Cyclisme« Encore 11.000 euros à trouver »… Vers des courses payantes pour le public ?

Tour des Flandres : « Encore 11.000 euros à trouver »… Vers des courses cyclistes payantes pour les spectateurs ?

CyclismeFace à l’augmentation des coûts, certains organisateurs ont décidé de faire payer l’entrée aux spectateurs, notamment dans la zone d’arrivée. Cela pourrait-il être étendu à toutes les courses ?
Van der Poel lors de l'E3.
Van der Poel lors de l'E3. - Shutterstock/SIPA / Sipa
Antoine Huot de Saint Albin

Antoine Huot de Saint Albin

L'essentiel

  • L’une des plus belles courses de la saison, le Tour des Flandres, se dispute ce dimanche en Belgique.
  • Si l’accès au Ronde y est encore gratuit, l’organisateur Flanders Classics réfléchirait à faire payer l’entrée aux spectateurs.
  • Certaines courses ont déjà franchi le pas, notamment pour pallier des coûts de plus en plus lourds.

Comprendre le flamand ou le néerlandais n’est pas franchement donné à tout le monde. Mais à la vue du petit panneau « Ingangskaart 5 euros », pas besoin de connaître les subtilités de la langue de Van Gogh pour savoir que vous allez devoir passer à la caisse. C’est ce qui s’est passé le 13 mars dernier pour les spectateurs de la Nokere Koerse, semi-classique belge, qui voulaient se masser pour hurler au plus près des oreilles des forçats du pavé et des monts du, soi-disant, plat pays.

La course belge n’est pas la seule à avoir lancé un tarif d’entrée. Le Grand Prix du Morbihan va également demander (5 euros) aux spectateurs souhaitant voir le dernier kilomètre au bord de la route de vider leur portefeuille. Et il se murmure dans les milieux autorisés que Flanders Classic, l’organisateur des plus grandes classiques belges, dont le Tour des Flandres qui se dispute ce dimanche, songerait aussi à pareille initiative.

« Que des moins dans le bilan financier »

Pourquoi ce changement dans un sport populaire où la gratuité était l’un des piliers ? A cause de la crise et de l’inflation, évidemment, et des coûts qui augmentent à n’en plus finir. « A six semaines de la course, j’ai encore 11.000 euros à trouver, nous explique Franco La Paglia, organisateur du Circuit de Wallonie. Une course comme la nôtre, qui est une “petite course”, j’ai besoin de 120 à 130.000 euros. Tu dois payer minimum 3.000 euros par équipe et donc tu multiplies ça par 20… 27.000 euros en licence d’organisation, la logistique et la télé, ça fait 25.000 euros en plus… »

Franco La Paglia, « qui n’a que des moins dans son bilan financier », n’a pas encore succombé à l’option faire payer des spectateurs, au contraire de Yannick Guégen, organisateur du GP du Morbihan, qui se déroule le 4 mai. Les spectateurs installés dans le dernier kilomètre, sur la côte de Cadoudal, devront dont s’affranchir d’un droit d’entrée « pour nous permettre de contrebalancer les difficultés économiques d’organiser une épreuve de ce niveau, avec des partenaires privés qui n’augmentent pas leur contribution financière, quand ils ne la réduisent pas ».

« On est en Bretagne, c’est la météo qui va commander, reprend Yannick Guégen. S’il fait un temps hyperagréable, on aura davantage de spectateurs, ça nous est arrivé d’avoir jusqu’à 10.000 personnes sur le final. On espère engendrer 15.000 euros, qui est le budget d’un bon partenaire sur l’épreuve ». »

« On ne peut pas demander un euro »

Ceux qui n’ont pas encore osé passer le cap (la grande majorité) ont, soit des doutes sur la possibilité d’instaurer cette mesure, ou le sentiment qu’une telle décision ne rendrait pas service à la course. « Dans les contrats avec les villes d’arrivée et de départ, qui paient déjà pas mal, c’est toujours un événement gratuit, on ne peut pas demander un euro, indique Bruno Dequeecker, organisateur de la Classic Bruges-De Panne. Même si, quand on fait le calcul, ça ne serait pas mauvais. »

« Sur le Tour des Flandres, même si on demande à payer pour aller sur le Kruisberg ou le Paterberg, il y aura encore des milliers de personnes qui voudront y aller, témoigne Bert Pattyn, directeur de la Bredene Koksijde Classic. Chez moi, il y a beaucoup de monde, mais les gens préféreraient rester chez eux à la maison, à regarder à la télé, plutôt que payer. Et sans public sur le circuit, sans public qu’on voit à la télé, ça nuit à la popularité de la course et la répercussion qu’il peut y avoir sur les sponsors. »

Tous nos « race masters » ont aussi évoqué la problématique du périmètre qui serait réservé au public payant. Instaurer une zone exclusive à l’arrivée, en haut d’une cote, sur un secteur pavé ? « Si je bloque les 300 derniers mètres, les gens se mettront au 301e, en rigole Franco La Paglia. Et puis, mon dernier kilomètre, il est en pleine ville, donc j’ai des maisons de chaque côté. Je fais payer les gens qui sont chez eux ? » « Ici, c’est un circuit de 12 ou 13 km, comment faire pour que les gens paient sur tout cet espace-là, ça me semble impossible », ajoute Bert Pattyn.

Des solutions alternatives

Alors, plutôt que faire payer les spectateurs à l’arrivée, certains ont trouvé des moyens détournés, comme Bruno Dequeecker, qui a en plus agité la carte humour : « On a lancé une campagne du nom de VIS (Very Important Supporter), sachant que vis veut aussi dire poisson en néerlandais. On donne l’opportunité aux spectateurs de payer 50 euros, et ils reçoivent un goodies bag et une bonne place à l’arrivée. On a essayé ça pour la première fois, et on ne peut pas dire que c’était un franc succès. »

Nourritures et boissons, c’est aussi le levier activé par les organisateurs de la Polynormande (11 août), qui espèrent changer les habitudes de ses spectateurs pour en faire des mini-consommateurs. « Nous, on a misé sur l’animation autour de la course, avec un espace village où on fait de la restauration à des prix attractifs, explique Benoît Lemonnier. On insiste de plus en plus là-dessus, que la restauration est au profit de l’association et de l’organisation de la course. Depuis qu’on le martèle, on a l’impression d’avoir un retour. C’est bien perçu par les gens. »

En attendant d’avoir des ravitos pour les spectateurs sur les étapes du Tour, peut-on s’attendre à devoir payer pour voir Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard et Lenny Martinez s’écharper dans l’Alpe d’Huez ? Non, et pas de sitôt. « C’est quelque chose que nous ne souhaitons pas et ne voulons pas faire sur les courses que nous gérons », nous assure ASO, qui possède un immense portefeuille de courses, de la Grande Boucle à la Vuelta en passant par Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège ou Paris-Nice. L'honneur est sauf. Le portefeuille aussi. Ah, au fait, gratuit, en néerlandais, ça se dit vrij.


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