PSYCHOLOGIEComment « le Grêlé » a-t-il pu avoir l’idée de participer à un jeu télé ?

« Le Grêlé » chez Nagui : Comment un tueur en série peut-il avoir l’idée de participer à un jeu télévisé ?

PSYCHOLOGIEFrançois Vérove, violeur et tueur en série connu sous le nom du « Grêlé », a été candidat à « Tout le monde veut prendre sa place », en 2019. Mais comment un criminel peut-il s’afficher ainsi à visage découvert, sur le petit écran ?
« Le Grêlé », a participé au jeu de France 2 « Tout le monde veut prendre sa place ».
« Le Grêlé », a participé au jeu de France 2 « Tout le monde veut prendre sa place ». - Capture d'écran X @Decimaitre / X
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • «Le Grêlé », un tueur en série recherché durant trente-cinq ans, a participé à « Tout le monde veut prendre sa place », en 2019.
  • Selon Patricia Tourancheau, journaliste et auteure d’un livre sur « le Grêlé », il avait « tout simplement un sentiment d’impunité. Il se sentait intouchable. C’est gonflé, quand même. »
  • Le psychologue et expert judiciaire Mickaël Morlet-Rivelli ne comprend pas l’étonnement que l'extrait a suscité. Oui, un tueur en série peut mener la vie de Monsieur Tout-le-Monde, dit-il.

«Vous fûtes policier, vous ne l’êtes plus ! » Nous sommes en 2019, sur le plateau de « Tout le monde veut prendre sa place », le jeu phare de France 2. Comme il l’a fait pendant quinze ans à midi, Nagui échange quelques mots avec François, l’un des candidats du jour. « Je suis passé à autre chose », lui répond cet homme à la barbe grisonnante.

Mais celui qui est venu se mesurer au champion, ce jour-là, n’est pas un candidat comme les autres : c’est François Vérove, dit « le Grêlé », un tueur en série, que les enquêteurs de la Crim n’ont jamais réussi à coincer. Jusqu’en 2021. Cette année-là, son ADN avait matché avec ce criminel, recherché depuis trente-cinq ans. Mais trop tard. « Le Grêlé » s’est donné la mort dans un appartement loué sur une plate-forme, au Grau-du-Roi (Gard), non loin de la Grande-Motte (Hérault), où il résidait.

« Quand j’ai vu la vidéo, j’ai halluciné »

Cet extrait de l’émission de France 2, retrouvé par Jean Arca, journaliste à Marianne, à la suite des révélations de Patricia Tourancheau dans son livre Le Grêlé : Le tueur était un flic, interroge. Comment un homme au passé si lourd peut-il se pointer à la télévision, pour participer à un jeu ?

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« Quand j’ai vu la vidéo, j’ai halluciné, confie Patricia Tourancheau à 20 Minutes. Mais cela confirme, aussi, ce que je sentais, et ce que j’ai écrit. C’est Monsieur Tout-le-Monde. Il se comporte comme un mec normal, qui va jouer à un jeu populaire à la télévision. Mais quand on sait ce qu’il a commis, comme crimes horribles, et qu’il est recherché depuis trente-trois ans à ce moment-là… On se pose vraiment des questions. »

« Il avait tout simplement un sentiment d’impunité »

Dans son livre, réédité aux éditions Points dans une édition actualisée au mois de février, la journaliste rapporte que son épouse, en 2022, a raconté aux enquêteurs que François Vérove « ne se cachait pas ».

C’est elle, d’ailleurs, qui leur a confié que son défunt compagnon avait tenté sa chance chez Nagui, il y a quelques années. « Le Grêlé » se sentait-il tellement peu en danger qu’il n’a pas tremblé, en montrant sa tête à une heure de si grande écoute ? Ou était-ce une façon d’en finir, pour lui ? « Non, pas du tout !, tranche Patricia Tourancheau. Il ne voulait pas en finir, non. Il était bien tranquille dans son coin, pendant trente-trois ans, ce n’était pas pour se faire prendre… Il avait tout simplement un sentiment d’impunité. Il se sentait intouchable. »

« Il pousse le bouchon jusqu’à aller chez Nagui ! »

Et d’ailleurs, poursuit l’auteure, « son visage, sa corpulence… Il avait vraiment changé depuis 1986 ou 1987 ». Il n’était plus « le Grêlé », le surnom qu’on lui a donné, après qu’un proche d’une victime a décrit sa peau comme granuleuse. « Il était certain de ne pas pouvoir être reconnu », assure l’auteure de Le Grêlé : Le tueur était un flic.

« Il était à la retraite. Il était le bon papi, il trimbalait ses petits-enfants dans une carriole à vélo, du côté de la Grande-Motte, confie-t-elle. Il était élu à Prades-le-Lez. Il avait une vie sociale, une vie publique. Ce n’était pas un ermite. Mais bon, là, il pousse le bouchon jusqu’à aller chez Nagui ! C’est gonflé, quand même. C’est vraiment gonflé. »

Le psychologue et expert judiciaire Mickaël Morlet-Rivelli était « très étonné », mercredi, du buzz que le dévoilement de cet extrait de « Tout le monde veut prendre sa place » a suscité. « Je ne vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire, confie-t-il à 20 Minutes. Pourquoi se sentirait-il menacé ? Il n’y a pas de poursuites. » Oui, poursuit cet expert, « un tueur en série peut avoir une vie comme Monsieur Tout-le-Monde. Michel Fourniret menait une vie normale. Emile Louis conduisait des bus. »

« On n’aura jamais de réponses »

Peut-être avait-il simplement envie de participer à un jeu télévisé. Peut-être qu’il aimait ce jeu, tout particulièrement. Ou qu’il jubilait, à l’idée de se montrer aux yeux de tous, alors que personne ne savait qui il était vraiment. « On peut élaborer tout un tas d’hypothèses plus ou moins crédibles, plus ou moins farfelues. Mais on n’aura jamais de réponses, poursuit Mickaël Morlet-Rivelli. C’est à lui seul qu’elles appartiennent. »

Qu’un criminel qui n’a pas été attrapé se montre ainsi, à la télévision, cela peut peut-être relever « de la provocation, confie à 20 Minutes Martine Batt, experte judiciaire et professeure en psychologie à l’université de Lorraine. Il faudrait étudier sa personnalité. Certaines personnes peuvent aussi ressentir le besoin de se montrer, d’être adulé. » Et d’autres mènent tout simplement une vie normale, « avec un sentiment d’impunité, voire d’omnipotence », complète la professeure.

François Vérove a emporté ses secrets avec lui. Etonnant hasard, le livre Le Grêlé : Le tueur était un flic de Patricia Tourancheau est, confie l’auteure, en cours d’adaptation en série documentaire pour… France 2.