moniteurs afin qu’ils soient plus facilement reconnaissables par les clients. En parallèle, des contrôles sont effectués chaque année sur les pistes.

Des dégradations sur des véhicules immatriculés à l’étranger

Depuis le début de la saison, dans la station de Savoie, « moins d’une dizaine de faux moniteurs ont été repérés sur plus de 180 personnes inspectées », confie Christian, professionnel indépendant. « En réalité, ce qui pose vraiment problème pour certains, c’est la présence de moniteurs étrangers dans les stations. Depuis quelques semaines, c’est devenu la guerre », assure-t-il.

Le professionnel évoque une « jalousie » car des collègues venus de pays voisins, « qui ont tout à fait le droit d’enseigner en France car ils ont passé les tests – contrairement aux faux moniteurs – ne paient pas les charges de l’Urssaf ». Ils sont alors considérés comme « faux moniteurs » par certains moniteurs, malgré leurs formations et l’attribution d’une reconnaissance de l’Etat français pour exercer. Selon lui, le problème n’est pas vraiment nouveau, mais les tensions grandissent « en périodes creuses », comme actuellement avec la fin des vacances scolaires.

« Ça me désole parce que ça crée un climat désagréable au point où certains véhicules immatriculés à l’étranger sont dégradés, développe-t-il. Il s’était passé des choses similaires quand certaines personnes s’étaient détachées de l’ESF pour créer des structures indépendantes ou encore à l’arrivée de collègues anglais. C’est vraiment dommage… »

Vers un délitement des structures organisées ?

Le président du syndicat confirme que c’est effectivement « la grande problématique actuelle sur le terrain » qui « crée de l’animosité ». « J’ai alerté le gouvernement sur cette question en prévenant que les tensions augmentaient en montagne et qu’il y avait besoin d’apporter des mesures concrètes », dit-il.

Éric Brèche confirme ce « sentiment de discrimination grandissant » chez les moniteurs français face à ceux « exemptés de charges sociales et fiscales sur notre territoire ». Il compare la situation à celle des taxis et des VTC. « Il y a une impression de concurrence déloyale à cause d’un flou qui peut mettre en péril toute l’activité des moniteurs français. » Si rien n’est fait et que « tout reste dans ces conditions », il craint un « délitement des structures organisées » et que, à un moment donné, « ce soit complètement chaotique sur le terrain ».