Poudre aux yeuxUne association de la police judiciaire critique les opérations antidrogue

« Place nette XXL » : Des opérations antidrogue avec beaucoup d’arrestations, mais combien de condamnations ?

Poudre aux yeuxL’Association nationale de la police judiciaire dénonce les opérations antidrogue menées par le gouvernement comme « de l’affichage »
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à Roubaix, en marge de l'opération antidrogue « Place nette XXL », le lundi 25 mars 2024.
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à Roubaix, en marge de l'opération antidrogue « Place nette XXL », le lundi 25 mars 2024.  - Christophe Forestier / SIPA
Gilles Durand

Gilles Durand

L'essentiel

  • Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé plus de 187 interpellations dans le cadre d’opérations antidrogue « place nette XXL », que l’Association nationale de la police judiciaire considère comme de « l’affichage ».
  • Selon l’ANPJ, ces opérations ciblent des statistiques sans garantie de réponse pénale, au détriment du travail d’enquête en profondeur qui nécessite plusieurs mois.
  • Un policier s'inquiète du « risque d’engorger les tribunaux avec des gens qui ne seront pas forcément condamnés par manque de preuves ».

«Il y a eu, au moment où je vous parle, plus de 187 interpellations. » L’annonce du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a claqué, ce lundi, lors d’un déplacement à Roubaix. Après Marseille la semaine dernière, les métropoles de Lille et Lyon, mais aussi Dijon et la région parisienne ont été le théâtre d'actions policières coup de poing dans le cadre des nouvelles opérations antidrogue baptisées « place nette XXL ».

Objectif revendiqué par Gérald Darmanin : 850 personnes à interpeller. « De l'affichage » plus qu'autre chose, déplore toutefois un membre de l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) à 20 Minutes. « Si c’est pour alimenter la statistique sans qu’il n’y ait de réponse pénale derrière, on ne voit pas bien l’intérêt », dénonce-t-il.

« On veut mettre du bleu sur la voie publique »

Cette association, qui rassemble des officiers de la police judiciaire, ne cesse depuis plusieurs mois d’alerter le ministère sur la politique du chiffre qui, selon elle, « réduit l’efficacité », notamment au sein de la police judiciaire (PJ). « On veut mettre du bleu sur la voie publique et ce serait une bonne chose si le nombre d’enquêteurs était corrélé, explique-t-il. En plus, la réforme de la police a rajouté des strates administratives qui alourdissent les opérations autrefois plus fluides de la PJ. »

Résultat, moins de policiers sur le terrain de l’investigation, selon l’ANPJ. « Démanteler un point de deal, c’est trois à six mois de travail pour comprendre comment il fonctionne, pour réunir les preuves et faire condamner les coupables. Cela nécessite une investigation en profondeur. »

« Manque de preuves »

Selon nos informations, le ministère public de la justice, à Lille, a d’ailleurs été prévenu très tardivement de cette opération « place nette XXL ». « Le ministre veut rappeler que l’Etat peut aller partout, c’est bien et ça rassure la population. Mais on risque d’engorger les tribunaux avec des gens qui ne seront pas forcément condamnés par manque de preuves », se désole encore le policier.

Dans le Nord, où près de 900 policiers ont été mobilisés, le préfet a fait état de 74 arrestations lundi matin, soulignant que l’opération était « multidélinquance », avec un focus sur les stupéfiants. Un demi-kilo d’héroïne, quatre armes et 70.000 euros avaient été saisis au moment de la visite du ministre, a annoncé Thierry Courtecuisse, directeur interdépartemental de la police nationale, anticipant de futures « saisies immobilières ».

Moyens d’enquête défaillants

L’an dernier, une mission d’inspection conjointe des ministères de l’Intérieur et de la Justice avait révélé que 2,7 millions de dossiers de plaintes n’avaient pas été traités en 2022, alors que 3,5 millions de nouvelles procédures avaient été enregistrées en 2023. « Ce sont parfois des dossiers de viols ou de violences intrafamiliales qui restent en souffrance », regrette l’ANPJ.