fashion consoUn torrent de couleurs devenu tendance… Le miracle Desigual

Desigual, ou comment la « marque des profs d’espagnol » est devenue totalement tendance

fashion consoOn n’avait rien dit (ou presque) pour les Birkenstock, mais après avoir vu Desigual devenir le nec plus ultra de la mode, on était forcés de mener l’enquête
Desigual est redevenue populaire, et oui !
Desigual est redevenue populaire, et oui ! - Desigual & Leonard de Vinci (rien que ça) / Desigual & Leonard de Vinci (rien que ça)
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Préparez vos rétines et écartez les épileptiques de cet article, nous allons nous pencher sur le cas Desigual.
  • Derrière des couleurs ultra-flashy et des associations de ton parfois… douteuses, la marque est l’autrice d’un petit miracle. Raillée il y a quinze ans, Desigual est désormais hype.
  • Comment un tel retour au premier plan a-t-il été possible ?

« Ma fille a vomi sur ma chemise Desigual. Pas moyen de savoir où. » »

Voici l’une des blagues les plus populaires sur les réseaux sociaux au tournant des années 2000-2010. A cette époque, Desigual était sur le Web une sorte de Justin Bieber version vêtement : un aimant à railleries plus ou moins inspirées. Source des moqueries ? « La marque avait un style un peu kitsch, avec des couleurs fortes et une esthétique surchargée », retrace Moïra Cristescu, créatrice de la marque de mode éponyme.

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Une dizaine d’années plus tard, miracle à l’espagnol : la marque est désormais tendance. Un exploit d’autant plus retentissant que « Desigual l’a fait en conservant son ADN, là où il aurait pu être tentant de faire un virage à 90 degrés au moment de la perte de vitesse », s’enthousiasme Sophie Malagola, créatrice et ancienne directrice des collections chez DIM et Etam.

L’âge de la maturité

« Le même ADN », avec les couleurs encore très prononcées et des imprimés remarqués. Mais aussi un soupçon de sagesse, et même « de sobriété » pour Sophie Malagola. Un mot qu’on imaginait mal voir affubler à Desigual. Et pourtant : « c’est le même esprit, mais plus épuré. Comme si la marque était arrivée à maturation », poursuit la créatrice. Même constat ravi pour Moïra Cristescu : « l’esthétique est plus haut de gamme. Ils se sont un peu calmés dans leur patchwork. Il y a toujours des imprimés, toujours des couleurs vives, mais ça ne part plus dans tous les sens. Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais Desigual est devenu pointu. »

Une maturité nouvelle, due à « un choix de miser sur des petits créateurs émergents », énumère l’experte : Maria Escoté, Maitrepierre, Hed Mayner… Mais également des figures plus renommées de la mode, comme une collab fructueuse avec Christian Lacroix. « Lui aussi était un créateur un peu has been, mais cette rencontre des has been a été très concluante. Un peu comme en mathématiques : moins x moins = plus », s’amuse Alice Audrezet, enseignante-chercheuse à l’Institut de la mode.

En octobre 2023, la mannequin Sara Sampaio, aux 9 millions de followers Instagram, déboule à la Fashion Week de Paris en 100 % Desigual. Côté business, après un plongeon made in Covid en 2020, l’enseigne a retrouvé de la croissance et compte 500 boutiques réparties à travers plus de 92 pays.

Le retour de la couleur

Ce retour en grâce, Desigual ne le doit cependant pas qu’à lui-même. Car tout miracle a besoin d’un contexte favorable. Si ses motifs agressent moins les rétines, c’est aussi parce que, de manière générale, « la couleur s’est démocratisée dans la mode et fait un retour progressif », souligne Sophie Malagola. Fini les cinquante nuances de gris et de bleu venues des pays nordiques, il est de moins en moins rare de croiser du rose, du vert, du rouge et autres couleurs vives dans les garde-robes.

Autre tendance sur laquelle surfe la marque, « la nostalgie Y2K (des années 2000) », développe Alice Audrezet. « Desigual a jadis été has been car trop emblématique de la période. Mais désormais, il y a un retour de hype autour de cette décennie ».

L’ironie marketing

De quoi chasser les blagues d’antan ? Pas vraiment. Mais la grosse différence avec il y a quinze ans, c’est que désormais, la marque ibérique a décidé d’utiliser ces vannes plutôt que de les subir. Alice Audrezet analyse : « quand on regarde sur TikTok, des posts – souvent sponsorisés par la marque – se moquent du vêtement Desigual que portait “votre prof d’espagnol” et qui est devenu cool aujourd’hui. Le consommateur a donc conscience de ce revirement, et y participe ironiquement. »

L’enseignante-chercheuse poursuit : « dans la mode, le consommateur est une victime consentante, complice des stratégies de communication marketing. Il accepte de porter des habits au design tellement absurde que c’est génial, tellement moche que c’est cool. » Rassurez-vous donc, si vous trouvez que Desigual reste kitsch, votre goût n’est pas forcément à remettre en question. Plutôt votre humour.

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