ImmigrationUn étranger expulsé après une OQTF peut-il revenir facilement en France ?

Un étranger expulsé après une OQTF peut-il revenir facilement en France ?

ImmigrationLes exécutions d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) se multiplient, largement relayées par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Mais la légende d’un retour rapide des expulsés en France est-elle fondée ?
Une personne rom exhibe l'OQTF -obligations de quitter le territoire français- qui vient de lui être notifiée. (illustration).
Une personne rom exhibe l'OQTF -obligations de quitter le territoire français- qui vient de lui être notifiée. (illustration). - A. GELEBART / 20 MINUTES / 20 MINUTES
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Avant 2021, la police aux frontières expulsait régulièrement de nombreux Roms vers la Belgique, lesquels pouvaient ensuite facilement revenir en France, mais cette pratique a cessé.
  • Le nombre d’expulsions vers les pays de l’UE a diminué de 8 %, mais celles vers les pays tiers ont augmenté de 13 % entre 2022 et 2023, or il est désormais très compliqué d’obtenir un visa pour revenir en France après une expulsion.
  • De plus en plus d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont assorties d’une interdiction de retour, qui empêche d’obtenir un visa non seulement pour la France mais pour tout l’espace Schengen.

Dans la foulée de l’adoption mouvementée de la loi Immigration, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, postait quasiment en temps réel sur X le nombre de personnes en situation irrégulière expulsées du territoire français. Le fait est que le nombre de reconduites à la frontière est effectivement en constante augmentation depuis 2020, mais qu’il demeure bien au-dessous de la période d’avant le Covid-19. Et si l’on expulse moins, on le fait néanmoins plus facilement et il est plus difficile de revenir en France.

Selon les données officielles, près de 24.000 étrangers ont été « éloignés » de France en 2019, dont 18.906 de manière forcée, contre environ 17.000 en 2023, dont 11.722 expulsés. En revanche, des statistiques sur les retours en France de personnes expulsées, on n’en a logiquement pas. Pourtant, jusqu’en 2021, c’était une chose relativement courante, du moins pour les Roms.

Les « expulsions de masse » n’existent plus

« Plusieurs fois par mois, la police aux frontières débarquait dans les bidonvilles et distribuait des OQTF a tout le monde », se souvient Dominique Plancke, membre du Collectif Rom. La PAF organisait ensuite des convois vers la Belgique pour déposer ces personnes de l’autre côté de la frontière. « Ils considéraient alors que l’OQTF avait été exécutée et tout le monde pouvait revenir ensuite », s’étonne encore l’ancien élu lillois.

Aujourd’hui, ces « opérations de masse » n’existent plus, les OQTF étant désormais distribués au compte-goutte au gré des contrôles sur la voie publique. « Ce n’est plus vers la Belgique mais vers la Roumanie que les personnes visées doivent être expulsées, poursuit Dominique Plancke. Mais il faut reconnaître que c’est rarement mis à exécution. »

Des visas inaccessibles

Si les expulsions à destination des pays de l’EU ont ainsi baissé de plus de 8 %, celles vers les « pays tiers » ont bondi de 13 % entre 2022 et 2023. Pour les personnes concernées, l’éventualité d’un retour en France est très compliquée. « Le problème pour elles est d’obtenir un visa. Ce qui est déjà compliqué de manière générale devient quasiment impossible si la personne a été expulsée », explique maître Brigitte Karila, avocate spécialisée en droit des étrangers au barreau de Lille.

Retour compliqué, donc, mais pas impossible. Sauf si… « De plus en plus souvent, les OQTF sont assorties d’interdictions de retour sur le territoire français [IRTF] », précise maître Karila. Une décision administrative qui empêche non seulement la personne visée d’obtenir un visa pour la France, mais aussi pour n’importe quel autre pays de l’espace Schengen. L’IRTF a une durée de deux ans, prolongée de deux ans au maximum. « Ce qui ne veut pas dire qu’à l’issue de ce délai un visa sera accordé à la personne », prévient l’avocate. A noter qu’il existe aussi des « interdictions de territoire français », ou ITF, qui peuvent être définitives. Celles-ci sont éventuellement prononcées par un juge en guise de peine complémentaire à l’encontre d’un étranger ayant commis un délit ou un crime.