ASSEMBLEE nationaleComme Véran, les députés peuvent-ils bosser en parallèle de leur mandat ?

Olivier Véran se reconvertit en médecin esthétique… Les députés ont-ils le droit de travailler à côté de leur mandat ?

ASSEMBLEE nationaleL’ancien ministre a indiqué qu’il retournait en formation de médecine esthétique, en parallèle de son mandat
Olivier Véran à l'hôpital Saint-Louis, à Paris.
Olivier Véran à l'hôpital Saint-Louis, à Paris.  - Philemon Henry/SIPA / SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Olivier Véran a confirmé mardi qu’il entamait une formation pour devenir médecin esthétique.
  • L’ancien ministre de la Santé assure qu’il enfilera la blouse un jour par semaine à la clinique des Champs-Élysées, en parallèle de son mandat.
  • La loi permet aux députés de conserver des activités professionnelles en parallèle de leur mandat, mais celles-ci sont limitées et encadrées.

Une vie entre l’Assemblée nationale et l’hôpital. L’ancien porte-parole du gouvernement Olivier Véran a annoncé lundi, dans un entretien au Figaro, qu’il entamait une formation pour devenir médecin esthétique. L’ancien neurologue, éjecté du gouvernement en janvier, se formera auprès de spécialistes parisiens un jour par semaine. Et il espère décocher pas moins de trois diplômes dans ce domaine avant l’été. Une reconversion effectuée en parallèle de son mandat de député. Mais ce cumul est-il possible ? Quelles règles s’appliquent aux élus de l’Assemblée ? On vous explique.

Une centaine de députés ont d’autres activités

Le lendemain, Olivier Véran a confirmé à l’AFP qu’il enfilerait de nouveau la blouse, un jour par semaine, à la clinique des Champs-Elysée. Un passage dans le privé très critiqué. Mais l’ancien ministre de la Santé est loin d’être le seul à vouloir conserver une activité hors du Palais Bourbon. Selon l’analyse des déclarations d’intérêts et d’activités des députés par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (Hatvp), un député sur six conserve au moins une activité professionnelle en parallèle de son mandat (94 élus, soit 17 %*). Par ailleurs, 81 % des activités conservées sont exercées dans le secteur privé.

« Ce constat n’est pas nouveau et s’est accentué ces dernières années pour répondre aux critiques sur la professionnalisation de la vie politique, remarque Olivier Costa, directeur de recherches du CNRS au Cevipof. C’est un débat complexe, car le public souhaite des députés en phase avec la société, qui représentent une diversité de métiers, mais également des élus à plein temps sur leur mandat », remarque le spécialiste du Parlement.

Des limites aux activités possibles

Si la question des formations n’est pas réglementée, plusieurs mesures régissent le maintien en activité d’un parlementaire (voir ici). Outre le cumul des mandats, un député ne peut diriger ou conseiller des entreprises nationales ou des organismes dépendant de la puissance publique. Il est également interdit d’être magistrat ou d’exercer des fonctions de direction dans certaines sociétés privées qui bénéficient de subventions publiques. L’activité de conseil (consulting, expertise) est également bien plus encadrée depuis la loi de moralisation de la vie publique, votée en 2017.

« L’idée générale est d’éviter qu’un député s’invente un métier de consultant ou d’avocat en cours de mandat afin de prévenir les risques de conflits d’intérêts », rappelle Olivier Costa. Un député ne peut pas non plus continuer une activité de conseil commencée moins d’un an avant son début de mandat. S’il est avocat, il a, comme l’ensemble de son cabinet, l’interdiction de consulter ou de plaider contre l’État, les collectivités ou les établissements publics.

Par ailleurs, la plupart des fonctionnaires (professeurs d’université exceptés) ne peuvent pas exercer et sont placés en position de disponibilité. Ces derniers pourront retrouver un poste à la fin de leur mandat.

Suffisant pour éviter les conflits d’intérêts ?

« Cette évolution vers davantage de transparence, à travers les déclarations à la Hatvp, est plutôt positive, mais la situation reste discutable sur deux plans, poursuit Ines Bernard, déléguée générale d’Anticor, association spécialisée dans l’anti-corruption. Quand un député poursuit une autre activité, ça veut dire qu’il donnera moins de temps à l’Assemblée ; ça pose donc la question d’un potentiel manque d’implication dans un mandat censé être à plein-temps et connu pour être chronophage ».

L’autre question soulevée par l’association est celle de l’indépendance des députés. « En réalité, il y a peu de contrôle, car un député doit lui-même se déporter d’un texte [ne pas prendre part au débat ou au vote] quand il juge qu’il peut se trouver en conflit d’intérêts, mais il n’en a pas l’obligation », ajoute Ines Bernard. Seule une poignée de parlementaires se sont ainsi « déportés » d’un texte de loi depuis le début de la mandature en 2022. Contacté par 20 Minutes, le déontologue de l’Assemblée, chargé de contrôler ces questions éthiques, n’a pas répondu à nos sollicitations.

* Les statistiques ont été élaborées sur la base des déclarations d’intérêts et d’activités de 569 députés de la XVIe législature, accessibles en ligne sur le site internet de la Haute Autorité (www.hatvp.fr).