Voisinage« On s’est fait lyncher », estime le voisin de la crêperie qui sent la crêpe

Bretagne : « On s’est fait lyncher »… Le voisin de la crêperie qui sent la crêpe se défend

VoisinageUn conflit oppose depuis des années les propriétaires de la Crêperie du pêcheur à Erquy (Côtes-d’Armor) à leurs voisins qui se plaignent du bruit et des odeurs
A Erquy (Côtes-d'Armor), la cuisine de la crêperie du Pêcheur donne directement sur certaines chambres de la maison du voisin, qui se plaint des odeurs et du bruit.
A Erquy (Côtes-d'Armor), la cuisine de la crêperie du Pêcheur donne directement sur certaines chambres de la maison du voisin, qui se plaint des odeurs et du bruit. - Patrick B. / Patrick B.
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • A Erquy, un conflit oppose les propriétaires de la Crêperie du pêcheur à leurs voisins depuis des années.
  • Patrick, qui a fait construire cette maison avant l’ouverture du restaurant, est gêné par les odeurs et le bruit.
  • Alex et Marlène, qui exploitent la crêperie, estiment avoir déjà beaucoup investi pour réduire les nuisances.

Cela faisait des années qu’il se plaignait des odeurs et du bruit. Mais à part lui, ses voisins de la crêperie et quelques personnes de la mairie d’Erquy (Côtes-d’Armor), personne n’était au courant de ses problèmes. Ça, c’était avant. Depuis un peu plus d’un an, Patrick est devenu bien malgré lui le protagoniste de l’une des querelles de voisinage les plus médiatiques en France.

Voisin de la crêperie du Pêcheur, le retraité a vu tous les sites d’information du pays s’intéresser à l’assignation en justice qu’il avait adressée à ses voisins. Propriétaires du restaurant depuis 2019, Marlène et Alex avaient souhaité médiatiser leur histoire en lançant une pétition qui avait pris des proportions improbables. « J’ai la sensation que nous avons fait beaucoup d’efforts. Ça tourne à l’acharnement. Nous, on en a marre, on veut juste travailler », expliquait alors le couple à 20 Minutes pour justifier sa démarche.

Un an plus tard, la crêperie est toujours ouverte mais le dialogue est rompu. Saisi par l’avocat de Patrick et sa femme, un juge a décidé de nommer un expert qui devrait rendre ses conclusions en mai. Seul lui pourra déterminer si la crêperie génère un « trouble anormal du voisinage ». « En ce moment, ça ne pose aucun problème, parce qu’il y a peu de monde et que les fenêtres sont fermées », reconnaît d’emblée Patrick.

« Les crêpes, on adore ça », se défend Patrick

Le retraité a fait construire cette maison en 2000 comme résidence secondaire avant de venir s’y installer définitivement en 2016. « On me fait passer pour un Parisien et ça fait recette. Mais c’est injuste ! La réalité, c’est que toute la famille de ma femme est bretonne et que nous avons construit cette maison pour nous en rapprocher. Cette histoire me donne l’impression que c’est interdit de rentrer auprès de sa famille », argumente Patrick.

Accusé de tous les maux, le voisin de la crêperie tente d’expliquer à quoi ressemble son quotidien pendant les trois mois d’été. « On nous accuse de ne pas supporter l’odeur des crêpes. Mais les crêpes, on adore ça. Ce que l’on déplore, ce sont les odeurs de cuisine lourdes, grasses. L’été, on doit vivre fenêtres fermées », assure le retraité. Alex et Marlène se défendaient quant à eux, expliquant avoir lourdement investi pour adapter l’extracteur afin d’en limiter le bruit et les odeurs.

L’huissier a perçu « de fortes odeurs »

Le constat dressé par un huissier l’été dernier vient pourtant attester des nuisances décrites par Patrick. « Je perçois de fortes odeurs de cuisine », atteste-t-il lors de sa visite dans les chambres. Et pour le bruit ? « La fenêtre ouverte, j’entends très distinctement le bruit du groupe de ventilation de la cuisine de la crêperie. J’entends également le bruit des pas de la clientèle et des manœuvres des véhicules sur le parking », assure l’huissier dans son rapport.

Si Patrick a choisi de prendre la parole, ce n’est pas pour tenter de renverser l’opinion, mais plutôt pour essayer de « rétablir la vérité ». « Avec cette campagne médiatique, on s’est fait lyncher. Sur les réseaux sociaux, c’était horrible. J’ai pourtant l’impression qu’on demande des choses raisonnables. On ne veut pas la fermeture de la crêperie. On demande qu’un silencieux soit installé sur l’extracteur avec un filtre anti-odeurs. Et on demande la fermeture du parking. L’été, on a des voitures qui passent à deux mètres de la maison de midi à 23 heures », détaille Patrick.

« On pense avoir fait ce qu’il fallait »

Chacun de leur côté de la clôture, les voisins continuent de vivre sans se parler, attendant qu’un juge ne donne son avis. « Nous, on pense avoir fait ce qu’il fallait. On attend que la justice tranche et nous dise si nous sommes dans notre droit. Cette crêperie, c’était notre rêve, on ne baissera pas les bras », avait expliqué Alex à la réouverture.

A Erquy, la crêperie du Pêcheur et la maison de Patrick ne sont distantes que de quelques mètres.
A Erquy, la crêperie du Pêcheur et la maison de Patrick ne sont distantes que de quelques mètres.  - Google Maps

Dans cette affaire, une nouvelle loi adoptée en décembre à l’Assemblée nationale pourrait faire pencher la balance. Prévu pour régler les litiges entre les agriculteurs et les néoruraux, le texte prévoit de donner raison au « premier arrivé » dans les conflits de voisinage. Installés avant la transformation de la maison d’à côté en crêperie, les retraités pourraient être en position de force pour faire entendre leur voix.

Leurs premières démarches remontent à 2012, soit trois ans après l’ouverture mais n’avaient jamais débouché sur une action en justice. Le problème est pourtant ancien et peut se résumer ainsi : jamais cette maison n’aurait dû être transformée en restaurant sans l’accord du voisinage. Mais maintenant qu’elle est établie ici, il semble difficile de s’y opposer. La justice devra trancher, sans doute cet été.