InflationPour les pratiquants, « la note du Ramadan peut monter » très haut

Ramadan : Pour les pratiquants, « la note peut monter » très haut

InflationEntre mets spéciaux et inflation, le ramadan représente des dépenses supplémentaires pour beaucoup de familles musulmanes
L'huile d'olive, très prisée pendant le ramadan, coûte de plus en plus cher.
L'huile d'olive, très prisée pendant le ramadan, coûte de plus en plus cher.  - R.Le Dourneuf / 20 Minutes / 20 Minutes
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • Le ramadan commence ce lundi en France. Durant ce mois sacré, l’un des piliers de l’Islam, les musulmans se retrouvent souvent le soir pour des repas spéciaux.
  • Mais avec l’inflation, l’événement peut se révéler coûteux, jusqu’à difficile à assumer pour beaucoup de pratiquants.
  • Diminution des quantités, mutualisation des dépenses… Des fidèles nous racontent comment ils gèrent la situation.

Le Conseil français du culte musulman l’a annoncé mercredi, le premier jour de ramadan aura lieu ce lundi 11 mars. Ce mois sacré dans l’Islam est une période durant laquelle les musulmans doivent s’astreindre à l’abstinence en se privant notamment de nourriture et d’eau entre l’aube et le coucher du soleil.

C’est à ce dernier moment que beaucoup en profitent pour rompre le jeûne, le plus souvent en famille, avec des amis ou même des voisins. L’occasion aussi de manger des mets traditionnels parfois moins consommés le reste de l’année. Mais à l’image d’autres événements, comme les fêtes de fin d’année, ces repas représentent un surcoût parfois difficile à assumer pour certains.

Des dépenses supplémentaires

« Si vous êtes une famille de deux ou trois, ça peut aller », estime Zoubir, employé à la boucherie du Grand Marché sur le boulevard de la Chapelle (18e arrondissement). Pour lui, qui reste très mesuré pendant le Ramadan, les dépenses augmentent entre 50 et 100 euros sur le mois. En revanche, quand les familles sont un peu plus grandes, cela se complique.

Selon le boucher, la raison principale tient à la faim ressentie tout au long de la journée : « Quand vous avez faim comme ça, vous compensez un peu au moment de faire les courses. Tout fait envie. Alors c’est vrai que la note peut monter. »

Jusqu’à 1.000 euros supplémentaires en un mois

Cette note, Sarah, 23 ans, en a peur chaque année. Son père, aîné d’une fratrie de quatre garçons met un point d’honneur à les inviter entre trois et quatre fois par semaine pendant le ramadan. Avec femmes et enfants, la tablée peut souvent dépasser les dix-huit à vingt personnes. « Pendant longtemps, il a voulu tout régler tout seul. Mais je voyais bien que c’était problématique. Il stresse, il s’énerve. Parce que ça coûte très cher et qu’il ne gagne pas beaucoup d’argent. »

Petit soulagement pour la jeune femme, depuis deux ans qu’elle travaille, elle a réussi à convaincre son père de participer aux dépenses. Mieux, cette année, sa petite sœur qui gagne désormais sa vie, devrait aussi mettre au pot. Selon elle, les courses dédiées au ramadan ont coûté près de 1.000 euros supplémentaires à son père en 2023. Un effort qui demande une petite cagnotte spéciale qu’il remplit tout au long de l’année.

De 200 à 900 couverts pour le café associatif

Le poids financier qui pèse sur les pratiquants du Ramadan se concrétise « visuellement » au restaurant La Table ouverte. Ce café associatif de la rue de la Goutte d’or (18e arrondissement) sert tous les jours des repas gratuits pour les personnes dans le besoin. De 200 couverts par jour en temps normal, principalement de la chorba, il passe à 900 ou même 1.000 pendant le mois sacré.

« C’est un moment important que les musulmans ne peuvent pas minorer ou négliger. Mais c’est vrai que ce n’est pas évident pour tous », nous raconte Nabil, le gérant. Selon lui, le temps manque tout autant que l’argent : « Chorba, briques, pâtisseries… Il faut six ou sept heures pour préparer un repas de ramadan. Si vous avez une femme au foyer, elle peut le faire. Mais quand tout le monde travaille, vous n’avez pas le temps. Et si vous n’avez pas l’argent pour acheter tout fait ou manger à l’extérieur… »

L’inflation opportuniste et inflation générale

Mounir connaît bien le problème, si sa mère prépare « les meilleures pâtisseries tunisiennes du monde », son travail ne lui permet pas d’en faire suffisamment pour le ramadan. « Alors on les achète toutes prêtes, dans les magasins spécialisés. Mais ça coûte très cher. » Car les magasins et professionnels n’hésiteraient pas à augmenter les prix pendant le ramadan. « C’est comme à Noël, ils ont bien compris que de toute façon on ne peut pas passer à côté. »

Les prix dans les supermarchés, comme ici sur le boulevard de la Chapelle, augmentent à cette période.
Les prix dans les supermarchés, comme ici sur le boulevard de la Chapelle, augmentent à cette période. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

« Et puis il y a l’inflation… », ajoute le jeune homme. Comme ce qui se consomme, les produits halal – non, le terme n’est pas interdit, c’était une fake news – ne sont pas épargnés. D’autant que beaucoup sont importés.

Des achats limités, mais la qualité n’est pas rognée

Abbas, qui tient le Supermarché de La Chapelle ne peut que le constater. Il a beaucoup de clients concernés par le ramadan et ses produits sont chéris. Mais il a pris l’inflation de plein fouet. « Les dattes, les œufs… Tout à augmenter sauf les revenus des gens. Alors quand un produit passe de 3 à 5 euros, ils limitent… » Hors de questions toutefois pour ses clients de rogner sur la qualité des produits pour le ramadan. Alors c’est la quantité qui trinque : « Avant les clients me prenaient une planche d’œufs, maintenant, ils demandent une demie. »

Seule exception notable : l’huile d’olive. À plus de 10 euros le litre, c’est devenu excessif pour beaucoup de monde. Alors Abbas a trouvé une astuce : « Je commande un mélange d’huile d’olive avec de l’huile de colza et de tournesol. Ça ne vaut pas l’huile vierge extra, mais c’est 4,95 euros, et les clients sont satisfaits. »

Un peu moins de viande dans la soupe

Ahmed* qui tient un commerce proche de Barbès n’a pas voulu transiger sur la qualité de ses produits. Mais pour ses clients qu’il connaît « très, très, très bien », il accepte « d’allonger un peu les crédits ». « Mais ne me faites pas de pub, je n’ai pas la trésorerie pour ça », murmure-t-il dans un éclat de rire.

À son comptoir, Amel sourit mais confesse tout de même être obligée de faire des concessions : « Je vais mettre un peu moins de viande dans la soupe. Ou alors la remplacer par des légumes ou des cubes de bouillon. » L’important, selon elle, reste de penser aux plus démunis. « On sait tous qu’il y en a toujours un peu plus. Alors il ne faut pas hésiter à inviter un ami ou un voisin dans le besoin. Parce que la charité est très importante dans le ramadan. »

*Le prénom a été changé à la demande de l’interlocuteur