FREE BOOBSMais pourquoi les seins des femmes dérangent-ils encore ?

Pourquoi les femmes sans soutien-gorge (mais avec des seins et des tétons) dérangent-elles encore autant ?

FREE BOOBSAux Etats-Unis, la passagère d’un avion qui ne portait pas de soutien-gorge a du mettre une veste pour pouvoir embarquer
Avec ou sans soutien-gorge, petits ou gros, « il y a une fascination voire une obsession pour la poitrine des femmes »
Avec ou sans soutien-gorge, petits ou gros, « il y a une fascination voire une obsession pour la poitrine des femmes » - Photos Canva / Montage 20 Minutes
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • Une Américaine de 38 ans portant un tee-shirt sans soutien-gorge s’est vu refuser l’accès à un avion, la compagnie lui demandant de se couvrir. Cet incident pose une nouvelle fois la question de la liberté des femmes à disposer de leur corps, notamment de leurs seins, selon l’autrice Gala Avanzi.
  • Ce n’est pas un cas isolé, d’autres femmes se sont vu reprocher leur tenue jugée offensante ou indécente dans des lieux publics. Cette « fascination » pour la poitrine des femmes existe depuis longtemps et perdure au 21e siècle, souligne l’autrice.
  • Le problème vient selon elle de « l’hypersexualisation » des seins, malgré l’émergence du mouvement « no bra » grâce auquel certaines femmes ont voulu s’émanciper du soutien-gorge.

Une tenue qui a bien failli lui faire louper son vol. Fin janvier, une jeune femme qui ne portait pas de soutien-gorge sous son tee-shirt a été priée de se couvrir si elle comptait bel et bien embarquer dans l’avion reliant Salt Like City à San Francisco. Depuis, la compagnie Delta a présenté ses excuses à la cliente de 38 ans, qui avait finalement accepté de porter une veste avant de dénoncer, photo de son haut blanc à l’appui, « une discrimination ».

Une mésaventure qui remet une fois de plus en cause la liberté des femmes à disposer de leur corps (et notamment de leurs seins) et du regard porté sur lui, selon Gala Avanzi, autrice de No Bra (Flammarion) et de Les seins, toute une histoire (Mango éditions).

Au 21e siècle, les seins des femmes posent-ils encore problème ?

Si l’incident fait beaucoup parler de lui ces dernières heures, il ne serait en fait pas si exceptionnel que cela. « Depuis la nuit des temps, il y a une obsession voire une fascination pour la poitrine des femmes », rappelle Gala Avanzi. Et si on pensait qu’au 21e siècle, il était enfin temps de la laisser vivre sa vie, on peut se mettre le doigt dans l’œil. « Ce n’est pas un cas isolé, poursuit l’autrice. On a cette femme au musée d’Orsay, d’autres qui se font embêter car elles allaitent en public… La question s’est aussi posée dans les lycées, où l’on ne devait pas voir apparaître de bretelles de soutien-gorge. »

En 2019, une femme britannique de 31 ans affirmait avoir dû quitter un avion de la compagnie EasyJet, en raison de son haut jugé trop décolleté et transparent. A peu près le même scénario que pour la jeune américaine, interpellée par une hôtesse avant le décollage pour sa tenue jugée offensante. « Il y a une grosse ambivalence aux Etats-Unis avec un certain nombre de femmes qui se promènent sans soutien-gorge, ou en soutien-gorge, et ce côté très puritain. Ce qui fait que beaucoup se perdent dans cette dualité, observe Gala Avanzi. J’ai moi-même voulu faire du top less dans un hôtel de San Francisco. Une cliente m’avait lancé un regard noir, avant de me dénoncer… »

Le no bra n’a-t-il pas fait évoluer les mentalités ?

Selon Gala Avanzi, le problème vient de « l’hypersexualisation » de la poitrine féminine. « On mélange tout, les seins sont considérés comme des organes sexuels. C’est pour cela que certains trouvent cela offensant, et que ça devient un problème qui ne devrait pas se poser, comme celui de la poitrine des hommes. » Des représentations qui ont encore la vie dure dans certains pays malgré l’émergence du mouvement no bra depuis quelques années.

Si la tendance reste encore très minoritaire en France, cette désaffection de certaines femmes pour ce sous-vêtement a en tout cas eu le mérite de faire réfléchir sur un objet pas si anodin. « Le soutien-gorge est tout en ambivalence car il rehausse la poitrine, la rend plus sexuelle, estime Gala Avanzi. Mais en même temps, il a été un symbole d’émancipation par rapport au corset, qui lui-même a été un progrès avec une industrie entièrement féminine. »

Le téton, toujours tabou ?

Autre propriété du soutien-gorge, celui de gommer le téton. Un détail qui a sûrement joué dans l’affaire de la passagère de l’avion qui n’en portait pas. Mais pourquoi faudrait-il à tel point les cacher, voire les censurer ? La philosophe Camille Froidevaux-Metterie, autrice de Seins, en quête d’une libération, expliquait à nos confrères de France Info : « S’ils sont à ce point impossibles à montrer, c’est parce qu’ils condensent en fait les deux fonctions des seins que sont la fonction sexuelle et la fonction maternelle. »

Tout savoir sur tous les seins

A tel point que même certaines adeptes du no bra avouent se sentir mal à l’aise dans des hauts trop transparents. Les marques de lingerie et prêt-à-porter l’ont bien compris, commercialisant des caches tétons adhésifs pour celles qui, a contrario de Rachel Green dans Friends, ne sont pas prêtes à se lancer dans la tendance Free the Nipple. « Il faut avoir un beau décolleté pigeonnant par contre il faut que ça s’arrête au ras des tétons et quand on a des cols roulés on nous traite de coincées. Tout ceci est extrêmement hypocrite, conclut Gala Avanzi. L’essentiel, c’est que chaque femme décide de ce qui lui convient. »