GREEN OU PAS GREEN ?Le golf, le nouvel ennemi des écolos… et une cible trop facile ?

« Eaux voleurs ! »... Le golf, nouvel ennemi des écologistes, une cible trop facile ?

GREEN OU PAS GREEN ?Ce sport, outre son image bourgeoise, s’attire les foudres des défenseurs de l’environnement en raison de la consommation d’eau qu’il nécessite
Un golfeur, dans le Morbihan (Archives).
Un golfeur, dans le Morbihan (Archives). - Maxime Le Pihif/SIPA / SIPA
Nicolas Bonzom

Nicolas Bonzom

L'essentiel

  • Le golf, qui véhicule depuis toujours l’image d’un sport élitiste, est aujourd’hui le nouvel ennemi des écologistes, qui accusent cette pratique de consommer beaucoup trop d’eau. Ces dernières années, des golfs ont été saccagés par des militants écologistes, et des projets de nouveaux golfs sont contestés devant la justice.
  • La Fédération française de golf (FFG) argue de son côté que les parcours ne consomment que 0,09 % de l’eau prélevée en France, et qu’ils font des efforts réguliers pour réduire cet usage.
  • Certains golfeurs amateurs comprennent la nécessité de réduire l’impact écologique de leur sport favori, et seraient prêts à jouer sur des parcours moins parfaits. « L’été dernier, je me souviens que le fairway était jaune, assure d’ailleurs Jean-Michel Torrès, membre de l’Association du golf de la Grande-Motte. On n’arrosait pas. »

Gazon maudit ? Si le golf a toujours souffert de l’image d’une pratique bourgeoise, réservée à une élite, il a désormais un nouvel ennemi : les défenseurs de l’environnement. Ces dernières années, des associations et des collectifs s’en sont pris à des greens pour dénoncer ce sport qu’ils jugent écocide. En 2022, des golfs avaient ainsi été saccagés à Toulouse (Haute-Garonne) ou à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine).

« Nous ciblons ce golf privé, un des plus selects de Paris, car il est un exemple éclatant du communautarisme de la classe bourgeoise qui s’amuse tranquillement tout en détruisant notre environnement et nos acquis sociaux », dénonçaient les Sangliers syndicalisé.es, lesquels avaient retourné la terre du parcours de Saint-Cloud. « Ils brûlent la planète et ils refusent toute restriction du luxe inouï dont ils jouissent. »

Un nouveau golf en travaux dans un département… En proie à une sécheresse historique

Et lorsqu’un projet de nouveau parcours sort du trou ces dernières années, il n’est pas rare qu’il soit attaqué en justice. Généralement pour des questions environnementales. C’est le cas à Villeneuve-de-la-Raho, dans les Pyrénées-Orientales, où la construction d’un golf fait l’objet d’une levée de boucliers. Dans ce département en proie à une sécheresse historique, des habitants ont récemment été privés d’eau du robinet, et des vergers sont morts, faute de pouvoir être suffisamment arrosés. « Eaux voleurs ! », lit-on notamment sur les pancartes agitées par les anti-golfs ultra-motivés, qui multiplient les recours. Une manifestation a lieu ce samedi au lac de Villeneuve-de-la-Raho.

"Eaux voleurs !", l'un des slogans des opposants au golf de Villeneuve-de-la-Raho.
"Eaux voleurs !", l'un des slogans des opposants au golf de Villeneuve-de-la-Raho. - Facebook

« C’est un projet vieux de vingt ans, confie à 20 Minutes Mathieu Pons-Serradeil, l’avocat de l’association Ecologie Pays Catalan, qui mène le combat contre ce projet. Depuis, les circonstances ont changé. On s’achemine vers un climat semi-aride. Alors un golf qui nécessite, pour que le green reste vert, un arrosage équivalent à la consommation d’une commune entre 7.000 et 8.000 habitants sur une année… »

« Les efforts sur l’eau doivent être collectifs »

Même si la mairie, qui soutient le projet à fond, promet que ce golf ne sera arrosé qu’avec des eaux usées de la station d’épuration du coin, Mathieu Pons-Serradeil n’est pas convaincu. Pour cet avocat, ce ne sera absolument pas suffisant. « Sauf si tous les habitants du département vont faire pipi à Villeneuve-de-la-Raho ! », ironise-t-il.

Un parcours de plus ? Une « ineptie écologique », déplorait en 2023 Agissons, mouvement engagé contre ce projet à Villeneuve-de-la-Raho. « Des mesures parfois jugées injustes ont été mises en place comme "ne pas arroser les potagers" ou "ne pas acheter de piscines hors-sol". Nos agriculteurs sont toujours aussi contraints. Deux poids, deux mesures… Les efforts sur l’eau doivent être collectifs. »

« La consommation annuelle en eau des golfs en France représente 0,09 % de la totalité des eaux prélevées »

Sollicitée par 20 Minutes, la Fédération française de golf (FFG) assure que les chiffres avancés par ceux qui pointent du doigt la consommation d’eau sont « manipulés ». Ces estimations seraient majoritairement fausses et surévaluées, assure Gérard Rougier, le directeur Territoires, environnement et équipements de la fédération. « Chacun est libre de se faire un avis sur le golf, mais cet avis doit reposer sur des données sûres et vérifiables », justifie-t-il.

