VIOLENCES INTRA FAMILIALESLa troublante relaxe d’un père au nom du « droit de correction » sur ses fils

Metz : La troublante relaxe au nom du « droit de correction » d’un père accusé de violence sur ses fils

VIOLENCES INTRA FAMILIALESDans un arrêt rendu la semaine dernière, la cour d’appel de Metz a relaxé un ancien policier accusé de violences sur ses enfants au nom du « droit de correction »
Un homme accusé de violence sur son ex-femme et ses deux enfants a été relaxé au nom du droit de correction. (Illustration)
Un homme accusé de violence sur son ex-femme et ses deux enfants a été relaxé au nom du droit de correction. (Illustration) - Federico Gambarini / dpa / AFP / AFP
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • La cour d’appel de Metz a relaxé un fonctionnaire de police accusé de violences envers son ex-femme et ses fils au nom du « droit de correction ». Une notion qui n’apparaît pas dans le Code pénal.
  • Dès le lendemain de la décision, le parquet général a indiqué son intention de se pourvoir en cassation. Pourvoi auquel se sont joints les avocats des parties civiles.
  • L’avocat du père évoque une décision juste au regard des faits allégués.

La décision, rendue jeudi par la cour d’appel de Metz, est remontée jusqu’aux plus hautes sphères du monde judiciaire. Et pour cause : de mémoire de magistrats, jamais un homme soupçonné de violences sur son ex-femme et ses deux fils n’avait été relaxé au nom d’un soi-disant « droit de correction ». « Il est reconnu à tout parent le droit d’user d’une force mesurée et appropriée à l’attitude et l’âge de leur enfant dans le cadre de leur obligation éducative », écrit la cour dans son arrêt d’une trentaine de pages que 20 Minutes a pu consulter. « C’est hallucinant, s’insurge Me Jérôme Tiberi qui défend les enfants. Si la cour avait évoqué un manque d’éléments pour le relaxer au bénéfice du doute, on aurait pu l’entendre, mais là, il est écrit noir sur blanc que la parole des enfants n’est pas remise en doute. »

Si les magistrats ont évoqué dans leur arrêt l’article 371-1 du Code civil qui affirme que l’autorité parentale doit s’exercer sans violence – la fameuse loi sur la « fessée » – ils estiment que cette affaire ne relève pas des « violences éducatives ». « Le fait de frapper un enfant est un délit, insiste un magistrat haut placé. L’arrêt dit s’appuyer sur des textes internationaux sans préciser lesquels. Personne ne sait d’où sort cette notion. » Car ce droit de correction n’existe pas dans le Code pénal. « Au contraire, toutes les formes de violences envers un mineur sont réprimées. Même le fait de commettre des violences en présence d’un enfant est considéré comme une forme de violence », précise Me Jérôme Tiberi.

Une peine conséquente en première instance

En première instance, le père de famille – un fonctionnaire de la police aux frontières – avait été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis et le retrait de son autorité parentale. En appel, le ministère public avait requis la même peine, au regard, notamment, de la constance des témoignages. Ce qu’a reconnu la cour d’appel. « De manière réitérée […], [les enfants] ont fait état de la part de leur père de "grosses gifles laissant des traces rouges sur la joue", de fessées pour des bêtises, d’étranglements, de levée par le col suivi d’un plaquage contre le mur, ainsi que de réflexions blessantes, de propos les rabaissant et d’insultes », peut-on lire dans l’arrêt.

Lors de l’audience, l’homme a admis avoir « simplement tiré les cheveux de temps en temps ou mis des fessées ». Selon lui, il s’agissait seulement d’une éducation « stricte » et « rude », bien loin de la maltraitance alléguée. « Dans cette affaire, il n’y a pas de trace de coups, pas d’ITT, les expertises psychologiques montrent que ces enfants vont bien. La cour a fait un équilibre entre ce qui est dans le champ de l’autorité parental et ce qui est dans celui de la maltraitance », insiste son avocat, Me François Battle.

Une position qui semble avoir convaincu la cour. Les magistrats voient, avant tout dans la procédure un conflit entre les parents quant à l’exercice de l’autorité parentale et insistent sur l’absence de disproportion et de « dommages ». Dans son arrêt, la cour « relève que [les enfants] ne mentionnent pas de fessées, claques, tirages de cheveux ou autres actes gratuits mais consécutifs à des bêtises qu’ils ont pu faire, des désobéissances ou des retards exagérés dans l’exécution de certaines consignes paternelles. »

« C’est un bond de cinquante ans en arrière »

Quid des pensées suicidaires de l’aîné, qui a été hospitalisé en psychiatrie ? « La cour ne dispose d’aucune information précise et étayée sur ce point », balaye l’arrêt. Et que penser de ce SMS envoyé à son ex-femme : « [L’aîné] a été lamentable ce matin, je l’ai défoncé » ? Un terme inapproprié a reconnu le mis en cause mais qui ne sous-entend par, selon lui, de violences physiques. « C’est un bond de cinquante ans en arrière, s’insurge Jérôme Tiberi. Quelle sera la prochaine étape, le droit de correction d’un mari sur sa femme ? »

Dès le lendemain de la décision, le parquet général a indiqué son intention de se pourvoir en Cassation. Pourvoi auquel se sont joints les avocats des parties civiles. La plus haute juridiction française ne se penchera pas sur le fond du dossier mais sur la légalité de la décision au regard des règles de droit.

Sujets liés