espèce invasiveC’est quoi la mouche orientale des fruits qui menace de « ravager » la France ?

C’est quoi cette mouche orientale des fruits qui menace de « ravager » la France ?

espèce invasiveL’Anses alerte sur les risques d’entrée sur le territoire français de la « Bactrocera dorsalis », la mouche orientale des fruits qui est un ravageur de cultures
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • La mouche orientale des fruits, Bactrocera dorsalis, est jugée particulièrement dangereuse en raison des dégâts qu’elle peut causer aux cultures fruitières et légumières. L’Anses appelle à renforcer la surveillance et les contrôles.
  • La présence de cette mouche exotique a déjà été détectée en Italie et des spécimens ont été capturés près de Paris dès 2019. Le risque d’une installation durable en France, notamment dans le Sud, est jugé modéré mais préoccupant.
  • Pour lutter contre ce ravageur, l’Anses recommande de renforcer l’application des exigences sanitaires sur les fruits importés, d’étendre ces contrôles à d’autres produits, mais aussi d’interdire aux passagers le transport dans leurs bagages de certains fruits exotiques susceptibles de véhiculer la mouche.

Cette grande mouche de 7 à 8 mm à l’abdomen rayé sera-t-elle la future bête noire des arboriculteurs français ? L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) plaide ce jeudi pour le renforcement de la surveillance de la Bactrocera dorsalis, la mouche orientale des fruits, dont les risques d’entrée sur le territoire français s’accroissent. Ce n’est pas la première fois que l’agence sanitaire s’intéresse à cette mouche exotique dont des spécimens avaient été capturés en 2019, près du marché parisien de Rungis à Paris. Eclairage avec Christine Tayeh, coordinatrice scientifique à l’Anses.

La Bactrocera dorsalis, mouche originaire d’Asie, est-elle présente en Europe ?

La mouche orientale des fruits est aujourd’hui présente dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne, en Inde, en Chine, dans tout le sud-est asiatique ainsi que dans plusieurs îles du Pacifique. « Au niveau européen, l’Italie est le seul pays à avoir déclaré la présence de Bactrocera dorsalis, indique Christine Tayeh. On dit que son installation y est transitoire, au sens où des mesures de gestion sont encore envisagées dans un but d’éradication ». En clair, les autorités n’ont pas baissé les bras et espèrent que son installation n’est pas durable.

Actuellement, aucun foyer n’a été déclaré en France hexagonale mais l’Anses estime accru le risque d’entrée sur le territoire. « Malgré la réglementation européenne qui devrait prévenir son entrée, on voit qu’elle est très probable parce qu’on en trouve de plus en plus capturées aux alentours des points d’entrée (aéroports, ports, marchés de gros etc.) en France, avance encore Christine Tayeh. Dans le même temps, la probabilité d’un établissement durable, ce qui suppose qu’elle survive l’hiver jusqu’à la saison prochaine, est modérée et réduite à la zone méditerranéenne de basse altitude (qui comprend la Corse). »

Quels dangers représentent la mouche orientale des fruits ?

La Bactrocera dorsalis s’attaque à plus de 500 variétés de plantes différentes parmi les cultures fruitières et légumières. « Elle provoque entre 15 et 100 % de pertes de rendement sur mangues par exemple, en fonction des pays où ces observations ont été faites et des variétés culturales touchées et d’autres facteurs (climats, mesures de lutte) », précise notre experte.

S’il est difficile de comparer sa virulence à celle de ravageurs du territoire hexagonal, son statut réglementaire parle « reflète bien sa dangerosité » : « Bactrocera dorsalis fait partie des 20 organismes de quarantaine prioritaire au niveau européen, compte tenu de la gravité des problèmes économiques potentiels qu’elle peut causer, ce qui signifie que les mesures de surveillance et de lutte la concernant sont obligatoires dans tous les pays européens. »

En cas de signalement de cette mouche en France, un plan national d’intervention sanitaire d’urgence sera activé. Les services de l’Etat concernés peuvent mettre en place des traitements insecticides, le piégeage des individus mâles pour limiter la reproduction et des restrictions de circulation des plantes. « Cela montre bien que c’est un des ravageurs les plus dommageables pour l’agriculture française et européenne en général », tranche la coordinatrice scientifique.

Comment lutter contre l’installation de cette mouche exotique en France ?

Les nombreux mouvements internationaux, de marchandises et de personnes rendent complexe l’application des règles européennes en matière de surveillance de cette drosophile. « L’expertise rappelle que malgré la réglementation actuelle pour l’importation des fruits depuis des zones infestées, on intercepte toujours Bactrocera dorsalis, sur des mangues par exemple, pointe Christine Tayeh. Les exigences ne seraient pas forcément respectées ».

En plus de renforcer ces contrôles, l’Anses propose donc de les étendre à d’autres produits. « Il existe des fruits (avocats, fruits de la passion) qui ne sont pas inclus dans la réglementation actuelle mais qui joueraient un rôle dans l’entrée de la mouche sur notre territoire. »

Pour en savoir plus sur les espèces invasives

En plus de la filière d’importation des produits susceptibles d’amener cette mouche orientale en France, il s’agit aussi de surveiller le comportement des passagers, parfois enclin à ramener des fruits exotiques dans leurs valises. « L’Anses recommande pour les passagers, l’interdiction de transport de fruits pouvant porter Bactrocera dorsalis, souligne Christine Tayeh. Principalement parce que ces fruits ne sont pas à la base destinés à l’exportation et ne répondent peut-être pas aux standards sanitaires européens » vis-à-vis de la redoutable mouche. Reste que l’application et le contrôle de ces mesures s’avèrent particulièrement compliqués et pourraient jouer en faveur du ravageur.