Votre vie, votre avis« C’est la prison »… Ils ne veulent plus vieillir (et mourir) en Ehpad

« C’est la prison »… Ils ne veulent plus vieillir (et mourir) en Ehpad

Votre vie, votre avisSelon le Sénat, le taux d’occupation des chambres en Ehpad a chuté en quatre ans, passant de 93 % en 2019 à 88 % en 2023. Qu’en pensent nos lecteurs ?
Linda Kalayci, à droite, embrasse son mari depuis 57 ans, Tanzer Kalayci, après avoir renouvelé leurs vœux lors d'une cérémonie de la Saint-Valentin au centre de soins de la mémoire où réside Tanzer, dans la communauté de vie pour personnes âgées Palace de Weston, le mercredi 14 février 2024.
Linda Kalayci, à droite, embrasse son mari depuis 57 ans, Tanzer Kalayci, après avoir renouvelé leurs vœux lors d'une cérémonie de la Saint-Valentin au centre de soins de la mémoire où réside Tanzer, dans la communauté de vie pour personnes âgées Palace de Weston, le mercredi 14 février 2024. - Rebecca Blackwell/AP/SIPA / SIPA
Farah Birhadiouen

Farah Birhadiouen

Peau neuve pour Orpea qui devient Emeis. Une stratégie qui permettra, selon le groupe d’Ehpad privé, de « marquer une nouvelle étape de sa refondation » et de repartir à zéro, après que des dérives ont été dénoncées par Victor Castanet dans le livre Les fossoyeurs. Dans le même temps, la loi « bien vieillir » vient d’être adoptée par l’Assemblée nationale. Elle propose une plus grande flexibilité sur le droit de visite ou autorise les résidents des Ehpad à accueillir leur animal de compagnie.

Ne pas vivre en « cellule »

Si des efforts sont faits, il s’avère que, selon le Sénat, le taux d’occupation des chambres en Ehpad a chuté en quatre ans, passant de 93 % en 2019 à 88 % en 2023. Pourquoi ? Tout simplement parce que selon les lecteurs et lectrices qui ont répondu à notre appel à témoignages, nos seniors évitent ce qu’ils appellent « la prison ». Bernard, 73 ans, confirme : « Ehpad rime avec prison » et pour rien au monde il ne changerait sa vue sur « la mer et un horizon infini » et des « couchers de soleil merveilleux » contre « une cellule ».

« Je ferais tout pour ne pas aller en Ehpad, ajoute le sexagénaire. J’utiliserai tous les moyens possibles pour un maintien à domicile. Si on pense à une espérance de vie de l’ordre d’une petite année lorsqu’on rentre en Ehpad, c’est quasiment l’année de trop. » « J’attends de la société qu’elle nous donne les moyens de partir dignement, tranquillement sans avoir à recourir à des méthodes violentes ou dégradantes. De celles qui laissent un mauvais souvenir aux enfants et petits enfants », avance encore Bernard, qui sait décidément ce qu’il veut.

« Je crains les chutes et la malnutrition »

Même avis pour Maria qui héberge sa mère de 86 ans depuis sept ans parce qu’elle ne supporterait pas de la voir vivre en Ehpad. « Elle a besoin d’attention permanente et je ne serai pas tranquille en la sachant livrée à elle-même. Je crains les chutes et la malnutrition ou la déshydratation car il faut constamment la motiver pour s’alimenter. » Persuadée que les personnels ne seraient pas assez attentionnés envers sa maman, Maria ajoute que « ces établissements manquent cruellement de bras pour s’occuper comme il le faut » de chaque résident : « on le sait, mais rien ne semble changer : la toilette est bâclée, les repas expédiés. »

Béatrice, elle, a déjà pris ses dispositions. Choisir plutôt que subir serait son credo. Notre lectrice souhaite ainsi « intégrer une résidence senior » quand le moment lui semblera opportun. Idem pour Luw, 33 ans et déterminée : « je travaille en Ehpad et je ferai tout pour éviter d’y envoyer l'un de mes parents ! S’ils ont besoin un jour, nous favoriserons les interventions à leur domicile. »

« Cela suppose beaucoup de sacrifices »

Luw n’est pas la seule à réfléchir à cette option. Selon nos confrères de BFMTV, « de plus en plus de seniors font en effet le choix de passer leurs vieux jours chez eux, et mettent tout en œuvre pour reculer leur entrée dans un établissement spécialisé ». « Cela suppose beaucoup de sacrifices mais avec un peu d’organisation et beaucoup de patience on y arrive, avance encore Maria qui songe à s’installer avec mère et mari au Pays-Basque. Je peux affirmer, sans me tromper, que ma mère ne serait plus de ce monde si je n’étais pas à ses côtés. »

Curatrice et également proche d’une dame âgée de 73 ans, nommée Brigitte, Nadia explique que cette dernière « vit seule dans sa maison située dans la périphérie Strasbourgeoise ». « Un placement en Ehpad lui fait très peur. Surtout de ne pas avoir de visite, de ne pas pouvoir sortir. » « La curatelle lui permet de décider de son choix de lieu de vie. Elle bénéficie d’une aide financière de l’APA. Cela contribue à prendre en charge des auxiliaires de vie et l’aménagement de son domicile en fonction de son handicap », explique encore Nadia qui assure que « le maintien à domicile rassure la personne âgée ». « Elle y a ses repères, ses souvenirs. Je pense sincèrement, que la vieillesse progresse moins vite parce que Brigitte se sent plus sereine. »

« Pas question de jouer au scrabble avec des gens de mon âge »

Jean-Claude, lui, confie avoir placé une « proche parente » en Ehpad parce qu’il n’avait « pas d’autres choix, hélas ! » Avec Alzheimer, ses chutes, une insécurité et malgré une aide à domicile dans la journée, il a fallu se « résigner » à aller en maison de retraite. « Cela est coûteux et il faut accepter tous les inconvénients de la dépendance. On s’en remet à autrui pour gérer son confort, ses repas, ses distractions, ses soins d’hygiène, etc. », admet Jean-Claude.

Quant à François, 65 ans et « en bonne santé », il veut « mourir chez » lui, « entouré » ses siens. « Pas question d’aller moisir dans un établissement spécialisé où tout le monde m’oubliera. Pas question de jouer au scrabble avec des gens de mon âge, entouré d’infirmières, avance-t-il. Et si je vois que je deviens une charge trop importante, eh bien j’ai laissé des instructions pour en finir sereinement. Tout le monde le sait et c’est très bien comme ça. »

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La transition est tout trouvée pour rappeler Bernard à la barre. Notre lecteur estime « que la vie doit rester un équilibre entre les plaisirs et les bons moments qu’elle procure et les difficultés liées à l’âge » et « quand ces dernières deviennent majoritaires, on doit pouvoir s’interroger sur l’intérêt à continuer ». Et le retraité de conclure : « j’espère m’endormir définitivement quand je l’aurai décidé, chez moi, tranquillement ou mieux encore me faire surprendre dans mon sommeil, mais ça, c’est un rêve. »

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