INTERVIEW« Les politiques devraient regarder davantage “Ça commence aujourd’hui” »

« Ça commence aujourd’hui » : « Les politiques devraient regarder davantage l’émission », estime Faustine Bollaert

INTERVIEWFaustine Bollaert présente ce vendredi, en direct sur France 2, la millième de « Ça commence aujourd’hui ». Elle raconte à « 20 Minutes » l’impact que l'émission peut avoir sur ses invités, sur la société française, mais aussi sur elle-même
Faustine Bollaert a atteint le millier de numéros à la présentation de « Ça commence aujourd'hui ».
Faustine Bollaert a atteint le millier de numéros à la présentation de « Ça commence aujourd'hui ». - Nathalie GUYON - FTV / Phototélé
Fabien Randanne

Propos recueillis par Fabien Randanne

L'essentiel

  • Le millième numéro de « Ça commence aujourd’hui » est retransmis en direct, dès 13h45, le vendredi 15 mars sur France 2.
  • « Je redécouvre mon métier régulièrement parce que je vieillis, parce que je ne porte plus le même regard sur les choses, parce que j’aborde mes invités toujours différemment en fonction des sujets. Je n’ai absolument pas fait le tour, j’ai encore des choses à apporter », confie l’animatrice Faustine Bollaert à « 20 Minutes ».
  • « Notre émission propose un pas de recul, on est sur du temps long. A l’heure des chaînes infos, des réseaux sociaux, nous, on peut écouter des gens nous raconter leurs histoires pendant 25 minutes », souligne Faustine Bollaert.

«Ça commence aujourd’hui » ne date pas d’hier. L’émission phare des après-midi de France 2 a largement trouvé son public depuis son lancement en 2017. Ce vendredi, Faustine Bollaert présentera le millième numéro. Dès 13h45, en direct et pendant deux heures, elle retrouvera des invités qui ont particulièrement marqué le programme et retracera leurs parcours depuis leur passage sur le plateau. « Cet anniversaire me rend assez nostalgique », confie l’animatrice à 20 Minutes.

Ce vendredi, c’est le numéro 1.000 de « Ça commence aujourd’hui ». Que vous évoque ce cap ?

C’est assez vertigineux. Je ne m’étais pas bien rendu compte et c’est en regardant tous les magnétos pour préparer l’émission de ce vendredi que j’ai pris conscience du nombre de personnes qui ont défilé sur ce plateau. On en a compté 5.500. Avec chacun de ces invités, j’ai l’impression d’avoir partagé une tranche de vie, donc cet anniversaire me rend assez nostalgique.

Vous êtes prête pour 1.000 autres émissions ?

L’implication et l’énergie sont intactes mais, pour l’instant, je me suis fixé comme but d’aller jusqu’à dix ans à l’animation. Aujourd’hui, je prends tout autant de plaisir qu’au début. Je redécouvre mon métier régulièrement parce que je vieillis, parce que je ne porte plus le même regard sur les choses, parce que j’aborde mes invités toujours différemment en fonction des sujets. Je n’ai absolument pas fait le tour, j’ai encore des choses à apporter. Mais la vraie question est de savoir si un jour le public aura envie d’un regard différent, neuf, plus frais, sur les histoires un peu folles qu’on vient nous raconter.

Vous êtes devenue LA confidente de la télévision française… C’est un rôle que vous saviez être de votre ressort, ou vous vous êtes découvert un don pour l’écoute au fil du temps ?

Pendant quatre ans [de 2008 à 2011], sur Europe 1, j’ai présenté « Et si c’était ça le bonheur ? » où je faisais du témoignage. Tous les jours, j’écoutais les gens qui me racontaient leur vie. C’était quelque chose qui me coulait dans les veines. J’ai toujours su que le témoignage était ma juste place. Quand j’ai rencontré Jean-Luc Delarue il y a vingt ans, je lui ai dit qu’un jour, j’animerai l’émission de témoignages du service public. C’était quelque chose de l’ordre de la vocation. Après, entre vouloir le faire et savoir le faire, il y a une différence. Ça s’apprend. Je connais certainement mieux mon métier aujourd’hui qu’à l’époque mais je me sentais déjà « écouteuse » – ce mot n’existe pas, mais je crois que j’étais une bonne oreille et je ne me suis pas trompée.

Vous avez l’impression de psychanalyser vos invités ?

