FAKE OFFFaux passeports, fourgonnette… Gare à ces intox sur l’attentat à Moscou

Attentat de Moscou : Passeport pioché dans Wikipedia, plaque d’immatriculation détournée… Gare à ces intox

FAKE OFFQuelques heures à peine après l’attaque, des internautes ont cherché à prouver coûte que coûte une prétendue implication de l’Ukraine, en ayant recours parfois à des procédés grossiers
Quelques heures à peine après l'attaque, la sphère d'influence du Kremlin pointait, sans preuve, un rôle de l'Ukraine dans l'attentat qui a coûté la vie à 137 personnes vendredi dans une ville de la banlieue de Moscou.
Quelques heures à peine après l'attaque, la sphère d'influence du Kremlin pointait, sans preuve, un rôle de l'Ukraine dans l'attentat qui a coûté la vie à 137 personnes vendredi dans une ville de la banlieue de Moscou. - M.Blinov/Sputnik/Sipa / Sipa
Mathilde Cousin et Achille Dupas

Mathilde Cousin et Achille Dupas

Alors que l’attentat a été revendiqué par Daesh, le porte-parole du Kremlin a refusé de lundi revenir sur cette revendication, évoquant « l’enquête en cours ». Une manière de ne pas dédire Vladimir Poutine qui a pointé, sans apporter de preuve, une responsabilité de l’Ukraine dans l’attaque qui a fait 137 morts vendredi dans une salle de concert de la banlieue de Moscou.

Quelques heures à peine après l’attaque, des internautes diffusaient déjà sur les réseaux sociaux des éléments qui montraient, selon eux, une implication de l’Ukraine. Ces éléments, pourtant, ne le prouvent pas. Prétendus passeports ukrainiens, plaque d’immatriculation… 20 Minutes a vérifié ces affirmations.

Non, ces passeports ukrainiens n’appartiennent pas aux assaillants

Un premier passeport appartient à un homme qui avait été recherché par la police en Ukraine en 2020. Le deuxième provient directement de la page Wikipedia en russe sur les passeports ukrainiens. Le troisième appartient à un blogueur russe qui a obtenu la nationalité ukrainienne en 2016, comme le rapportent nos confrères grecs d’Ellinika Hoaxes. Quant au quatrième document d’identité diffusé sur les réseaux sociaux, il s’agit d’un spécimen d’une carte d’identité ukrainienne, qui avait été publié en 2020 sur un site ukrainien.

Aucun de ces quatre documents ne peut être lié aux hommes qui ont visé la salle de concert vendredi. Ils ont pourtant été diffusés sur X pour démontrer, à tort, que les assaillants avaient la nationalité ukrainienne.

Ces passeports ont été récupérés sur le web. Celui en bas à droite provient de Wikipedia. Ils ne sont pas ceux des assaillants.
Ces passeports ont été récupérés sur le web. Celui en bas à droite provient de Wikipedia. Ils ne sont pas ceux des assaillants.  - Capture d'écran X

Une plaque d’immatriculation qui n’est pas ukrainienne

Parmi les fausses informations ayant circulé peu après l’attaque, plusieurs publications sur les réseaux sociaux affirment qu’un van se trouvait à proximité du Crocus City Hall, lieu de la fusillade, aurait une plaque d’immatriculation ukrainienne.

Les images partagées sur les réseaux sociaux ont pour point commun de porter un logo en haut à droite « Shot » ainsi qu’un filigrane transparent en forme de cible. Ces marqueurs sont ceux du canal Telegram russe « Shot », suivi par plus d’un million de personnes. On peut ainsi retrouver la source de la vidéo sur le canal dans une publication postée vendredi à 20h50 (heure française) accompagnée de la légende : « Un minibus blanc suspect est contrôlé sur le parking de Crocus. La voiture pourrait avoir été piégée et des terroristes pourraient être arrivés à bord. »

Sur la vidéo postée sur le canal Telegram, la partie gauche de la plaque est floue, ce qui ne permet pas de distinguer le drapeau ainsi que l’acronyme donnant des indications sur le pays où est enregistré le véhicule.

