PilulesAprès des décès au Japon, faut-il se méfier des compléments alimentaires ?

Scandale sanitaire au Japon : Il faut « vraiment se méfier avec les compléments alimentaires »

PilulesQuatre personnes pourraient avoir été tuées et plus d’une centaine hospitalisée par des compléments alimentaires à base de levure de riz rouge, aussi appelée « benji koji »
Les compléments alimentaires de l'entreprise japonaise Kobayashi Pharmaceutical pourraient être à l'origine de quatre décès et plus d'une centaine d'hospitalisation au Japon. (PHOTO D'ILLUSTRATION)
Les compléments alimentaires de l'entreprise japonaise Kobayashi Pharmaceutical pourraient être à l'origine de quatre décès et plus d'une centaine d'hospitalisation au Japon. (PHOTO D'ILLUSTRATION) - Canva / Canva
Diane Regny

Diane Regny

L'essentiel

  • Alors que les Japonais sont très friands de compléments alimentaires pour booster leur santé ou leur beauté, le pays est secoué par un scandale sanitaire lié à ces produits en vente libre.
  • Le groupe pharmaceutique japonais Kobayashi Pharmaceutical a annoncé que quatre personnes pourraient avoir été tuées par ses compléments alimentaires à base de levure de riz rouge.
  • Pourquoi ce produit peut-il être dangereux ? Faut-il se méfier des compléments alimentaires ? Le docteur Jacques Fricker, médecin nutritionniste à l’hôpital Bichat à Paris et coauteur de Tout sur les compléments alimentaires, les bons et les moins bons répond.

Pilules colorées, gélules translucides ou flacons truffés de vitamines… Les compléments alimentaires se déclinent sous toutes les formes pour convaincre de potentiels clients de leurs bienfaits. Au Japon, pays obsédé par la santé, l’un des produits de Kobayashi Pharmaceutical fait les gros titres. Le complément alimentaire de la firme japonaise pourrait, en effet, être à l’origine de la mort de quatre personnes et l’hospitalisation d’une centaine d’autres.

Mais qu’est-ce que ce complément alimentaire et pourquoi pourrait-il être dangereux ? Faut-il se méfier de ces produits ? Réponses avec le docteur Jacques Fricker, médecin nutritionniste à l’hôpital Bichat à Paris et coauteur de Tout sur les compléments alimentaires, les bons et les moins bons.

Ce complément alimentaire est-il dangereux ?

A l’origine de ce scandale sanitaire se trouve un complément alimentaire présenté comme un anticholestérol naturel. Il contient en effet de la levure de riz rouge, aussi appelée « benji koji ». « Il est probable que l’intoxication vienne ici d’un défaut de fabrication, c’est-à-dire une contamination du produit avec un ingrédient qui n’aurait pas dû s’y trouver et s’avère toxique », note le docteur Jacques Fricker. Le groupe japonais a en effet réagi dès lundi, affirmant qu’il était « possible que les matières premières utilisées pour fabriquer le beni koji contiennent des ingrédients que [la] société n’avait pas l’intention d’inclure ».

Toutefois, la levure de riz rouge comporte des risques en elle-même. « Elle est en général bien supportée mais elle comporte des risques musculaires, comme les statines [prescrites pour faire baisser le cholestérol]. Or, quand vos muscles se détruisent, ils produisent des déchets et c’est trop de travail pour le rein qui s’abîme », explique le médecin. Et, dès janvier 2024, Kobayashi Pharmaceutical a reçu des signalements de problèmes rénaux chez certains de ses consommateurs.

La levure de riz rouge peut aussi s’avérer dangereuse pour le foie, ce qui explique leur interdiction en Suisse, par exemple. En France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire nationale (Anses) conseillait dès 2014 à tout consommateur de consulter son médecin avant de prendre un produit à base de « beni koji ».

Faut-il se méfier des compléments alimentaires ?

Sur son site, l’association de consommateur UFC-Que choisir estime que « la plus grande méfiance est de rigueur avec les compléments alimentaires ». Vendus en pharmacie voire sur Internet, ces produits sont bien moins encadrés que les médicaments et les rappels, recensés par Rappel Conso, sont fréquents. « Il faut vraiment se méfier avec les compléments alimentaires. Ce n’est pas parce que c’est vendu en pharmacie que c’est efficace voire non-toxique », prévient le docteur Jacques Fricker.

En effet, explique le médecin nutritionniste, il existe de nombreux facteurs de dangerosité avec ces produits du risque de se supplémenter en trop grande quantité à l’interaction avec un traitement en cours. Parfois, les produits sont toxiques en eux-mêmes. « Sur Internet, il faut être encore plus prudent. Il existe par exemple des produits amincissants qui se présentent comme des produits naturels, à base de plantes, mais comportent en réalité des amphétamines. C’est efficace pour couper la faim mais c’est illégal et dangereux pour votre santé », prévient Jacques Fricker. « Ils ne sont pas inutiles pour autant », tempère-t-il, prenant l’exemple d’une femme anémiée (en manque de fer) à cause de règles abondantes, qui peut prendre des compléments alimentaires riches en fer.

Pourquoi s’agit-il d’un sujet particulièrement actuel ?

Buitoni, Kinder ou encore Lactalis… Les scandales sanitaires sont fréquents. Quant aux compléments alimentaires, ils ne cessent de se démocratiser. En France, les petites pilules ont rapporté 2,6 milliards d’euros en 2022, d’après le dernier bilan du Syndicat national des compléments alimentaires datant d’avril 2023. Du côté du pays du soleil levant, l’obsession est encore plus prégnante, le marché représentait 7,27 milliards d’euros en 2023, selon Euromonitor. Soit trois fois plus que dans l’Hexagone.

Ces produits, qui contiennent « potentiellement des molécules actives », selon Jacques Fricker, sont donc de plus en plus populaires. Or, « tout ce qui est naturel n’est pas forcément sain », rappelle le médecin qui évoque l’équilibre difficile entre « la force du marketing qui fait rêver et les annonces des médecins et des organismes ». Quoi qu’il en soit, pour le médecin, « quitte à prendre des compléments », il est plus prudent de passer par la case pharmacie car sur Internet, « il se vend tout et n’importe quoi ».