snackingFini la folie du sushi en France ? Oui, mais c’est pas plus mal pour lui

Trop banal, trop cher… Le sushi est-il vraiment fini en France ?

snackingLe sushi vient de quitter le top 10 des snacks préférés des Français, lui qui trustait le podium depuis des années. Fin de hype ou simple évolution du marché ?
Est-ce la fin de la hype du sushi ?
Est-ce la fin de la hype du sushi ?  - South_agency de Getty Images Signature / South_agency de Getty Images Signature
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Séisme dans le monde de la restauration sur le pouce. Le sushi, ex-indétronable du podium des snacks préférés des Français, vient de quitter le Top 10 en 2024.
  • Le produit phare des décennies 2000 et 2010 doit faire face à une concurrence de plus en plus accrue et souffre de la hausse de son prix.
  • Mais loin d’être mort, le sushi serait plutôt en pleine transformation, passant du snacking au plat premium.

Il fût un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, où proposer de manger des sushis était le sommet de l’exotisme culinaire, une invitation au voyage et un repas à noter dans l’agenda des événements fifous de l’année. Aujourd’hui, pareille proposition ne suscite plus le moindre lever de sourcil, et si le met japonais garde bien évidemment sont lot de fans, il semble avoir perdu de sa fraîcheur.

Le produit « souffre d’une banalisation », diagnostique Nicolas Nouchi, directeur des études Strateg’eat, étude à l’appui*. Après des années à être dans le top 3 des snackings préférés des Français, le sushi a quitté le Top 10 en 2024. Il avait déjà rétrogadé à la 7e place en 2023. Selon l’étude, seuls 15 % des Français ont mangé des sushis, à des années-lumière du nouveau podium. Pizza (49 % des consommateurs et solide première place), burgers (34%), kebabs (29%). Même les salades (24%), les paninis (21%) ou les crêpes fourrées (20%) leur sont passés devant.

Concurrence nationale et asiatique

« Les sushis finissent par être redondants et peu innovants, détaille le directeur d’études. On trouve davantage de couleurs, de personnalisation possible, de dynamisme dans d’autres plats, pour un prix souvent moins cher ». Victime de son succès, le sushi ne surprend donc plus. Et affronte une concurrence accrue.

Rien qu’en nourriture japonaise, le rouleau de riz et de poisson ne représente plus LE plat national dans l’imaginaire français. « Aujourd’hui, les udons (nouilles), les sando et surtout les ramens attirent d’autres clients et sonnent plus authentiques, liste Nicolas Nouchi. De nombreux restaurants de sushis ne sont pas tenus par des Japonais, le client sait que la plupart des recettes proposées en France n’existent pas là-bas, et la pop culture fait l’éloge d’autres aliments ». Naruto, Goku, Luffy et les autres héros de mangas se régalent de ramens, non de makis.

Le prix, toujours le prix

Même au-delà du Japon, « il y a une explosion et une diffusion de la nourriture asiatique », liste Marie-Eve Laporte, enseignante-chercheuse à l'université Paris-Saclay et spécialiste de l'évolution du comportement alimentaire : poulet frit ou barbecue coréens, bao chinois, pad thaï thaïlandais… « Le sushi ne représente plus le plat asiatique ou exotique par excellence ». Une concurrence d’autant plus solide qu’elle « possède les mêmes vertus associées : healthy, exotique, original. Pendant un temps, le sushi avait la réputation d’être bien mieux nutritionnellement parlant que les autres fast-food, une sorte d’alternative healthy aux burgers ou aux pizzas. » L’experte rajoute une couche sur le porte-monnaie : « Ces alternatives aux sushis sont souvent moins chères… »

Le prix, justement, allons-y. Le sushi est le produit le plus cher de la restauration rapide, avec un prix moyen de 21 euros par repas, selon Bernard Boutboul, président du cabinet Gira, spécialiste de l’alimentation hors domicile. « C’est deux fois ce que les consommateurs dépensent pour un burger, une fois et demie une pizza et 2,3 fois un kebab », énumère le spécialiste.

« Je l’assimile plus à un restaurant désormais »

Au point que le sushi ne boxe plus vraiment dans la même cour. « Le voir disparaître du top 10 des snackings montre juste que les Français ne le considèrent plus comme un snack – à raison –, mais pas que le produit est fini », estime Bernard Boutboul. C’est sûr qu’à plus de 20 balles, on est loin du repas sur le pouce. « Le sushi monte en gamme et c’est ainsi qu’il survivra. Ce n’est pas un produit de masse, il s’adresse à une clientèle aisée, qui recherche de la qualité. Un riz très bien cuit, un saumon d’élite… »

Si la baisse prévue de la consommation de sushis sera de 5 à 7 % en 2024 en France, selon étude du cabinet Businesscoot, le chiffre d’affaires du secteur reste encore de 728 millions d’euros, ce qui fait de notre pays le plus gros consommateur européen. « Fini le sushi ? Non, mais c’est devenu plus rare. Maintenant, je l’assimile plus à une sortie restaurant, très bon mais très cher, qu’à de la fast-food », note Emile, Parisien de 31 ans croisé avec sa bande dans la queue d’un restau japonais.

Une évolution plutôt qu’une disparition

La sortie hebdomadaire d’Emile est devenue mensuelle, « mais le goût et les saveurs ne sont pas les mêmes non plus », défend-il. Même le cadre a changé : « Les sushis, c’est soit chez soi, soit dans un restaurant chic ».

Marie-Eve Laporte plussoie : « Les prix ont pas mal augmenté pour les sushis, et si on veut retrouver les prétendues vertus du plat – l’aspect japonais, les bonnes valeurs nutritionnelles…, il faut y mettre encore plus le prix. » Pour Bernard Boutboul, « c’est la meilleure chose qui peut arriver à un produit. Se premiumiser, monter en gamme ». Comme un bon héros de manga, le sushi n’est pas mort. Il s’est juste transformé en une meilleure version de lui-même.

* Etude menée par Speak Snackingen partenariat avec le cabinet d’études Strateg’eat à partir des données de Gira Foodservice et Circana. Étude menée en ligne du 8 au 15 janvier 2024 à partir d’un échantillon d’au moins 1.000 consommateurs représentatifs de la population française de plus de 18 ans.