Parole d’orFaire témoigner les enfants survivants de l’attentat de Nice, un choix délicat

Procès en appel de l’attentat de Nice : Faire témoigner les enfants survivants, un choix délicat

Parole d’orPour la première fois, des enfants survivants de l’attaque sur la promenade des Anglais en 2016 vont témoigner lors du procès qui s’ouvre ce lundi devant la cour d’appel
Un mémorial pour les victimes de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice qui a fait 86 morts, dont 15 enfants et adolescents et plus de 400 blessés.
Un mémorial pour les victimes de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice qui a fait 86 morts, dont 15 enfants et adolescents et plus de 400 blessés. - SYSPEO/SIPA / /SIPA
Cécile De Sèze

Cécile De Sèze

L'essentiel

  • Le procès en appel de l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, s’ouvre ce lundi.
  • L’attaque au camion avait causé la mort de 86 personnes, dont 15 enfants et adolescents.
  • Pour la première fois, des enfants mineurs au moment des faits et présents sur la promenade des Anglais ce soir-là vont venir raconter leur traumatisme à la cour.

Ils ont vu l’horreur absolue. Celle d’un camion assassin zigzaguant sur la promenade des Anglais pour tuer le plus possible. Un engin de la mort qui s’est enfoncé au milieu d’une foule familiale et insouciante rassemblée pour regarder le feu d’artifice du 14-Juillet. En 2016, 86 personnes, dont 15 enfants et adolescents, ont été tuées dans l’attentat de Nice. Ils étaient environ 3.000 enfants sur le lieu de l’attaque, selon l’avocate de l’association Une voie des enfants, Marie-Pierre Lazard.

Traumatique

Pour la première fois, lors du procès en appel qui s’ouvre ce lundi, des enfants survivants de l’attaque – certains avaient seulement 4 ans au moment des faits – vont livrer leurs souvenirs et traumatismes à la barre. Une épreuve qui peut être cathartique comme bouleversante. D’autres enfants, au contraire, refusent de parler de ce qu’ils ont vécu, « par pudeur » ou « parce qu’ils sont en train de se reconstruire et ne veulent pas ranimer le traumatisme », explique l’avocate qui défend près de dix enfants victimes de l’attentat.

« Dans ce type d’affaires, il y a différents enjeux qui s’entrechoquent, celui d’arriver à la vérité judiciaire et celui de protéger les enfants parce que témoigner à la barre fait revivre l’événement traumatique, cela peut être néfaste comme positif », souligne Aurélien Martini, vice-procureur au tribunal de Melun, secrétaire général adjoint de l’Union syndicale des magistrats (USM).

Ou cathartique

Certains mineurs ont décidé de sauter le pas lors de ce procès en appel, rassurés par le retour d’expérience de ceux qui avaient témoigné en première instance. Mais une cour d’assises peut être impressionnante, déconcertante. Alors, pour les préparer, l’avocate « les reçoit, les écoute, les guide en expliquant ce qui intéresse la cour : ce qu’ils ont vécu, ce dont ils se souviennent, ce qui les a le plus marqués, et les conséquences que ça a dans leur vie ».

L’avocate cite également le cas de cette petite fille de 11 ans et demi – 4 ans en 2016 – « déterminée à parler ». Elle n’avait pas pu témoigner en 2022 devant la cour d’assises spécialement composée, le président avait alors pointé son jeune âge. « C’était un magistrat spécialisé en matière de terrorisme, pas habitué à entendre des enfants », commente Marie-Pierre Lazard. « Ceux qui ne sont pas des experts ne sont pas forcément très à l’aise pour échanger sur ces faits d’une extrême gravité avec des enfants », analyse-t-elle.

Du concret à l’horreur

Ce vécu peut néanmoins peser dans les débats. « C’est toujours intéressant d’entendre ces témoignages, cela peut combler des zones de vide, des zones floues », confirme Aurélien Martini. D’autant plus quand les souvenirs sont intacts. Cette parole n’a toutefois pas plus ou moins de poids que celle d’un adulte, « c’est un niveau différent », ajoute le magistrat.

Pour la cour, quand le message vient de la bouche d’un enfant encore jeune, « ça fait son effet, ça devient plus concret », argumente Marie-Pierre Lazard. C’est aussi une preuve supplémentaire « qu’on a touché sciemment à des enfants », ce qui peut jouer sur les peines. Sur les huit accusés condamnés à des peines de deux à dix-huit ans de prison en première instance, deux ont fait appel.

Reste que le recueil de la parole des enfants, s’il a beaucoup évolué ces dernières années, n’est pas chose aisée en audience. « Il y a une multitude d’interlocuteurs, et certains peuvent utiliser des techniques oratoires pour obtenir les réponses qu’ils souhaitent », prévient le magistrat. C’est alors le rôle du président d’audience de bien rappeler qu’on a affaire à des enfants. Même quand ils ont vécu le pire.

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