C’est l’émission qui le fait, pas moi. Je ne suis qu’un maillon de la chaîne. L’accès aux psys ne s’est pas du tout démocratisé. Il y a encore des gens qui viennent sur mon plateau et ne veulent pas aller en voir un parce qu’ils se disent que ce n’est que pour les « fous » alors que je pensais qu’on avait dépassé ce cliché-là. Le fait qu’on ait des psys sur notre plateau donne accès à la psychanalyse et à la psychothérapie à pas mal de gens qui nous regardent et n’oseraient jamais pousser la porte d’un spécialiste. Pour beaucoup de monde, venir dans l’émission relève de la démarche thérapeutique. Je sais qu’ils ont réfléchi pendant des semaines au fait de venir, avant même de nous contacter. Souvent, ils attendent quelque chose d’énorme de l’émission : la reconnaissance d’un statut de victime, par exemple. Parfois, ils vont parler à leurs proches pour la première fois à travers cet écran-là, parfois ils veulent envoyer des messages forts, dénoncer, avouer quelque chose. Je sais que c’est un marqueur de leur vie. Et par extension, c’est un peu une photographie de la société et de son évolution.

Dans quel sens ?

Par exemple, il y a quelques années, on recevait très peu d’hommes. Aujourd’hui, ils sont nombreux à venir parler. Ils ont accès à leurs émotions et font la démarche de se confier. Ça, ça dit quelque chose de la société. Je me dis que les politiques devraient regarder davantage l’émission. Il s’y dit beaucoup de choses des besoins des Français, des carences, de leur envie d’écoute calme. Notre émission propose un pas de recul, on est sur du temps long. A l’heure des chaînes infos, des réseaux sociaux, nous, on peut écouter des gens nous raconter leurs histoires pendant 25 minutes.

Certains témoignages sont tragiques. Arrivez-vous à ne pas « faire éponge » et à ne pas porter le poids de ces récits une fois les caméras éteintes ?

Cela fait partie des évolutions que j’ai connues en sept ans. Au début, je me mettais très à distance. Ensuite, je n’ai pas assez mis de distance. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’avoir trouvé le bon équilibre. Au moment où je parle à mes invités, je suis en communion totale avec eux et j’y mets du cœur, il y a de l’affect, de l’affection. Je les écoute en prenant la mesure de ce que cela représente pour eux de venir nous parler d’un drame. J’essaye de ne pas rester dans ce qu’on appelle dans notre jargon « une empathie mouillée ».

C’est-à-dire ?

Au moment où je suis avec eux, je suis dans cette empathie mouillée et en partant, je sais qu’on a partagé ce moment-là mais j’essaye de revenir dans ma vie au maximum. Aujourd’hui, je me sens toujours éponge, mais ça ne me fait plus souffrir. Cela me rend certainement plus angoissée – je suis clairement une femme et une maman plus inquiète que mes amies proches car défilent devant mes yeux des récits extrêmement anxiogènes –, mais ça ne me tire pas vers le bas. Au contraire, j’ai l’impression que je reçois autant que je donne. Je fais du bien, cela me remplit, m’élève et me guérit aussi.

Certains témoignages vous ont-ils aidée à régler des problèmes personnels, à trouver réponse à des questionnements intimes ?

Tout le temps ! Que ce soit au sujet de ma relation à mon père, à mes enfants, de mes problématiques de couple… J’en retire à chaque fois énormément de choses. Il m’est arrivé de faire une émission – et je ne rentrerai pas dans le détail – en prenant conscience que quelqu’un qui m’était très proche souffrait de telle maladie dont je n’avais jamais entendu parler. Evidemment que ça me bouscule. Je grandis avec cette émission. Le jour où elle ne fera plus écho à ma vie, à mes problématiques de femme, d’épouse, de mère, il sera temps pour moi d’arrêter. Je dis parfois que je veux qu’on traite de tel sujet car il me travaille ou qu’une copine m’a parlé de telle chose et que j’aimerais bien en savoir plus. Ma vie est aussi le moteur des sujets qu’on traite. Je me suis souvent dit que les gens devaient comprendre où j’en étais dans ma vie en fonction des sujets qu’on évoque (rire).

L’émission est aussi un succès sur YouTube et à travers les extraits diffusés sur les réseaux sociaux, notamment auprès d’un public plus jeune que celui de France 2. Cela vous étonne ?

Ceux qui viennent le plus vers moi dans la rue, ce sont des 17 à 25 ans. C’est incroyable ! Je trouve que c’est porteur d’espoir. Cette génération, qui a l’habitude de regarder des trucs cut, clipés à mort, avec un teaser annonçant ce qu’il va se passer derrière, a quand même besoin de cette écoute calme, de ce pas de recul. J’hallucine parfois de voir la patience et le temps qu’ils se libèrent pour pouvoir regarder ces images. Cette génération se sert de l’émission pour faire passer des messages aux parents ou grands-parents. Je reçois plein de courriers du genre : « J’ai montré telle émission à ma mère qui a compris ce dont je souffrais, ce que j’ai vécu… » Rassembler les générations, c’est une fierté. C’est aussi la grande vertu de cette émission.

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