Maudit GazonDans ces déchetteries, les tontes de pelouse, c’est fini

« On ne fait aucune exception »… Quand les tontes de pelouse sont refusées en déchetterie

Maudit GazonDepuis le 1er janvier, les déchetteries de Rennes Métropole refusent les tontes de gazon, afin d’inciter les habitants à les valoriser chez eux
Depuis le 1er janvier 2024, les tontes de gazon sont interdites dans les déchetteries de Rennes Métropole. Un choix écologique, mais aussi économique.
Depuis le 1er janvier 2024, les tontes de gazon sont interdites dans les déchetteries de Rennes Métropole. Un choix écologique, mais aussi économique. - Magic K / Canva
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Dans le but de réduire leurs déchets, de plus en plus de collectivités interdisent les tontes de gazon en déchetterie.
  • Les habitants sont donc invités à garder leur pelouse coupée chez eux, ce qui permet en plus de mieux l’entretenir.
  • Dans la métropole rennaise, les premiers mois d’interdiction se passent globalement bien, mais des questions demeurent.

Elles représentent à elles seules 30 % des végétaux récupérés en déchetterie. Le problème, c’est qu’elles peuvent difficilement être valorisées par les collectivités, qui n’en ont pas vraiment l’utilité. « Elles », ce sont les tontes de gazon. Constituées à 80 % d’eau, elles sont amenées depuis des décennies par bon nombre de propriétaires de jardin, dans la foulée de l’habituelle tonte de la pelouse des samedis de printemps. Après le concert hebdomadaire des tondeuses, on peut ainsi régulièrement observer un curieux défilé de remorques faisant route vers les déchetteries de notre pays. Mais peut-être plus pour longtemps.

Confrontées à la hausse continue du coût de traitement des déchets, les collectivités cherchent par tous les moyens à réduire les apports dans leurs centres de tri. Surtout, elles tentent de convaincre les habitants de la nécessité de garder chez eux leurs brins d’herbe fraîchement coupés, afin de les valoriser. Depuis le 1er janvier, le gazon a donc été banni des déchetteries de Rennes Métropole, changeant les habitudes de ses 450.000 habitants. Pas toujours simple.

« Dans mon jardin, c’est non »

Christophe est un adepte de la belle pelouse. Pour lui, hors de question de laisser le gazon coupé sur place. « Quand tu marches dans l’herbe, après tu en mets partout dans ta maison. Et puis l’herbe séchée qui reste, ce n’est pas beau. Dans un champ, OK, mais dans mon jardin, c’est non », explique-t-il. Comment va-t-il faire ? Pour l’heure, il ne sait pas. « Si c’est interdit, je me demande si les gens ne vont pas aller balancer ça à la campagne ». Sylvain, lui, a trouvé une autre solution. Habitué à faire appel à une entreprise pour l’entretien de sa pelouse, il investira bientôt dans un robot tondeuse qui pratique le mulching, grâce auquel les brins sont coupés très finement. « Parce que je sais que c’est mieux de tout garder chez soi. Mais j’ai plus de 500 m² de gazon, donc ça me paraît compliqué de tout valoriser. Surtout qu’en Bretagne, on doit parfois tondre tout l’été », explique cet habitant de la métropole rennaise avec son accent du sud-ouest.

Chantal vient déposer ses déchets verts à la déchetterie de Cesson-Sévigné, près de Rennes. Mais pas son gazon, car c'est désormais interdit.
Chantal vient déposer ses déchets verts à la déchetterie de Cesson-Sévigné, près de Rennes. Mais pas son gazon, car c'est désormais interdit. - C. Allain/20 Minutes

Les deux hommes sont loin d’être les seuls à se questionner. Aux abords du grand tas de déchets verts de la déchetterie de Cesson-Sévigné, chacun y va de son analyse. « Moi, j’ai pris un robot de tonte. Et franchement, c’est super », témoigne Chantal. « Je comprends les arguments mais j’ai un doute sur l’efficacité écologique. Si c’est pour que tout le monde investisse dans un robot, je doute que ce soit vertueux », enchaîne Xavier. A côté, Thomas débarque. « Je ne savais même pas que c’était interdit. Franchement, je ne sais pas ce que je vais en faire. Je ne pourrai pas tout mettre au pied des arbres », témoigne cet heureux nouveau propriétaire d’une maison avec jardin.

