CHIFFRESLe RN en tête, des sondages stables… Les européennes sont-elles déjà pliées ?

Européennes 2024 : Le RN loin devant, les sondages stables… C’est déjà plié ?

CHIFFRESLors des élections européennes, les gros mouvements – et, par définition, les surprises – arrivent le plus souvent au tout dernier moment
Le RN de Bardella devance les macronistes de Hayer et le PS de Glucksmann.
Le RN de Bardella devance les macronistes de Hayer et le PS de Glucksmann. - Phil Hutchinson / Alain ROBERT / Jacques Witt / CHRISTOPHE SAIDI  / Sipa / Photomontage 20 Minutes
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • On est encore loin des élections européennes de juin, mais les sondages se multiplient déjà.
  • Tous ou presque font la même photographie.
  • Mais attention, car, quand ça bouge aux européennes, ça bouge à la toute fin de la campagne.

Nous ne sommes encore qu’à deux mois et demi des élections européennes, mais les différents médias et instituts de sondages publient déjà une ou deux enquêtes d’intentions de votes par semaine. Et c’est facile à suivre : la moyenne des courbes des différentes listes apparaît droite depuis des semaines, voire des mois. Le RN toujours entre 27 et 30 % ; les macronistes toujours entre 18 et 20 % ; Le PS entre 9 et 11 % ; Les Ecologistes et LR entre 7 et 9 % ; LFI entre 6 et 8 % ; Reconquête ! entre 5 et 7 %.

Si l’on regarde en arrière, à deux mois et demi de la présidentielle de 2022, les tendances avaient déjà changé plusieurs fois (et n’avaient d’ailleurs pas fini de bouger). Alors, les européennes sont-elles déjà pliées ? Le vote s’est-il déjà « cristallisé » ? Pour le directeur d’études chez Ipsos Mathieu Gallard, c’est tout l’inverse. La stabilité des intentions de vote s’explique avant tout par le fait que « pour l’immense majorité des électeurs, la campagne n’a pas commencé, et ils ne s’y intéressent pas ».

Des mouvements juste avant le vote

Evidemment, les élections européennes ne suscitent pas le même intérêt que la présidentielle, dont la campagne commence bien plus tôt. En ce mois de mars, on connaît enfin toutes les têtes de listes et les premiers meetings s’organisent. Et lors d’un scrutin européen, ce qui compte vraiment, ce sont les deux dernières semaines. Voire les tout derniers jours. « En 2009, la percée d’Europe Ecologie est vraiment intervenue en toute fin de campagne, rappelle Mathieu Gallard. Une semaine avant, on ne savait pas qui dans le camp proeuropéen, entre écologistes et Modem, allait prendre le lead. De même en 2019, où la percée écologiste a à peine été perceptible dans les derniers sondages publiés. »

Par ailleurs, les européennes sont une élection à surprises : citons les bons scores écolos, donc, en 2009 et 2019, mais aussi les scores des listes de droite souverainistes de Philippe de Villiers en 1994 et 1999 ; celui de Bernard Tapie en 1994, ou encore Jean-Marie Le Pen en 1984… Tous avaient été peu, voire pas du tout anticipés. « Peu de gens ont des votes stratégiques aux élections européennes », estime Mathieu Gallard. Et l’offre, souvent pléthorique, permets aux électeurs et électrices motivés de voter au plus près de leurs convictions.

Une avance du RN tout de même importante

A cette heure, « la sûreté du choix est faible », note Mathieu Gallard. A peine 50 % de celles et ceux qui disent aujourd’hui vouloir voter LR, socialiste ou écologiste sont sûrs de leur choix. C’est 60 % pour les insoumis, et 70 % pour les macronistes. Il y a donc de la place pour des mouvements importants. Mais la liste de Jordan Bardella a déjà, elle, un taux de sûreté du choix de 83 %.

Malgré les spécificités du scrutin européen, cela ne veut donc pas dire que le résultat du 9 juin n’aura rien à voir avec les sondages actuels. La très grande avance prise par le Rassemblement national sur les macronistes, parfois jusqu’à 13 points, rend peu probable un total retournement de situation. « Le risque, pour le RN, c’est qu’il ait déjà un peu fait le plein, analyse Mathieu Gallard. Et qu’au fil de la campagne, quand de nouveaux électeurs se disent certains d’aller voter, son score se dilue. Mais de là à passer de 30 % à être devancé ou être à égalité avec une autre liste, on n’en est vraiment pas là. »

Les données d’Ipsos qui, avec le Cevipof et Le Monde, dressent le sondage le plus massif (avec 12.000 interviews, contre 1.000 d’habitude), permettent d’analyser ce que serait – aujourd’hui – le vote de celles et ceux qui ne sont pas certains d’aller voter. Dans une note de la Fondation Jean-Jaurès, Antoine Bristielle remarque que les personnes sûres d’aller voter à 70 %, 80 % ou 90 % choisiraient tout autant la liste Bardella que les votants sûrs à 100 %. Va-t-on alors vers une élection européenne sans surprise ? C’est déjà arrivé : en 2014 par exemple, les scores des quatre principales listes avaient été bien estimés par les sondages des semaines à l’avance.