Selon la FFG, la moyenne nationale de consommation annuelle d’eau par tranche de 9 trous est de 25,000 m3. Donc, près de 50.000 m3 pour un parcours de 18 trous. Soit la consommation de près de 1.000 Français sur un an.

« La consommation annuelle en eau des golfs en France représente 0,09 % de la totalité des eaux prélevées, et 90 % des golfs utilisent une eau impropre à la consommation », poursuit-on à la FFG. Et en pleine sécheresse, 98 % de la surface des golfs n’est pas arrosée, indique-t-on. « Ces chiffres montrent que le problème de la disponibilité de l’eau dans notre pays ne sera pas réglé pour les seules actions mises en œuvre par notre sport pour réduire nos consommations », poursuit Gérard Rougier.

« Nous avons le sens des responsabilités »

La pratique a encore des efforts à faire pour être plus verte, reconnaît-il. « Nous avons le sens des responsabilités, confie ce représentant de la FFG. Avant même que ces sujets soient au cœur de l’actualité, nous nous étions engagés dans cette voie. Pour preuve, la consommation d’eau des golfs a diminué de 14 % entre 2006 et 2020. Et nous avons bien l’intention d’aller plus loin. »

La FFG pousse notamment les domaines à choisir les surfaces qui nécessitent d’être réellement arrosées, à s’équiper de sondes connectées qui permettent de connaître l’humidité des sols, ou à réutiliser des eaux des piscines ou de ruissellement. L’implantation de gazons synthétiques est aussi « une alternative », confie Gérard Rougier. Même si ces surfaces sont imperméabilisées et bardées de microplastiques, et donc pas tip top pour l’environnement…

Au Golf de Mandelieu-La-Napoule, l'arrosage est relié directement à la station d'épuration des eaux usées.
Au Golf de Mandelieu-La-Napoule, l'arrosage est relié directement à la station d'épuration des eaux usées. - SYSPEO/SIPA

« Si le domaine est moins clean mais qu’on y gagne écologiquement, je comprendrais »

Romain, qui se définit comme un « golfeur du dimanche » depuis une dizaine d’années, a conscience de l’impact écologique de son sport favori. « Le cliché du sport de bourgeois qui claque du fric, je l’ai toujours entendu, confie-t-il. La question environnementale, elle, a émergé il n’y a pas si longtemps que ça. Mais moi, on me dirait "demain, tous les golfs prennent des mesures drastiques pour respecter l’environnement", je comprendrais. Si on devait arrêter d’arroser à tout-va, je comprendrais. Si le domaine est moins clean mais qu’on y gagne écologiquement, je comprendrais. »

Ce sport doit évoluer, poursuit ce Parisien. « C’est vrai, les pelouses sur lesquelles jouent les professionnels sont de vrais billards ! Mais pour les amateurs… On peut tout à fait jouer sur une herbe plus naturelle, sur des terrains différents, assure-t-il. C’est comme si un footballeur amateur disait "Je ne peux jouer que sur la pelouse du Parc des Princes !" »

« Cet été, je me souviens que le fairway était jaune »

Jean-Michel Torrès, golfeur depuis plus de trente ans et membre de l’Association sportive du golf de la Grande-Motte (Hérault), admet que le Golf national, à Paris, doit être « impeccable » quand il accueille des compétitions. « Mais l’été dernier [à la Grande-Motte], je me souviens que le fairway était jaune, assure-t-il. On n’arrosait pas. » La consommation d’eau dans les golfs, « n’est pas laissée à vau-l’eau, ajoute cet Héraultais. Ils sont très contrôlés. Oui, un green, ça consomme de l’eau. Mais on peut consommer de l’eau intelligemment. »

Jean-Michel Torrès « entend », bien sûr le discours écologiste. Mais opposer golf et environnement, c’est non, poursuit l’Héraultais, qui appelle à être plus « mesuré ». « Au golf, il y a des animaux partout, assure-t-il. Des écureuils, plein d’oiseaux, des ragondins… Parfois, les jars nous courent après ! »

NOTRE DOSSIER SUR LE GOLF

On en revient à l’aspect financier, évoqué plus haut : pour Jean-Michel Torrès, le problème est que « le golf est vu comme un sport de riches. Et la conséquence, c’est qu’on lui cherche constamment des poux, notamment en matière d'écologie. D’ailleurs, le golf, un sport de riches, non. D’accord, il existe des golfs où l’ambiance est très pincée, où tout est très cher. Mais dans les golfs municipaux, on peut s’entraîner toute une après-midi en louant un seau de balles à 2 euros. » Le golf ne souffrirait-il que de clichés ?