SantéQue valent les gummies, ces compléments alimentaires sous forme de bonbons ?

Composition, efficacité, risques : Que valent les gummies, ces compléments alimentaires qui ressemblent à des bonbons ?

SantéDans les rayons ou en ligne, l’offre de gummies, ces compléments alimentaires qui ressemblent à des bonbons, s’est décuplée
Les vitamines et autres compléments alimentaires sous forme de gummies ont la cote en ce moment.
Les vitamines et autres compléments alimentaires sous forme de gummies ont la cote en ce moment. - Jeppe Gustafsson/Shutterstock/SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Traditionnellement commercialisés sous forme de gélules, comprimés ou encore sticks de poudre à diluer, les compléments alimentaires connaissent dernièrement un nouvel essor, avec la déferlante des gummies.
  • Des gummies qui ont le goût, la forme et la couleur de bonbons.
  • Mais ces compléments alimentaires ayant l’apparence inoffensive d’un bonbon sont-ils pour autant sans risque et efficace ? Pas sûr.

Ils sont de toutes les couleurs, en forme d’oursons, d’étoiles, et parfois enrobés de sucre. Ils ressemblent à des bonbons. Ont le goût de bonbons. Et un nom de bonbon : les gummies. Sauf que ça n’en est pas. Ces gummies sont des compléments alimentaires, ils inondent parapharmacies et sites en ligne, et promettent selon les cas des cheveux qui poussent plus vite, une peau préparée au soleil, une perte de poids rapide ou encore un sommeil profond et réparateur.

Mais avec leur allure de bonbons, sont-ils vraiment inoffensifs ? Peut-on les prendre sans risque ? Et sont-ils efficaces ? 20 Minutes a étudié la question.

Un aspect bonbon « ludique »

Adepte des compléments alimentaires, Emilie fait régulièrement des cures : « l’hiver, pour booster mon énergie et mon immunité avec des vitamines et probiotiques, et l’été pour préparer ma peau au bronzage, explique la jeune femme de 36 ans. Je les achète en parapharmacie sous forme de gélules, cela me semble plus sérieux que les gummies ». Mais ces cures sont désormais disponibles sous forme de bonbons gélifiés, et leurs ventes bondissent.

Le côté bonbon, c’est justement ce qui plaît à Célia, jeune maman de 28 ans : « C’est plus ludique que les gélules, explique la jeune femme, qui s’est laissée tenter après avoir vu une influenceuse vanter les mérites d’une marque de gummies. J’ai eu mon bébé il y a huit mois, et après ma grossesse j’ai constaté que je perdais mes cheveux. Quand j’ai vu que cette instagrameuse que j’aime beaucoup, maman elle aussi, faisait une cure, ça m’a donné envie et confiance. C’est simple, chaque jour on prend deux bonbons, avec un petit goût de fruits rouges très agréable. Je viens de commencer donc j’attends de voir les résultats, mais j’envisage déjà de tester des gummies minceur pour me débarrasser de mes derniers kilos de grossesse », confie la jeune femme.

Une « perfusion au goût sucré »

Mais cet aspect bonbon ne rassure pas du tout les experts. « C’est peut-être une bonne idée commerciale, mais pas pour la santé », estime le Dr Jacques Fricker, médecin nutritionniste et coauteur de Tout sur les compléments alimentaires (éd. Odile Jacob). Car côté composition, sous cette forme galénique, ces gummies au goût pêche, tutti frutti ou encore ananas ont tous une particularité commune : le premier ingrédient qui les compose est un « agent de charge », le maltitol, ou E965. « Comme tous les édulcorants, il va stimuler l’envie de sucre, et en quelque sorte duper le cerveau en lui faisant croire qu’on a ingéré du sucre, décrypte le Dr Fricker. Cela va déclencher une sécrétion d’insuline, ce qui a pour effet de ralentir la lipolyse, la combustion des graisses. Déjà qu’aucun complément alimentaire n’a rapporté la preuve de son efficacité dans la perte de poids, mais alors sous forme de gummies, c’est une supercherie totalement contre-productive ».

Un avis partagé par Raphaël Gruman, nutritionniste et auteur de 100 bowls express anti-inflammatoires (éd. Leduc) : « Si l’ingrédient phare d’un complément alimentaire est un édulcorant, la démarche perd son sens : il faut en prendre plusieurs gummies par jour pour atteindre un dosage intéressant, ce qui a pour conséquence que l’on se perfuse toute la journée au goût sucré, ce qui entretient la dépendance au sucre, l’une des substances les plus addictives qui soient. Donc en suivant une cure minceur sous forme de gummies, on augmente le risque de fringale et craquage ».

