Lille : Le « chenil de l’horreur » travaillait avec une asso de protection des animaux
Procès•Cruauté envers des chiens, escroquerie, travail dissimulé… Les responsables d’un refuge comparaissent devant le tribunal correctionnel de LilleGilles Durand
L'essentiel
- En avril 2022, près de 130 animaux, essentiellement des chiens, avaient été retrouvés dans des conditions d’élevage épouvantables.
- Les responsables d’un refuge de chiens à Wavrin, dans le Nord, sont jugés pour actes de cruauté envers les animaux, travail dissimulé et infractions sanitaires.
- La vice-présidente d’une association, qui récupérait des chiens abandonnés pour les confier au refuge, est aussi poursuivie, notamment pour escroquerie.
Le lieu a très vite été baptisé « chenil de l’horreur ». En avril 2022, les gendarmes découvrent, lors d’une perquisition dans un refuge situé à Wavrin, dans le Nord, près de 130 animaux domestiques, essentiellement des chiens, dans un état épouvantable.
Les responsables de ce site doivent comparaître, jeudi et vendredi, devant le tribunal correctionnel de Lille pour « sévices graves ou acte de cruauté envers un animal domestique », mais aussi « exécution d’un travail dissimulé » ou encore « vente de chiens ou chats sans établir de règlement sanitaire ».
« Les chiens qui ne faisaient pas l’affaire étaient euthanasiés »
Quel rôle a joué l’association de protection animale « Bergers belges en détresse » dans cette affaire ? Car, ironie de l’histoire, parmi les cinq personnes poursuivies, l’une est l’ancienne vice-présidente de cette asso, poursuivie notamment pour escroquerie. Frédérique J. est soupçonnée d’avoir fourni de nombreux chiens à ce refuge, qui faisait également office d’élevage de chiens et de formation de maîtres-chiens.
« L’asso servait de couverture pour la vice-présidente soupçonnée d’avoir détourné des fonds. Des chiens abandonnés par leurs propriétaires étaient récupérés avant d’être confiés au refuge de Wavrin, raconte une plaignante à 20 Minutes. Les chiens qui ne faisaient pas l’affaire étaient euthanasiés, les meilleurs étaient formés à la dure pour être vendus à l’armée ou à la police. »
Selon l'ancienne directrice de l'association, une centaine de chiens ont ainsi été confiés au centre de Wavrin. Un business très lucratif d’autant que des soupçons de trafic de puces électronique d’identification viennent couronner toutes ces activités. Les responsables du chenil de Wavrin et de cet élevage rattaché avaient aussi une autre corde à leur arc avec la formation d’agents cynophiles privés. « Les nouveaux agents formés pouvaient même repartir avec un chien fourni par le chenil, en toute illégalité », poursuit une source proche du dossier.
Une mise à mort diffusée en vidéo
Il a fallu une plainte, déposée en octobre 2021, pour déclencher une
enquête judiciaire. « J’avais confié mon chien, un malinois, à cette pension en juillet, raconte un autre plaignant. Quand j’ai appelé, une dizaine de jours plus tard, pour prendre des nouvelles, on m’a appris que mon chien était mort depuis deux jours. »
Habitué à travailler avec des chiens depuis plus de vingt ans, l’homme finit par s’apercevoir que son malinois est mort d’une « congestion pulmonaire », selon l’autopsie. « Il avait forcément reçu un choc », assure-t-il.
« Il va falloir sortir de l’émotion générale »
La perquisition du chenil dévoilera des conditions de détention parfois atroces. Dans une vidéo, on voit, par exemple, un des prévenus pendre un chien. Cette exécution servait visiblement à chronométrer le temps que l’animal mettait pour mourir.
Lors des deux jours de procès, Me Graziella Dode, avocate de plusieurs parties civiles – elles sont très nombreuses dans ce procès –, a obtenu l’autorisation de projeter les images de cette mise à mort. « C’est un ancien employé, écœuré par les pratiques de cette famille, qui a dévoilé cette vidéo, glisse une plaignante. Ça en dit long sur ce que les chiens pouvaient subir. »
« Un chien amaigri ne signifie pas forcément qu’il est maltraité, modère Me Jérôme Pianezza, avocat du principal prévenu. Et le procès va devoir faire la lumière sur la responsabilité individuelle de chacun dans cette affaire basée sur beaucoup de témoignages indirects et de rumeurs. ». Selon lui, « il va falloir sortir de l’émotion générale et parler d’infractions précises ».