URNES80 ans de vote des femmes, et quelques idées reçues… On a décortiqué tout ça

80 ans du droit de vote des femmes : On a décortiqué quatre idées reçues

URNESLes femmes votent-elles « comme le curé » ? Pour des femmes ? Ou plus à gauche ?
Des femmes dans l'isoloir lors des élections législatives de 2017 à Bordeaux (archives).
Des femmes dans l'isoloir lors des élections législatives de 2017 à Bordeaux (archives). - Nicolas TUCAT / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Le 21 avril 1944, le Comité français de Libération nationale, sorte de gouvernement provisoire de la République française avant l’heure, accordait le droit de vote aux femmes.
  • Quatre-vingts ans plus tard, comment leur comportement électoral a-t-il évolué ?
  • 20 Minutes s’est emparé de plusieurs idées reçues sur le vote des femmes… plus ou moins vraies.

Bon anniversaire, cher vote des femmes ! C’est le 21 avril 1944, il y a quatre-vingts ans tout pile, que le droit de vote a finalement été accordé aux 50 autres pourcents de la population française. Enfin, on ne sait jamais trop quel anniversaire fêter… Car ce droit, les femmes n’ont pu l’exercer pour la première fois qu’un an plus tard, le 29 avril 1945, lors du premier tour des élections municipales.

Mais précisément, ce droit de vote, qu’en ont fait les femmes ces quatre-vingts dernières années ? 20 Minutes s’est emparé de quelques idées reçues sur le sujet pour savoir si elles sonnent juste.

Des femmes qui votent « comme le curé » ?

Vous le savez peut-être, mais l’un des grands prétextes utilisés pour ne pas avoir donné le droit de vote aux femmes plus tôt, c’était la crainte – surtout à gauche – qu’elles votent « comme le curé », c’est-à-dire à droite. Il faut reconnaître que dans les premières années du vote des femmes, jusqu’aux années 1960, c’était « en partie vrai ». « Dans les années 1950, les femmes votaient plus à droite, et notamment plus pour les partis d’inspiration démocrate chrétienne, comme le MRP », explique Mathieu Gallard, directeur d’études à l’institut de sondages Ipsos.

Le MRP ? Le Mouvement républicain populaire, un des trois grands partis du pays à la Libération. Centriste, démocrate-chrétien, mais social et non-conservateur. D’ailleurs, à la Libération, le MRP gouverne la France dans une coalition avec les socialistes et les communistes, alors première force du pays. Alors, « de là à dire que les femmes ''votaient comme le curé'', c’est exagéré… », souffle, goguenard, Mathieu Gallard.

Des femmes qui votent plus à gauche ?

C’est vrai, mais de moins en moins. « Cela devient très marginal », observe Mathieu Gallard. Tout juste remarque-t-il la persistance d’un survote écologiste féminin. De fait, à la présidentielle de 2022, d’après Ipsos, les femmes ont voté à 34 % pour les candidats et candidates de gauche, quand les hommes les ont soutenues à 30 %. En 2017, il n’y avait même pas de différence.

Dans les années 1970, l’entrée plus franche des femmes sur le marché du travail, mais aussi leur autonomisation plus grande, l’arrivée des nouveaux mouvements sociaux, notamment féministe, a « assez logiquement » modifié le vote des femmes vers la gauche, commente le directeur d’études. C’est d’ailleurs ce changement qui fait une partie de la victoire de François Mitterrand en 1981.

« Aujourd’hui, au-delà des élections, l’opinion se joue assez rarement sur la question du genre », explique Mathieu Gallard. Les conditions des femmes et des hommes se sont en partie rapprochées, leurs opinions et comportements électoraux aussi. C’est globalement le cas en Europe. Moins aux Etats-Unis, note le sondeur de chez Ipsos, où les démocrates ont toujours une avance structurelle parmi les femmes sur les républicains.

Des femmes moins à l’extrême droite ?

C’est vrai, mais ça a un peu changé. « Historiquement, les femmes votent moins pour l’extrême droite, et c’est vrai dans la plupart des pays, pose Mathieu Gallard. C’était le cas pour le FN mais depuis l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti, ça a progressivement changé. » A tel point qu’en 2022, on ne voit plus vraiment de différence. Au premier tour, les hommes ont voté Le Pen à 23 % et les femmes à… 23 %, d’après Ipsos. Il reste une petite différence au second tour, mais limitée : les hommes ont voté Le Pen à 43 % et les femmes à 41 %.

Néanmoins, il y a un nouveau venu sur la scène : Éric Zemmour. Et lui a un véritable « gender gap » dans son électorat, dit notre sondeur. Les hommes ont voté Zemmour à 9 % le 10 avril 2022, tandis que les femmes ont seulement voté à 5 % pour lui. C’est quasiment du simple au double. Malgré un « effet Marine », les femmes votent donc toujours moins à l’extrême droite que le reste du pays.

Des femmes qui votent pour des femmes ?

Eh bien non, pas du tout. Certes, on a vu que Marine Le Pen a changé l’attitude des femmes vis-à-vis du Front national, devenu Rassemblement national. Mais parce que c’est une femme ou parce que la stratégie politique de Marine Le Pen convient mieux à l’électorat féminin ? « Son opposition à l’islam, par exemple, est moins frontale que celle de son père, note Mathieu Gallard. Quand elle explique son opposition par une menace sur les droits des femmes ou des minorités sexuelles, ça a permis d’émousser l’effet repoussoir pour les femmes. » Cela a été le cas ailleurs en Europe. Notamment aux Pays-Bas avec Pim Fortuyn au début des années 2000, ou Geert Wilders aujourd’hui. Qui, on l’aura noté, ne sont pas des femmes.

Au-delà, on ne voit pas d’effets. Rien par exemple en 2007 sur le vote pour Ségolène Royal, première candidate d’un grand parti à l’élection présidentielle et première femme au second tour. Le sondeur de chez Ipsos le note aussi dans l’élection présidentielle américaine de 2016 : face à Donald Trump, pourtant mis en cause par plusieurs femmes, Hillary Clinton a certes gagné le vote des femmes, mais pas plus fortement que les démocrates le font d’habitude.