Do It YourselfLes cosmétiques maison « posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent »

Les cosmétiques faits maison « posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent »

Do It YourselfDeux chercheuses nantaises ont mené une étude sur les cosmétiques que l’on fabrique soi-même. Leurs conclusions sont sévères
Les chercheuses nantaises Laurence Coiffard et Céline Couteau se sont intéressées aux recettes de cosmétiques à réaliser soi-même. Illustration.
Les chercheuses nantaises Laurence Coiffard et Céline Couteau se sont intéressées aux recettes de cosmétiques à réaliser soi-même. Illustration. - V. Karpovich / Canva / Canva
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • Deux chercheuses nantaises viennent de signer un article scientifique sur les recettes pour fabriquer ses propres cosmétiques, au sujet desquelles elles ne sont pas tendres.
  • Laurence Coiffard et Céline Couteau alertent notamment sur le dosage jugé très aléatoire des ingrédients, par exemple dans la conception de produits solaires.
  • Les deux docteures en pharmacie ont constaté que « presque la totalité des personnes qui postent des recettes n’ont aucune qualification scientifique ». Les trois produits les plus risqués, selon elles, sont les dentifrices, les produits solaires, et ceux à appliquer sur les yeux.

La tendance a envahi les fils Instagram et les salles de bain des ados et de leurs mamans. Confectionner ses propres shampoings ou déodorants à domicile ou lors d’ateliers est de plus en plus pratiqué, dans l’espoir d’obtenir des produits moins chers, et réputés meilleurs pour la santé.

Une mode que les chercheuses nantaises Laurence Coiffard et Céline Couteau, docteures en pharmacie et spécialistes en cosmétologie, ne voyaient pas vraiment d’un bon oeil même avant de mener leur étude, qui confirme leurs réserves. Dans un récent article exposant leurs conclusions, elles dézinguent ces produits DIY avec une conclusion sans appel : selon elles, ces recettes poseraient « davantage de problèmes qu’elles n’en résolvent ».

Que dit cette étude ?

Pas de grandes révélations mais une description détaillée et une approche scientifique des cosmétiques faits maison, et des écueils présentés comme « inhérents » à leur mode de fabrication. A commencer par les recettes, le début des ennuis… « Nous avons été effarées par le fait que presque la totalité des personnes qui les postent n’ont aucune qualification scientifique », s’indigne auprès de 20 Minutes Laurence Coiffard. Elle a épluché des dizaines de blogs et y a découvert « énormément de copiés-collés » notamment de recettes traduites de l’anglais.

Se pose alors l’un des problèmes majeurs des cosmétiques faits maison, selon les autrices : le dosage des ingrédients, jugé souvent très aléatoire, pouvant rendre un produit inefficace voire risqué. « Certaines recettes parlent parfois de cuillères à thé, un exemple d’unités de mesure souvent très imprécises. Pour faire un gâteau ce n’est pas grave si les quantités ne sont pas respectées à la lettre. Mais pour des produits pour la peau, c’est une autre histoire, surtout quand il y a certaines doses, comme un nombre de gouttes, à ne pas dépasser. »

Quels sont les autres problèmes de ces cosmétiques ?

Ce n’est pas parce que l’on fait soi-même ses mélanges qu’il n’y a pas de risques, rappelle en substance l’étude. Des problèmes liés à l’identification des matières premières, à la tolérance, ou encore à l’absence de mesure d’efficacité peuvent aussi se poser, tout comme celui de la conservation. Et ce, même si les ingrédients sont parfois tous issus d’un placard de sa cuisine, comme les huiles. « Pour cette catégorie, ça se pose particulièrement, commente Laurence Coiffard. Prudence aussi avec les ingrédients utilisés. On se souviendra de l’influenceuse Enjoy Phoenix qui s’était mise directement de la cannelle sur le visage… »

Selon elles, ce genre d’effets indésirables seraient en fait minimisés. « Pour des produits industriels qui ne conviennent pas, on peut émettre des signalements à l’Anses, c’est la cosmétovigilance, illustre Laurence Coiffard. Ce qui n’existe pas pour les produits faits maison : les personnes pour qui ça se passe mal considéreront ça comme une mésaventure, et ne s’en vanteront certainement pas… »

Y a -t-il des produits plus « risqués » ?

Trois grandes familles sont ici pointées du doigt : les dentifrices, les produits solaires, et ceux à appliquer sur les yeux. Dans le premier exemple, l’étude met en garde contre une trop forte abrasivité du produit (dangereuse pour l’émail dentaire) qui est contrôlée dans l’industrie cosmétique mais évidemment pas à domicile. « Il y a aussi la question du fluor, qui est forcément absent dans les dentifrices faits maison vu qu’on ne peut pas en acheter. Sans parler des métaux lourds qui peuvent se trouver dans l’argile : ce n’est pas tout à fait ce que les personnes recherchent ! »

Les chercheuses alertent aussi sur les risques de fabriquer sa propre crème solaire : et notamment au sujet de l’oxyde de zinc, qui sert de filtre, dont les doses sont limitées dans la réglementation européenne. Là encore, l’absence de contrôle de l’efficacité peut s’avérer problématique. Avant l’apparition, ou non, de coups de soleil sur vos épaules…

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