armementSur le site d’Eurenco en Dordogne, « l’économie de guerre » enclenchée

Dordogne : « L’économie de guerre se traduit ici de façon très visible », pour le dirigeant d’Eurenco qui a reçu Macron

armementLe président de la République était en visite ce jeudi sur l’un des sites du leader mondial des poudres et explosifs, Eurenco, situé à Bergerac. Il a inauguré une nouvelle unité de production de poudres
Le président de la République a visité une chaîne de production de l'usine Eurenco, leader européen des poudres et explosifs.
Le président de la République a visité une chaîne de production de l'usine Eurenco, leader européen des poudres et explosifs.  - Ludovic MARIN / AFP
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Emmanuel Macron a inauguré une nouvelle usine de poudre à Bergerac, dans le sud de la Dordogne, qui va produire des charges pour les canons Caesar utilisés en Ukraine, avec un investissement de 100 millions d’euros. L’usine a été construite à une vitesse record pour répondre aux besoins en munitions liés au conflit russo-ukrainien.
  • L’enjeu pour la France est d’acquérir une souveraineté sur la fabrication de poudre et de munitions, pour pouvoir être autonome en cas de conflit.
  • Le président Macron a souligné que « Bergerac a su être au rendez-vous de l’histoire et de la transformation de ses industries de défense » pour reconquérir une « souveraineté militaire » nécessaire au vu de l’évolution géopolitique du monde.

Et si la relance de l’industrie de l’armement en France se jouait en partie dans le sud de la Dordogne ? Car pour alimenter les fameux canons Caesar, il faut des charges. Ce jeudi, le président de la République s’est rendu sur l’un des sites de l’usine d’Eurenco, leader européen des poudres et des explosifs, implanté à Bergerac.

Emmanuel Macron y a posé la première pierre d’une nouvelle poudrerie, qui va mobiliser dans les prochaines années 100 millions d’investissements, sur les 500 déployés par le groupe (présent en Suède, en Belgique et bientôt aux Etats-Unis). L’Europe supporte aussi ce groupe à hauteur de 76 millions d’euros.

La nouvelle unité de production de poudre est à la fois le symbole de l'« économie de guerre » selon son expression, liée au conflit entre la Russie et L’Ukraine aux portes de l’Europe et celui d’une réindustrialisation à marche forcée.

Une poudrerie installée à une vitesse record

Sur 15 hectares, 15 bâtiments vont sortir de terre à grande vitesse sur un site qui avait déjà accueilli une usine de poudre, notamment pendant les deux grands conflits mondiaux. Alors que les terrassements sont en cours, les fondations sont prévues dans quinze jours et le montage des murs aura lieu dans un mois tout juste. L’usine devrait être prête à démarrer dès le 1er janvier 2025, soit après seulement deux ans de travaux contre plutôt le double pour un projet industriel classique.

« Cette usine aurait pu se faire plus rapidement si nous étions en guerre car on n’aurait pas eu un an d’études environnementales, tient à préciser Thierry Francou, PDG d' Eurenco. Je le dis car j’entends que l’on fait des comparaisons qui n’ont pas lieu d’être avec la Russie, qui est en guerre ». Sur le plan des effectifs, le site qui n’employait que 200 personnes il y a un an en compte 330 aujourd’hui, et bientôt 500 d’ici un an et demi. « L’économie de guerre se traduit ici de façon très visible », estime Thierry Francou, lors de la pose de la première pierre. Au lancement, le site sera en capacité de produire 1.200 tonnes de poudres par an et pourra aller jusqu’à 2.000 tonnes.

Un enjeu de souveraineté sur le feu

A Bergerac, le site est dédié à la propulsion. « L’objectif c’est être capable, d’ici un an et demi à deux ans de produire l’équivalent de 1,2 million de charges modulaires, soit 200.000 coups complets (un obus comportant six charges modulaires) de munition 155 mm (calibre d’artillerie standard de l’Otan) », détaille Yves Traissac, directeur général délégué du groupe.

L’un des enjeux est de maîtriser l’ensemble de la fabrication, de la nitrocellulose à ces fameux coups complets, or la poudre était le chaînon manquant. Avec cette relance sur le site Bergeracois, le groupe va multiplier par dix sa capacité de production de poudre de gros calibre.

« Toute la capacité de production ici est mobilisable, si on rentrait un jour en guerre, pour des besoins pour la France. Ce serait alors une décision de l’Etat », précise le dirigeant d’Eurenco, dont l’Etat français est l’unique actionnaire.

« Le monde a changé »

« C’est la nécessité du moment de fournir de l’armement pour permettre à l’Ukraine de résister mais il y a aussi un besoin durable car on voit que le monde a changé », a commenté le président de la République en évoquant la situation géopolitique mondiale. « Quand j’ai été élu en 2017 on produisait 500 obus par an, a-t-il rappelé. On a commencé, dès 2017 car on a vu que le monde devenait de plus en plus conflictuel, en produisant 3.000 obus livrés par an. Dès le début de l’agression russe, on est passés en économie de guerre, en en produisant 15.000. »

Le dirigeant d’Eurenco a évoqué des commandes fermes de munitionnaires, sachant que l’entreprise exporte 75 % de sa production, allant jusqu’à 2038. Une visibilité qui permet de sécuriser ses 500 millions d’euros d’investissements.

« Bergerac a su être au rendez-vous de l’histoire et de la transformation de ses industries de défense, c’est l’image de la reconquête industrielle et de cette souveraineté militaire que nous voulons pour nous-même et pour l’Europe », a résumé le chef de l’Etat devant les grilles du site périgourdin, avant de rentrer à Paris.

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