SANS AVEUX NI CORPSPourquoi Frédéric Mellet est soupçonné d’être le « Jubillar de l’Yonne » ?

Yonne : Pourquoi Frédéric Mellet, accusé du meurtre de sa femme, est comparé à Cédric Jubillar ?

SANS AVEUX NI CORPSChantal Mellet, 54 ans, a disparu le 2 juillet 2020 de la ferme familiale. Son corps n’a jamais été retrouvé. Mis en examen pour « meurtre », son mari clame son innocence
Chantal Mellet a disparu le 2 juillet 2020, à Joigny, alors qu'elle travaillait sur l'exploitation familiale.
Chantal Mellet a disparu le 2 juillet 2020, à Joigny, alors qu'elle travaillait sur l'exploitation familiale.  - G. Varela / 20 minutes
Caroline Politi

C.Po.

L'essentiel

  • Chantal Mellet, 54 ans, a disparu le 2 juillet 2020, probablement entre 8h30 et 11 heures alors qu’elle travaillait sur l’exploitation agricole familiale.
  • Son mari, Frédéric Mellet, a été mis en examen pour meurtre en mai 2022. Il n’a eu de cesse de nier les faits.
  • Les avocats du mis en cause dénoncent un dossier vide.

Pas d’aveux ni de corps. Il n’en fallait pas plus pour que Frédéric Mellet soit surnommé le « Cédric Jubillar de l’Yonne ». Cet éleveur de chèvres à Joigny, à quelques kilomètres d’Auxerre, est soupçonné d’avoir tué sa femme, Chantal. Agée de 54 ans, elle travaillait avec lui sur l’exploitation agricole lorsqu’elle a disparu, il y a près de quatre ans. Depuis, silence radio. Elle n’a plus donné le moindre signe de vie. Mis en cause près de vingt-deux mois après sa disparition, celui qui a toujours clamé son innocence a de nouveau été entendu ce vendredi par le juge d’instruction.

La trace de Chantal Mellet s’est perdue le 2 juillet 2020. Ce matin-là, comme tous les jours, le couple s’est levé aux aurores pour la traite des chèvres. Vers 8h30, l’exploitante agricole inscrit dans un carnet la quantité de lait recueillie. L’analyse graphologique est formelle : c’est bien son écriture. Mais que s’est-il passé ensuite ? La quinquagénaire a disparu sans prendre son téléphone, ni sa carte de crédit ou la moindre affaire. Malgré d’intenses recherches – notamment dans le domaine mais également les bois et étangs alentours – son corps n’a jamais été retrouvé.

L’information judiciaire requalifiée en « meurtre »

« Elle était dans son laboratoire en train de faire ses fromages, avait confié peu après sa disparition Frédéric Mellet à France Bleu Auxerre. Moi, j’étais à la traite des chèvres. Je l’ai dérangée deux minutes, je lui ai dit : "quand tu auras fini, il faudra qu’on parle d’un sujet personnel." Quand je l’ai cherchée sur le coup des 9 heures, il n’y avait plus personne. » En fin de matinée, l’homme se rend toutefois dans un magasin de bricolage. Son passage en caisse est enregistré à 11h10. C’est ce laps de temps qui intéresse les enquêteurs. D’abord ouverte pour « disparition inquiétante », l’information judiciaire a finalement été requalifiée en « meurtre » en octobre 2021.

Comme dans l’affaire Jubillar, les enquêteurs relèvent que le climat familial est loin d’être au beau fixe. Le couple est marié depuis 1999 mais plusieurs témoins – à commencer par les filles du couple – attestent qu’il battait de l’aile. Chantal Mellet avait un amant – c’est d’ailleurs lui qui signalera sa disparition –, ce que son mari savait. Il assure qu’il souhaitait justement avoir une discussion sur le sujet avec elle le jour de sa disparition. « Je désirais lui demander de cesser cette relation, le jour des faits. Qu’on reprenne notre vie. Comme beaucoup de couples, il y a des hauts et des bas. Même si c’est compliqué, on reste unis, nous avons des enfants ensemble », a-t-il déclaré à L’Yonne républicaine en janvier 2022.

Portable éteint ou en mode avion

A l’époque de ces déclarations, Frédéric Mellet, n’est pas mis en cause. Il le sera cinq mois plus tard, en mai 2022, soit vingt-deux mois après la disparition de Chantal Mellet. Un élément déterminant va fragiliser son alibi : le changement de version de la fille cadette du couple. Selon cette information révélée par Le Parisien, cette dernière avait d’abord affirmé avoir vu son père sur l’exploitation, en se réveillant, vers 10 heures du matin. Un élément déterminant puisqu’il coïncide avec la disparition de sa mère. Mais placée en garde à vue, la jeune femme change de version et indique s’être levée vers 9 heures du matin et n’avoir vu ni son père ni son camion.

Les expertises menées sur le téléphone de Frédéric Mellet révèlent, par ailleurs, que l’appareil était en mode avion ou éteint entre 6h28 et 10h20. Un « élément inhabituel d’après l’examen de sa téléphonie », précise un arrêt de la chambre de l’instruction.

Mais est-ce suffisant ? Les avocats du mis en cause, Me Yasmina Belmokhtar et Frank Berton, n’ont eu de cesse de dénoncer la fragilité du dossier. A dix reprises, ils ont formulé des demandes de remises en liberté. A dix reprises, elles ont été rejetées. Les filles du mis en cause n’ont eu de cesse de le soutenir. Contacté Me Florian Lastelle, qui représente deux d’entre elles, n’a pas souhaité s’exprimer. Selon Le Parisien, l’instruction serait sur le point de se terminer.