Abrège pas sœurSur Insta, « Réfléchis frère » reprend les codes d' « Abrège frère » en mieux

Instagram : En réponse à « Abrège frère », « Réfléchis frère » s’attaque aux contenus des mascus

Abrège pas sœurLe compte a été créé fin février après la polémique autour du compte « Abrège frère ».
« Abrège frère » : des femmes dénoncent cette tendance qu'elles jugent misogyne
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Fin janvier, le compte « Abrège frère » devenait très populaire sur Instagram en résumant des « storytellings » de créateurs de contenu. Pour certaines expertes, le compte participait à « la mécanique de silenciation des femmes dans l’espace numérique ».
  • En réaction, Sabrina – plus connue en ligne sous le nom d’Olympe rêve – a créé fin février « Réfléchis frère » pour résumer les vidéos de coachs en séduction et gourous 2.0, et « démontrer qu'« Abrège frère » aurait très bien pu le faire aussi sur eux ».
  • Un moyen également de faire « économiser de l’argent » des potentielles victimes des multiples coachs en ligne qui jouent sur l’insécurité de leurs abonnés, la plupart du temps des hommes.

Il y avait des millions de manières pour clôturer le feuilleton « Abrège frère ». Le compte « Réfléchis frère » a sûrement imaginé la meilleure. Sur son Instagram suivi par 15.700 personnes, Sabrina – alias Olympe rêve sur son compte principal – résume les contenus aperçus sur les comptes des masculinistes avec beaucoup de sarcasme. Une idée venue de la polémique, mi-février, du compte qui résumait les storytellings des créatrices de contenus.

Comme nous n’avions pas trop envie d’abréger, petit rappel des faits ici. Fin janvier, un jeune commercial d’une trentaine d’années lance un compte pour synthétiser les histoires longues entendues sur Instagram. C’est un succès et, en un mois, il atteint le million d’abonnés. Mais très vite, des internautes pointe du doigt que la majorité des personnes ciblées sont en grande majorité des femmes et qu’il participe à toute la misogynie déjà bien présente en ligne. Auprès de 20 Minutes, Laure Salmona, cofondatrice de « Féministes contre le cyberharcèlement » expliquait que le phénomène participait à « la mécanique de silenciation des femmes dans l’espace numérique ». De son côté, « Abrège frère » s'est expliqué dans une vidéo du Parisien, «Les storytimes, c’est fait en partie par pas mal de femmes, ce qui fait que ça se répercute beaucoup sur mon contenu», ajoutant qu'il n'avait «absolument pas conscience» que son contenu pouvait nourrir des campagnes de cyberharcèlement.

Caractériser la misogynie pour mieux l’expliquer

C’est justement ce qui a poussé la créatrice de « Réfléchis frère » à créer son compte fin février. Ça et la lecture des commentaires en dessous des articles écrits sur « Abrège frère ». « Les gars ne comprennent pas pourquoi il y a bel et bien de la misogynie. Alors je me suis dit que la meilleure façon de prouver que c’est misogyne, c’était de montrer que ça aurait pu être fait sur un autre contenu que du storytelling, un moyen d’expression utilisé par les femmes sur TikTok », raconte Sabrina. Qu’« Abrège frère » n’ait véritablement pas eu la volonté de faire taire les femmes, le nouveau compte veut bien y croire. « Mais inconsciemment, c’est toujours empreint de misogynie ».

Pour contrecarrer son concept, Sabrina scrute désormais les profils des soi-disant coachs en séduction et autres gourous 2.0 pour reproduire exactement le même schéma : Résumer pour moins avoir à les écouter. « Et démontrer qu'« Abrège frère » aurait très bien pu le faire aussi sur eux ». Il ne restera plus qu’à remplacer la petite tasse à café du compte initial par une grosse gourde bleue et rose. Egalité des genres oblige.

Economiser son temps… et son argent

Tout bénef pour Sabrina qui gagne près de 2.000 abonnés toutes les 24 heures et pour qui le temps perdu reste franchement limité. Pour cause, tout lui est offert ici sur un plateau. « Ce sont des vidéos vides de sens, on a l’impression que c’est écrit par Chat GPT », se marre-t-elle en assurant que ça lui prend « cinq minutes pas plus ». Et puis c’est un format qu’elle maîtrise. « Ça fait quatre ans que je suis sur les réseaux sociaux, j’ai tellement l’habitude de leur contenu que je n’ai pas besoin de chercher de la repartie ».

Outre le temps gagné à résumer, « Réfléchis frère » s’attaque aussi au business de certains coachs qui utilisent l’insécurité de leurs abonnés pour générer du cash. Confiance en soi, drague et réussite professionnelle comme thèmes de prédilection, ces coachs vendent des formations à plusieurs centaines d’euros – que Sabrina dézinguera en moins de trente secondes. « D’autant plus que pour des questions comme la séduction, il y a plein de filles qui donnent des bons et meilleurs conseils sur leurs comptes ».

« Pas un combat moins important qu’un autre »

Misogynie toujours, Sabrina remarque en commentaires qu’elle reçoit davantage de remarques sur son physique que son confrère masculin Abrège frère. Mais outre ces remarques désobligeantes et inutiles, que répondre aux critiques d’un « mauvais choix de combat » ? « Pour moi, il n’y a pas un combat moins important qu’un autre », répond la créatrice qui voit le féminisme comme un combat perpétuel. « C’est un rapport de force, une bataille ». Pour Sabrina, comme pour beaucoup d’autres, s’exprimer publiquement est toujours un obstacle à leur métier et les réseaux sociaux n’arrangent rien.

« Plus l’engagement en faveur de femmes s’exprime dans le débat public, plus la résistance s’organise. Les réflexes masculinistes et comportements machistes s’ancrent en particulier chez les jeunes hommes adultes », soulignait en effet le dernier rapport du Haut Conseil à l’égalité (HCE), publié en janvier dernier.