Bon plan ou ARNAQUE ?Le « coup de cœur » d’Hanouna pour le site Royaltiz est-il bien justifié ?

Transparence, certification… C’est quoi le problème de Royaltiz qu’Hanouna décrit comme « la nouvelle licorne » ?

Bon plan ou ARNAQUE ?Le 29 mars prochain, Cyril Hanouna a annoncé « entrer en bourse » sur Royaltiz. Mais c’est quoi ce site ?
Cyril Hanouna a annoncé entrer en bourse ce week-end.
Cyril Hanouna a annoncé entrer en bourse ce week-end. - Jacques Witt/Capture d'écran / Sipa/Royaltiz
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Royaltiz est apparu dans l’actualité à la faveur d’une vidéo de promotion de Cyril Hanouna.
  • La start-up permet de spéculer sur la carrière de personnalité.
  • Mais les fondements économiques de la plateforme sont obscurs et la communication de ses partenaires manque de clarté.

«C’est une plateforme sur laquelle j’ai eu un énorme coup de cœur ». Dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux dimanche, Cyril Hanouna annonce une grande nouvelle à ses abonnés sur X : il entre en bourse. « Grâce à Royaltiz. C’est une nouvelle licorne, une société qui va cartonner ». Ici, le présentateur de Touche pas à mon poste (TPMP) ne vend pas n’importe quoi, ni n’importe qui. Royaltiz est une plateforme d’investissement de trading de talents dans laquelle Hanouna avait déjà décidé d’investir en entrant au capital il y a un an. Chez 20 Minutes, on a cherché la « licorne » et on est rentré bredouille. Explications…

Fondé en 2021, le site propose d’investir dans la carrière de personnalités célèbres du milieu sportif, de la chanson ou du divertissement. L’idée ? Mettre en avant l’humain plutôt que les entreprises. D’après Aymeric Granet, directeur général chez Royaltiz, l’idée est aussi d’investir sur des talents émergents et de « financer le développement de leurs carrières ». Sur Royaltiz, chaque talent a son propre « Roy », la monnaie électronique utilisée sur le site. « Cela vous donne le droit d’avoir accès à votre investissement et à la performance financière du talent », certifie Aymeric Granet.

Si le site a mis du temps au départ à convaincre les célébrités, il en compte désormais plus de 200.

Comment ça marche Royaltiz ?

Comme en bourse, le prix varie selon l’offre et la demande, mais surtout la notoriété. Chaque prix d’introduction est fixé à deux euros puis varie dans le temps. Le rugbyman français Antoine Dupont vaut 2,28 € contre 1,47 € pour le chanteur Vegedream. Ici, c’est l’actualité des talents qui fait fluctuer les prix. Ces derniers jours, la hausse de 30 % du tennisman Nick Kyrgios pourrait, par exemple, être liée aux rumeurs de départ en retraite.

Un peu à la manière des dividendes, le site va aussi proposer un rendement mensuel basé sur « la performance financière du talent » calculé savamment grâce à des données semi-publiques, explique Aymeric Granet. « La puissance digitale, le nombre d’engagement et d’abonnements ou le montant publicitaire d’un talent, ou son salaire pour les sportifs ». Mais rien n’indique clairement comment se créent les fonds reversés.

Manque de transparence et com' agressive

C’est un peu ce que reprochent de nombreux experts en crypto à Royaltiz. Tous sont unanimes : Le site manque cruellement de transparence et affiche une communication un brin agressive. « On ne trouve pas le livre blanc qui explique leur système et leur fonctionnement », note CryptOcelot, célèbre enquêteur spécialisé dans ces thématiques sur X. « On signale peu les risques de pertes financières », remarque un avocat spécialisé. Les conditions générales d’utilisation, en effet, restent très floues et n’indiquent pas spécifiquement de mises en garde sur l’investissement.

Du côté de Royaltiz, on explique que toutes les informations nécessaires sont bien transmises. « Il y a une météo du rendement par exemple », souligne Aymeric Granet qui ajoute que d’autres informations doivent rester privées. « La chose sur laquelle nous ne communiquons pas, c’est le fonctionnement précis de l’algorithme. Ça relève d’un avantage compétitif ». Quant à la prévention, le directeur général cite l’exemple de la « Royaltiz académie » pour « fixer des objectifs clairs selon nos attentes », d’après le site.