En outre, ce maltitol, qui « est un édulcorant de la famille des polyols, apporte certes moins de calories que le sucre, mais il peut causer des troubles digestifs et intestinaux tels que ballonnements et diarrhées s’il est consommé à haute dose, prévient le Dr Fricker. Et on sait que les édulcorants font peser d’autres risques pour la santé : en plus de réveiller l’envie de sucre, ils augmentent les risques de développer un diabète de type 2 et favorisent le surpoids. De plus, des études scientifiques démontrent que les édulcorants sont mauvais pour le microbiote intestinal ». L’OMS déconseille ainsi la consommation de ces édulcorants de synthèse.

Confusion et risques de surdosage

Et ce n’est pas tout : avec leur petit goût de reviens-y et leur apparence inoffensive obtenue à grand renfort de colorants, arômes, agents de texture et autres additifs, « les gummies sont conçus pour être pris pour des bonbons : dans l’esprit du consommateur, c’est confusant, déplore Raphaël Gruman. On se dit que cela n’aura pas d’incidence sur la santé même si on dépasse la posologie alors que ce n’est pas anodin ».

En pratique, « le goût et la présentation de ces gummies risquent de mener à des mésusages et des surdosages de ces compléments alimentaires : cela ne suscite pas la même vigilance chez le consommateur d’avoir entre les mains une plaquette de gélules ou une boîte d’oursons gélifiés de toutes les couleurs, abonde le Dr Fricker. Notamment avec les enfants, qui vont les prendre pour des bonbons, avec à la fois le risque de surdose de principes actifs quand la posologie recommandée est dépassée, et une consommation excessive d’édulcorants ».

Sans compter que ces gummies, « en vente libre, sous souvent proposés par packs, promettant des actions multiples sur le stress, la ligne ou encore le sommeil, avec des consommateurs qui mélangent les cures, sans penser à l’effet cocktail ni aux interactions possibles et potentiellement dangereuses en cas de prise de médicaments, alerte Raphaël Gruman. Certains compléments contiennent par exemple de la vitamine K, qu’il ne faut pas prendre avec des traitements anti-coagulants, quand d’autres formulations de gummies sont déconseillées en cas de troubles de la thyroïde ». Il est donc recommandé d’éviter « les cures concomitantes, ajoute le Dr Fricker, pour ne pas augmenter le risque de surdosage ».

Une efficacité moindre

Au bout du compte, les gummies ont-ils la même efficacité que les compléments alimentaires en gélules ou en poudre ? « Pas du tout, répond Raphaël Gruman, parce que la quantité de principes actifs que l’on peut intégrer dans un gummy est relativement faible par rapport à des compléments sous forme classiques. Au final, la dose bénéfique pour le patient est bien moindre. Et ce n’est pas anecdotique : entre un gummy et une gélule, on est sur un rapport d’efficacité de 1 à 10 et avec un sachet en poudre, c’est de 1 à 100. Pour certains principes actifs, il faudrait ainsi consommer les gummies par poignées chaque jour, ce n’est pas possible ».

C’est d’ailleurs pour cette raison que Hygée, marque de compléments alimentaires à base de plantes, a fait le choix de ne pas proposer de gummies : « Si leur côté "bonbon" peut plaire, ce format ne semble pas satisfaisant parce qu’il est impossible de mettre beaucoup d’actifs à l’intérieur et qu’on y retrouve très souvent du sucre ajouté ».

Problème supplémentaire posé par les gummies : « leur dilution se fait au niveau de l’estomac, là où la gélule peut libérer ses principes actifs au niveau du côlon, explique Raphaël Gruman. Or, pour les probiotiques, censés réensemencer la flore intestinale au niveau du colon, si vous les prenez sous forme de gummies, les sucs digestifs les dégradent avant qu’ils n’aient pu arriver à destination pour être efficaces. Cette forme limite donc certains usages ». Elle est même « sans intérêt, renchérit le Dr Fricker, parce qu’on oscille entre faible efficacité et risque de mésusage. La réalité, c’est que plus que des compléments alimentaires, ces gummies sont tout au plus des bonbons légèrement supplémentés ».

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