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Toutefois, et malgré ce que plusieurs internautes ont rapidement affirmé, le modèle de la plaque ne correspond pas aux plaques ukrainiennes, se terminant par deux lettres. La plaque d’immatriculation du van, qui termine par « I X-6 », correspond en outre aux plaques biélorusses, se terminant par deux lettres et un nombre, comme le soulignait l’enquêteur en sources ouvertes Olivier Alexander.

L’Ukraine a recruté les attaquants via son ambassade au Tadjikistan ? Cette capture d’écran ne le prouve pas

C’est une supposée « révélation de dernière minute » qui a été vue 670.000 fois sur X : les attaquants auraient été recrutés via l’ambassade d’Ukraine au Tadjikistan. Des comptes pro-russes diffusent une supposée capture d’écran du site de la représentation diplomatique, qui montrerait que « quelques semaines avant le carnage, un appel à candidatures de tueurs a été ouvertement publié sur le site de l’ambassade d’Ukraine au Tadjikistan ».

Cette capture d’écran montre en réalité un appel à rejoindre la Légion étrangère d’Ukraine. Nous n’en avons pas retrouvé de trace sur le site de l’ambassade. Le site web mentionné dans la capture d’écran renvoie vers une ancienne version de recrutement de la Légion, laissant penser que la capture, si elle existe, est ancienne.

Non, " un appel à candidatures de tueurs " n'a pas été relayé sur ce site officiel ukrainien.
Non, " un appel à candidatures de tueurs " n'a pas été relayé sur ce site officiel ukrainien. - Capture d'écran X

L’Etat islamique a déjà attaqué Israël

Il n’y a pas que l’Ukraine qui est ciblée par la désinformation. Pour laisser penser que Daesh aurait pu s’en prendre à d’autres cibles, de nombreuses publications, parfois virales, affirment que l’Etat islamique (EI) n’aurait jamais attaqué Israël.

Bien que les attaques revendiquées en Israël par l’EI ne soient pas nombreuses, il est faux d’affirmer que Daesh ne cible pas Israël. En mars 2022 par exemple, l’EI a revendiqué une attaque ayant fait deux morts à Hadera, ville du nord du pays, comme le rapportait l’année dernière un article du Times of Israël. L’attaque a été revendiquée par l’Etat islamique via son organe de propagande Amaq. En juin 2017, l’EI avait déjà revendiqué une attaque en dans le pays, lorsque trois assaillants identifiés comme Palestiniens avaient ouvert le feu sur des policiers à Jérusalem, et blessé mortellement une policière. Daesh avait dans un premier temps revendiqué cet attentat, avant d’être démenti par le Hamas, avançant que les trois hommes étaient issus de ses rangs.

Les combattants de Daesh ne lèvent jamais l’index gauche ?

Une autre théorie populaire sur les réseaux sociaux affirme que la photo montrant les trois assaillants devant le drapeau de l’Etat islamique ne serait pas authentique. En effet, trois hommes y lèvent l’index gauche, contrairement à l’usage habituel des combattants djihadistes, qui eux lèvent l’index droit.

Il est vrai que le fait de lever l’index vers le ciel est devenu un geste populaire chez les combattants sur les photos diffusées par l’EI depuis plusieurs années. Comme une chercheuse le rappelait à 20 Minutes dans cet article, ce geste « est un geste d’affirmation de la foi, pas un geste politisé, militarisé comme il l’est devenu avec des groupes comme l’Etat islamique ».

S’il est vrai que le geste d’origine s’effectue avec l’index droit, il n’est pas rare que des combattants de Daesh posent malgré tout avec l’index gauche en l’air. C’est notamment ce qu’a relevé le journaliste de la BBC Shayan Sardarizadeh, photos à l’appui. Il faut également rappeler que ces photos ont été publiées par l’Etat Islamique lui-même, via son agence de propagande Amaq.

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Tant que l’enquête est en cours, le Kremlin ne commentera pas la revendication de Daesh, ont déclaré ce lundi les autorités russes. Quatre suspects, dont au moins un est de nationalité tadjike, ont été placés lundi en détention provisoire.

Le ministère des Affaires étrangères ukrainien a par ailleurs « rejecté catégoriquement » les accusations russes. Kiev considère ces accusations « comme une provocation planifiée par le Kremlin pour alimenter l’hystérie anti-ukrainienne dans la société russe ».

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