Certifié 0 % Token

Mais la transparence n’est pas l’unique question qui trotte en tête des spécialistes. « Pourquoi ça n’est pas tokenisé ? », s’est demandé dans une vidéo le youtubeur Yann Pellenard qui, au cours d’une vidéo publiée en janvier, fait « son mea culpa ». Plusieurs mois plus tôt, l’expert avait vendu le site comme une mine d’or, mais après « avoir quasiment tout perdu », il regrette. CryptOcelot, lui aussi, avoue s’être questionné sur l’absence de token et s’interroge sur le modèle de redistribution des fonds. Même chose du côté de l’avocat spécialiste.

Le site ne serait-il pas en train de construire une pyramide de Ponzi où la rémunération des investissements provient des nouveaux entrants ? « Nous, notre business model, il vient du fait qu’on prend une commission de 5 % sur tous les achats de Roy », répond Aymeric Granet. Et le directeur général de justifier : « Quand on s’est lancé en 2021, c’était la folie crypto. Tout le monde en parlait. On s’est posé la question de se lancer aussi, mais on s’est aperçu que le taux de pénétration de la cryptomonnaie dans le grand public était assez faible et nous, on veut s’adresser au plus grand nombre de fans ».

Un produit financier ? Pas vraiment

Plus surprenant encore : Royaltiz n’est toujours pas considéré comme un « produit financier » par l’AMF. « Ça va vous faire rire. Mais nous sommes considérés pour l’instant comme un produit de grande consommation ». Une catégorisation étrange pour l’avocat, Maître Ronan Journoud. « Si une entreprise est assujettie à des agréments de l’AMF pour proposer des produits financiers, elle est censée obtenir ces agréments avant de commencer ses activités, car il y a des conditions à respecter pour protéger les investisseurs ». L’AMF de son côté n’a pas répondu à nos sollicitations car l’autorité est « tenue par la loi au secret professionnel ». De son côté, Royaltiz assure espérer une régulation à l’avenir pour promouvoir « un écosystème de confiance ». « Pour nous, ce n’est pas un obstacle. On a envie d’aller au plus vite ».

Si elle se plie à cette régulation, la start-up devra changer un certain nombre de choses. Pour les produits financiers, la loi Sapin II interdit ainsi de faire de la publicité en ligne « sur certains produits financiers considérés comme particulièrement risqués », rappelle sur son site l’Autorité des marchés financiers (AMF). Difficile dans ces conditions de continuer à demander à certains talents de mettre en avant le site sur les réseaux sociaux. « A raison d’une ou deux publications au début », comme l’a fait Cyril Hanouna.

Lorsque le présentateur parle « de coup de cœur » et « de nouvelle licorne », les mots choisis peuvent produire de grands effets auprès d’un jeune public. Pourtant, le site Royaltiz assure faire attention à cette promotion. « On est évidemment attentif aux termes qu’utilisent les affiliés afin qu’ils n’induisent pas en erreur », avance Aymeric Granet qui rectifie le langage utilisé par Cyril Hanouna : « Nous ne sommes vraiment pas une licorne ».

Le problème de l’affiliation

Cette promotion reste en effet très importante pour le site qui tente de convaincre de futurs utilisateurs par le biais de son système d’affiliation – lancé l’an dernier – en ciblant les influenceurs crypto, comme en témoigne la chaîne Education finance. « J’ai refusé leur affiliation car j’ai estimé que Royaltiz n’est pas de l’investissement mais plutôt du jeu, du pari », confirme-t-il auprès de 20 Minutes.

Et le spécialiste de conclure : « Ma chaîne est dédiée à l’investissement et si j’envoie mes abonnés sur Royaltiz et qu’ils y restent à long terme, je sais qu’ils seront quasiment tous en perte, probablement en forte perte puisque le Roy a une valeur intrinsèque de zéro et que le prix à long terme va tendre vers cette valeur intrinsèque ».