380kg par an et par habitant

Si les interrogations sont nombreuses, on remarque qu’il n’y a pas beaucoup de tricheurs. Sur le tas de branchages de la déchetterie de cette commune située à l’est de Rennes, pas de pelouse. Ou presque. « Il y a un petit dépôt sauvage juste là », montre Corentin Chartier en visant un tas de branches surplombé d’une petite couverture engazonnée. Encadrant de l’entreprise Tribord, qui officie dans les déchetteries de Rennes Métropole, il guette comme tous les agents que personne ne vienne jeter ici son gazon. Sans exception ? « On ne fait aucune exception », répond-il en souriant.

Depuis le 1er janvier, la plus grande métropole de Bretagne a interdit les tontes de pelouse dans ses 25 sites de collecte. Pourquoi, déjà ? « Avant tout parce qu’elles ne servent pas à grand-chose ici. Les gens prennent leur voiture pour amener de la pelouse, et nous allons ensuite prendre un camion pour la déplacer et l’utiliser. Cela représente un gros volume et un poids important », poursuit Corentin Chartier. D’après la métropole, cela représente le chiffre – hallucinant – de 380 kg par an et par habitant pour les seuls occupants de maisons individuelles.

Pour faire passer le message, la collectivité bretonne a dépêché des médiateurs et médiatrices, chargés d’expliquer aux habitants comment valoriser leur gazon à la maison. « Les gens sont presque tous au courant. Et dans la grande majorité des cas, c’est déjà bien accepté », assure Aude Jaouen. La médiatrice déchets reconnaît qu’il y a bien quelques personnes en colère mais assure que « c’est normal ». « Parce que ce n’est pas simple de changer des habitudes qu’on avait depuis des années ». Dans sa main, Aude tient un petit document expliquant aux usagers comment procéder. « Il y a une solution pour tout le monde », assure-t-elle.

Le mulching, la vraie technique de fainéant

La technique la plus facile, on en parlait plus haut, est de pratiquer le « mulching », qui consiste à ne pas ramasser l’herbe coupée et à la laisser sur place. Une technique « de fainéant » qui a pourtant de belles vertus, notamment celle de rendre le gazon plus vert et plus résistant à la sécheresse et à la chaleur. Des kits peu onéreux permettent d’adapter n’importe quelle tondeuse au mulching. Et pour le reste ? « On peut utiliser la pelouse pour pailler son potager ou ses arbustes. Mais il ne faut pas trop en mettre pour éviter que ça ne fermente ».

Les seuls brins de gazon autorisés dans les déchetteries de Rennes Métropole sont ceux mélangés à de la mousse notamment après une scarification de la pelouse.
Les seuls brins de gazon autorisés dans les déchetteries de Rennes Métropole sont ceux mélangés à de la mousse notamment après une scarification de la pelouse.  - C. Allain/20 Minutes

Ces techniques, les habitants de Bourg-en-Bresse (Ain) les connaissent déjà. Depuis le 1er mars 2023, Grand Bourg agglomération a banni les tontes de ses déchetteries. « Dans notre stratégie de réduction des déchets, ça semblait être une des options les plus simples à mettre en place », estime Jean-Luc Roux. L’élu délégué à la politique des déchets précise que sa collectivité avait laissé une période de transition de trois mois aux habitants, afin de ne brusquer personne. « Les réfractaires, on les a surtout eus au début. C’est pour ça que nous avions une période de tolérance. Les agents étaient prévenus et ils ont pu prendre le temps d’expliquer comment garder l’herbe chez soi », rapporte l’élu.

Un an après la mise en place de cette interdiction, Jean-Luc Roux assume et assure « ne rien regretter ». Les chiffres parlent pour lui. En un an, Grand-Bourg agglomération a vu la quantité de déchets verts baisser de 1.000 tonnes, soit environ 10 %. « Si on se base sur une année comparable en termes de météo, on serait même à 24 % de baisse », assure l’élu. A-t-il constaté une hausse des dépôts sauvages ? « On a bien quelques maires qui nous ont dit qu’ils avaient retrouvé un peu d’herbe ici et là, mais ce n’était pas fréquent. Et puis, ce n’est pas dramatique, ça reste de l’herbe », rappelle l’élu burgien. Bien moins crado que des gravats ou un vieux frigo.