reportageCe maire compte vendre le terrain de foot pour rénover l’école

Gironde : Ce maire vend le terrain de foot pour rénover l’école

reportageLe nouveau maire de Salaunes, dans le Médoc en Gironde, élu lors d’élections partielles en septembre, envisage de vendre le stade, délaissé depuis dix ans, pour boucler le financement de la rénovation-construction de l’école
Le stade de Salaunes, qui n'est plus aux normes, n'accueille plus de groupes sportifs depuis environ dix ans.
Le stade de Salaunes, qui n'est plus aux normes, n'accueille plus de groupes sportifs depuis environ dix ans.  - E.Provenzano / 20 Minutes / 20 Minutes
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • La municipalité de Salaunes envisage de vendre le terrain du stade de football désaffecté depuis dix ans pour 1,5 million d’euros afin de financer la rénovation et l’agrandissement de l’école du village, selon le maire actuel Damien Hoareau.
  • Cette décision est contestée par l’ancien maire Jérôme Pardes, qui estime qu’il était possible de financer le projet scolaire sans vendre le stade, et craint que cela aggrave les inondations dans le village.
  • Le projet de rénovation de l’école, dont la moitié des classes sont dans des préfabriqués, est attendu depuis plusieurs années dans ce village, où de nombreuses familles s’installent.

«Mon frère jouait au foot et mon père était arbitre, il y avait aussi pas mal de fêtes qui y étaient organisées », se remémore Laëtitia, 38 ans, sur le pas de sa porte qui donne directement sur le stade de Salaunes, une petite ville de 1.200 habitants à quarante-cinq minutes de Bordeaux, où elle a grandi. Délaissé depuis près de dix ans, car le village n’a plus de club de foot, l’équipement est dans un triste état et même l’équipe locale de vétérans ne veut pas s’y entraîner.

Damien Hoareau, l’actuel maire de la commune après des élections partielles organisées en septembre, a rapidement décidé de se séparer de ce terrain d’1,5 hectare. Classé comme constructible au plan local d’urbanisme (PLU), il envisage de le vendre 1,5 million d’euros pour un projet de renovation-construction de l’école, en panne de financement. Depuis dix ans, les lotissements ont poussé sur le pourtour du village et avec eux, les préfabriqués se sont multipliés pour accueillir les 165 enfants scolarisés dans ce village. La place manque et la cantine n’est plus aux normes.

Une nécessité économique ?

Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut pousser les murs de l’école et la rénover mais le sacrifice du stade ne passe pas pour certains. « Je sais que dans une commune le stade est un symbole mais il faut prendre des décisions fortes, assume Damien Hoareau. On aurait eu un complexe sportif qui fonctionnait, on n’aurait pas eu la même approche. » Au premier rang des détracteurs de cette décision radicale, on trouve son prédécesseur. « Dans le projet initial, il n’y avait pas besoin de vendre le stade, lui rétorque Jérôme Pardes. Nos demandes de prêts n’ont jamais été refusées et la commune est très peu endettée. »

L’actuelle municipalité maintient que dans le budget de 3,1 millions, présenté par l’ancienne équipe il manquait, par exemple, le financement de la maîtrise d’ouvrage et de l’architecte. Elle arrive, elle, à un total de 5,3 millions TTC. « On n’a pas d’autre bien dans la commune, je préfère le faire pour une école que pour autre chose, justifie Damien Hoareau. On peut emprunter 1,5 million, et cela représente déjà 70.000 euros par an, sur 40 ans. C’est considérable pour une commune comme la nôtre. »

La vente d’une parcelle de la zone d’activité doit permettre de financer prochainement un complexe sportif puisque les enfants font actuellement sport dans la salle des fêtes, peu adaptée. « La population a augmenté de 6 % depuis 2015, mais aucune infrastructure n’a suivi », fait valoir l’actuel maire. Quand on évoque de possibles hausses des impôts pour financer ces projets, il répond qu’il préfère garder le levier de la fiscalité en plan B. « On ne sait pas de quoi le futur sera fait, notamment sur les factures énergétiques », s’inquiète-t-il.

Une aberration écologique ?

Le stade, entouré de logements, est régulièrement inondé et les fossés en gardent la preuve en ce début de printemps, certes pluvieux. Y construire des logements va-t-il aggraver le phénomène ? « C’est une éponge naturelle au milieu du bourg, ce serait une catastrophe absolue de le bétonner, tous les riverains seraient sous l’eau », s’alarme Jérôme Pardes, qui pense que le stade doit être transformé en espace vert. « On portera une attention particulière en amont sur les études d’impact environnemental, en lien avec Veolia qui gère l’assainissement, et les promoteurs », rassure de son côté le maire.

L’ancien édile du village croit savoir que le promoteur construirait entre trente et cinquante logements sur ce terrain, quand l’actuelle majorité ne veut pas s’avancer à donner un chiffre, arguant qu’il existe encore plusieurs propositions sur la table. Non soumis aux impératifs de logements sociaux compte tenu de sa taille, la commune souhaite un projet qui favoriserait l’installation de jeunes actifs et de seniors en autonomie, dans le cadre d’un projet intergénérationnel.

Laëtitia, qui habite à Salaunes depuis son enfance et qui a vu les nombreux lotissements sortir de terre, redoute « une ville-dortoir ». Et elle craint que l’air de la campagne qui l’a poussé à faire construire dans ce village, où elle vit avec son mari et ses deux enfants, ne disparaisse peu à peu. « Un collectif d’habitants est en train de se former pour se battre contre le projet, je le soutiendrai à titre personnel », a précisé Jérôme Pardes, qui n’a pas voulu dévoiler ses intentions pour les prochaines élections, en 2026.

« La moitié des classes sont dans des préfabriqués »

Et en 2026, le chantier de l’école, pour lequel les entreprises ont déjà été choisies, devrait normalement être livré. « En tant que représentant des parents d’élèves, je ne sais pas si la vente du stade est la meilleure solution car je ne connais ni les finances de la commune ni les différentes options, avance prudemment Thomas Dufes. Notre principale préoccupation, c’est de voir cette école sortir de terre car le projet a été repoussé pendant des années et aujourd’hui, la moitié des classes travaillent dans des préfabriqués. »

Les écoliers de Salaunes se retrouvent parfois pendant toute une scolarité dans des préfabriqués.
Les écoliers de Salaunes se retrouvent parfois pendant toute une scolarité dans des préfabriqués.  - E.Provenzano / 20 Minutes

« Toute la commune l’attend avec impatience », assure Karine, agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem), croisée lors d’une pause cigarette devant le portail de l’école. « Depuis que je me suis installée en 2015, j’entends parler de la rénovation de cette école », renchérit Sandrine, 55 ans, gérante de l’unique restaurant du village. Le projet remonte en effet à deux mandatures mais peine à voir le jour.

« Passer une scolarité entière dans les préfabriqués ce n’est pas l’idéal, pointe Thomas Dufes. Cela devait être une solution temporaire, mais elle dure depuis plusieurs années ». A défaut d’éteindre les débats dans ce village, le projet devrait en tout cas améliorer les conditions d’accueil des petits écoliers.