FAKE OFFEric Dupond-Moretti vise-t-il juste avec ses propos sur le cannabis ?

Cannabis : Eric Dupond-Moretti vise-t-il juste lorsqu’il minimise l’impact de la légalisation au Canada ?

FAKE OFFLe ministre de la Justice a souligné que la légalisation en vigueur dans ce pays n’avait pas porté un coup d’arrêt à la criminalité ni freiné le nombre de consommateurs. Des déclarations à nuancer
A l'heure où l'exécutif défend le bilan des opérations Place nette XXL, Eric Dupond-Moretti a observé que le nombre de consommateurs de cannabis a augmenté au Canada depuis la légalisation en 2018.
A l'heure où l'exécutif défend le bilan des opérations Place nette XXL, Eric Dupond-Moretti a observé que le nombre de consommateurs de cannabis a augmenté au Canada depuis la légalisation en 2018. - Thomas Samson / AFP / AFP
Mathilde Cousin

Mathilde Cousin

L'essentiel

  • Répondant aux critiques sur l’efficacité des opérations « place nette XXL », Eric Dupond-Moretti a taclé l’exemple du Canada, où la consommation de cannabis pour un usage personnel est légale depuis 2018.
  • « Le haut du spectre de la criminalité continue le trafic », a lancé le ministre de la Justice.
  • Si la nature des infractions liées à ce produit stupéfiant a bien changé depuis 2018, le total de ces infractions est en baisse.

Quelle voie emprunter pour mettre fin au trafic de stupéfiants ? Défendant le bilan des opérations « place nette XXL », qui visent à porter un coup au trafic de drogues en France, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a taclé l’exemple canadien, pays qui a légalisé depuis 2018 la consommation de cannabis pour un usage personnel.

« On constate qu’il y a, depuis que la loi [sur la légalisation] a été votée, deux millions de consommateurs en plus », a lancé le ministre de la Justice mercredi à la sortie du Conseil des ministres, dans une déclaration repérée par le Huffington Post. Sa déclaration est à retrouver à la quinzième minute ici. Eric Dupond-Moretti a également argué que la criminalité avait évolué depuis l’application de la loi. « Le haut du spectre de la criminalité continue le trafic », a-t-il lancé, expliquant s’appuyer sur des données de Statistique Canada. 20 Minutes est allé se plonger dans les sources canadiennes.

FAKE OFF

Comme Eric Dupond-Moretti, un groupe d’experts de Santé Canada chargé d’évaluer l’impact de la loi s’inquiète, dans un rapport rendu en mars, de la persistance « d’activités liées au crime organisé et aux réseaux criminels (qui comprennent souvent le trafic d’autres substances et d’armes à feu, l’utilisation d’armes à feu et l’utilisation des produits du cannabis pour financer d’autres activités criminelles graves) ». Toutefois, ce rapport ne fournit pas de données pour évaluer l’ampleur de cette activité.

Ces experts notent également que la nature des infractions liées au cannabis a évolué : le nombre « d’accusations de possession de cannabis » a diminué de « 95 % » entre 2017 et 2022.

« Alléger le fardeau des tribunaux »

Une tendance déjà soulignée par Statistique Canada en 2023 : avant la loi de 2018, la majorité des infractions concernait des faits de possession de cette drogue, a calculé l’organisme. Quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi, les infractions liées à la détention ne représentaient plus que 12 % des infractions liées à ce stupéfiant. La majorité – 67 % – concerne dorénavant des faits relatifs à l’importation et l’exportation de ce produit.

Toutefois, ce que ne dit pas Eric Dupond-Moretti, c’est que le total des infractions liées à ce produit a drastiquement diminué au Canada : il y en avait cinq fois moins en 2022 qu’en 2016. Le ministère de la Justice du pays note également que la loi a eu pour effet « d’alléger le fardeau des tribunaux », en éloignant les consommateurs des salles d’audience.

Quid des consommateurs ? Sont-ils plus nombreux depuis que la loi est passée, comme l’a avancé Eric Dupond-Moretti ? Tout dépend de leur âge : les plus de 25 ans ont été plus nombreux en 2021 qu’en 2018 à consommer. Chez les plus jeunes, le constat est inverse : du côté des 18-24 ans, la consommation stagne, tandis qu’elle diminue chez les 15-17 ans.

C'est chez les 18-24 ans que l'on compte la proportion la plus important de fumeurs de cannabis.
C'est chez les 18-24 ans que l'on compte la proportion la plus important de fumeurs de cannabis. - Statistique Canada

La loi autorise la consommation à partir de 18 ans et l’un des objectifs de ce texte était de « garder le cannabis hors de la portée des jeunes », rappelle le ministère de la Justice canadien.

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