HARCELEMENTL’histoire glaçante de « Mon petit renne », la série phénomène de Netflix

« Mon petit renne » : L’histoire glaçante de la série phénomène de Netflix

HARCELEMENTInspirée du vrai harcèlement vécu par son auteur, Richard Gadd, la minisérie « Mon petit renne » est dans le top 3 des programmes les plus regardés sur Netflix en France
Richard Gadd interprète Donny dans « Mon petit renne » sur Netflix.
Richard Gadd interprète Donny dans « Mon petit renne » sur Netflix. - Ed Miller/Netflix / NETFLIX
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • Sortie sur Netflix le 11 avril, Mon petit renne est dans le top 10 de 13 pays.
  • Elle raconte la vraie histoire de son auteur, Richard Gadd, qui a vécu quatre ans de harcèlement.
  • La série met en images avec une précision chirurgicale la violence psychologique et physique vécue par les victimes.

Mon petit renne a pris tout le monde de court. Sortie en toute confidentialité le 11 avril dernier sur Netflix, la minisérie écrite et interprétée par l’humoriste écossais Richard Gadd, s’est déjà imposée dans le top 10 de 13 pays. Ce mercredi, elle grimpe même sur la deuxième marche du podium des programmes les plus regardés en France. Cette histoire de harcèlement ne semblait pourtant pas faire partie des grands événements du mois de la plateforme qui la mentionnait à peine dans son programme des séries à venir. Retour sur un phénomène du petit écran.

« Ceci est une histoire vraie », peut-on lire dès la scène d’introduction de Mon petit renne, qui, malgré son titre, n’a rien d’un récit pour enfant. Donny (Richard Gadd), serveur dans un pub de Camden, à Londres, et aspirant humoriste, pousse la porte d’un commissariat pour porter plainte contre Martha, une quadra qui le harcèle depuis six mois. Le trentenaire peine à décrire la situation au policier. Il est inquiet pour la santé mentale de cette femme, diplômée en droit et déjà condamnée pour harcèlement, avec qui il a innocemment sympathisé pendant son service.

De « Misery » à « Liaison Fatale »

Au départ, rien d’anormal. Martha est une « consommatrice » presque comme les autres. Un peu étrange mais rigolote, elle débarque tous les jours au bar, sans un sou en poche, pour discuter avec Donny. Elle se donne des airs de femme d’affaires, s’invente un personnage d’avocate de renom à l’emploi du temps très chargé. En réalité, elle passe ses journées assise au comptoir à boire les paroles du jeune serveur.

Une complicité réelle naît entre les deux personnages. Donny est attendri par les excentricités de Martha et, inconsciemment, alimente son obsession déraisonnable. Au fil des jours, elle confond marques de politesse et séduction, accueillant l’empathie (voire la pitié) de l’humoriste comme des preuves d’amour. Socialement isolée, Martha n’a pas l’habitude de recevoir autant d’attention de la part d’un beau garçon. Ses tentatives de rapprochement laissent doucement place à une drague obscène et incontrôlable.

Le rire amical de Martha disparaît dans un rugissement de rage et de jalousie, à la manière d’Annie Wilkes (Kathy Bates), la fan psychopathe de Misery qui garde son écrivain préféré en captivité. Donny tente de poser des limites, mais le mal est fait. Elle le noie sous une centaine de mails quotidiens, tantôt amoureux, tantôt graphiques. Elle apparaît par surprise dans son quotidien, au milieu du public lors de ses représentations, à son domicile sous une fausse identité, dans le bus… Il n’a plus d’issue. L’omniprésence de cette femme délirante vampirise peu à peu chaque (rare) instant de bonheur.

Devant le personnage de Martha, on ne peut s’empêcher de penser à Alex Forest (Glenn Close) dans Liaison Fatale, dévorée par une « passion » criminelle. Seule nuance, cette histoire est vraie. Au début de sa carrière, Richard Gadd a eu affaire à une harceleuse. « Parfois, au fond du désespoir, l’inspiration surgit. J’étais harcelé depuis quatre ans par une femme dont, seule la capacité à contourner la loi dépassait la capacité à me harceler », a-t-il décrit dans un communiqué de presse de Netflix.

Le traumatisme dans le traumatisme

Mon petit renne explore les relations ambivalentes qui se tissent entre une victime et son agresseur. L’empathie cohabite avec l’effroi ; le sentiment de culpabilité avec la haine. Richard Gadd n’épargne pas son personnage dans cette histoire. La série interroge son propre rôle dans l’escalade de la violence. Aimait-il être l’objet d’une telle fascination ? Sa lâcheté a-t-elle permis au piège de se refermer sur lui ? La complexité humaine déborde des personnages, tour à tour monstrueux, fragiles et immoraux.

Pour comprendre les émotions désordonnées qui traversent Donny, la série revisite un autre traumatisme de son passé : les viols répétés et la relation d’emprise dont il a été victime à son arrivée à Londres, au début de sa carrière d’auteur. Comment dénoncer Martha, une femme malade qui a besoin de soins, sans dénoncer un grand nom de la télévision qui l’a manipulé et drogué pour arriver à ses fins ? La série met en images avec une précision chirurgicale les conséquences des violences sexuelles sur la vie des survivants, paralysés par la honte et murés dans le silence. A travers l’analyse de cet épisode douloureux, Richard Gadd parvient à donner un éclairage parfois bienveillant aux dérives de sa harceleuse. On finirait presque par l’aimer.

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