sur la jantePeut-on se faire rembourser quand on crève sur un nid-de-poule ?

Peut-on se faire rembourser par la mairie quand on crève sur un nid-de-poule ?

sur la janteLes gelées tardives du printemps provoquent la formation de nids-de-poule sur les routes et les crevaisons rageantes qui vont avec. Peut-on se faire indemniser par la mairie et si, oui, comment ? Nous avons demandé à un avocat spécialisé
Certains nids-de-poule ne pardonnent pas. Mais l'indemnisation des crevaisons dépend d'un tas de critères pas toujours très objectifs. Illustration.
Certains nids-de-poule ne pardonnent pas. Mais l'indemnisation des crevaisons dépend d'un tas de critères pas toujours très objectifs. Illustration. - H. Ménal / 20 Minutes / 20 Minutes
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Avec les giboulées et les gelées de printemps, la saison est aux crevaisons sur les nids-de-poule.
  • En cas de tuile, peut-on demander à être indemnisé et à qui ? La procédure est-elle complexe ? Quelles sont les chances d’aboutir ?
  • 20 Minutes a posé ces questions à Etienne Lejeune, un avocat spécialisé dans le droit routier.

Ce choc intempestif qui vous réveille plus sûrement que le café que vous venez d’engloutir puis ce « clop-clop » caractéristique, signe que la journée va bien mal démarrer. Quel automobiliste n’a pas éclaté un pneu sur un nid-de-poule ? Qui n’a pas maudit dans l’instant la collectivité – la « mairie » de préférence – chargée de l’entretien de la chaussée ? Y a-t-il un recours pour se faire indemniser, non seulement la roue ou de la jante, mais les inconvénients provoqués par ce coup du sort ?

Alors que les gelées printanières sont particulièrement propices à la formation de ces « cratères » routiers, nous avons posé la question à Etienne Lejeune, avocat spécialisé dans le droit routier. Il n’est pas persuadé que le jeu en vaille toujours la chandelle.

« Des preuves, des preuves, des preuves »

La bordée de jurons, bien que cathartique, ne vous servira à rien pour la suite. Ce qu’il faut faire, pour espérer être indemnisé, c’est dégainer votre téléphone portable. Il faut prendre des photos des dégâts sur le véhicule, des photos du fameux trou sous toutes les coutures. Pas de timidité mal placée. « S’il y a un passager, des témoins, il faut leur demander une attestation, même par mail », conseille Etienne Lejeune. Sans oublier la facture du garagiste ou celle de la voiture de location que vous avez louée le lendemain parce que vous êtes témoin à un mariage, ou encore les posts dénichés sur les réseaux sociaux qui s’indignaient de la présence du fameux nid à « emm… ».

« Des preuves, des preuves, des preuves. C’est la clé de voûte de toute la procédure, sans elle vous pouvez avoir le meilleur avocat du monde vous n’aboutirez à rien. » »

Etienne Lejeune, avocat spécialisé dans le droit routier

Si cette case est cochée, vous pouvez passer à l’étape suivante.

Une « demande indemnitaire » à la bonne collectivité

Le deuxième réflexe est de joindre ces fameuses preuves à une « demande indemnitaire » adressée, en recommandé avec accusé de réception, « à la collectivité chargée de l’entretien de la chaussée ». La métropole ? La mairie ? Le mille-feuille des collectivités territoriales ne doit pas poser problème. « L’administration a pour obligation d’aiguiller le courrier dans le bon service », assure l’avocat. Et si l’incident s’est produit sur l’autoroute, le destinataire doit être le concessionnaire.

La demande doit être circonstanciée : « Je me trouvais à telle heure, tel jour, sur telle route, quand j’ai heurté tel nid-de-poule qui a causé tels dégâts. » Si vous avez de la chance, le litige se réglera à l’amiable avec l’assurance de la collectivité. En revanche, si dans les deux mois vous n’avez pas de réponse, même négative, « cela vaut rejet implicite de la demande ». Pour poursuivre, il faudra en passer par la justice.

La case tribunal administratif

Après l’échec du recours amiable, il faut saisir le tribunal administratif. Et c’est là, selon Etienne Lejeune, que « des choses simples sur le papier peuvent s’avérer en réalité compliquées ». D’abord parce que le délai moyen pour obtenir une décision du tribunal administratif prend « entre douze et dix-huit mois ».

Il faut alors se demander « si le jeu en vaut vraiment la chandelle ». Si le pneu réparé pour une centaine d’euros par votre garagiste vaut le temps et l’énergie que vous allez investir dans la cause. Et, pour cela, on doit savoir soupeser ses chances de succès. « En matière de nid-de-poule, il n’y a pas de texte qui dise que pour être indemnisé, il faut telle taille, telle largeur, telle profondeur, prévient le spécialiste. Globalement, en étant caricatural, on va considérer que pour un nid-de-poule de quelques centimètres situé dans une ligne droite, la possibilité d’être indemnisé est de zéro. En revanche, si le nid-de-poule est peu gros qu’il s’est formé par accident quelques heures avant et qu’il n’est pas signalé, là, oui, vous aurez plus de chances de vous faire indemniser ».

La collectivité est soumise à une « obligation d’entretien normal », très subjective. Mais si cela fait des semaines qu’un gros nid-de-poule n’est pas rebouché et qu’il a fait la une des réseaux sociaux, il faut tenter le bras de fer.

A Toulouse, la métropole indique que les demandes d’indemnisation « varient beaucoup d’une année sur l’autre ». Il y en a eu 45 en 2022, 115 en 2023.

« Les demandeurs qui obtiennent satisfaction restent très rares. Le juge considère que tout usager doit pouvoir s’attendre à rencontrer certaines défectuosités sur la voie, lesquelles n’engagent pas systématiquement la responsabilité de la collectivité. » »

Toulouse métropole

Etienne Lejeune constate de son côté que les clients qui se lancent en justice – pour un nid-de-poule ou un ralentisseur non conforme – le font quand la facture est vraiment salée. Si vous renoncez, une fois l’énervement passé, n’hésitez pas quand même à avoir le nid-de-poule « altruiste » en signalant les autres trous, croisés au hasard, aux services compétents.