procès à bordeauxLa « descente aux enfers » d’un grand sportif devenu addict au « chemsex »

La « descente aux enfers » d’un sportif de haut niveau devenu addict aux soirées « chemsex »

procès à bordeauxAl, 42 ans, a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux, ce lundi, à dix mois d’emprisonnement dont neuf avec sursis pour trafic de stupéfiants. Le tribunal a retenu la profonde addiction du prévenu au 3MMC
Le prévenu est accroc au 3-MMC, une drogue de synthèse qui circule beaucoup dans les soirées « chemsex ».
Le prévenu est accroc au 3-MMC, une drogue de synthèse qui circule beaucoup dans les soirées « chemsex ».  - Joseph Eid  / AFP
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • Al, 42 ans, a été condamné ce lundi à dix mois de prison dont neuf avec sursis pour importation et revente de drogues.
  • Du matériel de conditionnement pour drogues et des stupéfiants ont été retrouvés dans un appartement loué à Bordeaux après que le quadragénaire a fait un coma suite à des soirées « chemsex », le 15 mars 2024.
  • Après une blessure qui a mis fin à sa carrière professionnelle dans le sport à 24 ans, puis à l’impossibilité de continuer son métier d’aide-soignant à cause de sa blessure au genou, Al est tombé dans la dépression et est devenu accro au 3-MMC découvert lors de soirées « chemsex ».

Il a failli y laisser sa peau. Le 15 mars 2024, celui que tout le monde surnomme Al, 42 ans, a été retrouvé inconscient par la femme de ménage du logement Airbnb qu’un de ses amis avait loué à Bordeaux. Il passera plusieurs heures dans le coma avant d’être hors de danger.

Al comparaissait ce lundi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux pour importation, acquisition, transport, offre ou cession de manière illicite de substances ou plantes classées comme stupéfiants (3-MMC (une drogue de synthèse appelée aussi métaphrédone), GBL, cocaïne, ecstasy et MDMA) entre le 1er janvier 2021 et le 16 mars 2024. Inconnu des services de police, il a été condamné à dix mois de prison dont neuf avec sursis.

Le « chemsex », « problème de santé publique majeur »

Le profil de ce « dealer » atypique, qui est avant tout, de son propre aveu, très accro au 3-MMC peut expliquer la clémence du tribunal. Reste que depuis le 13 mars, le quadra se livrait quasi en continu à des sessions de « chemsex », à savoir des relations sexuelles sous l’emprise de drogues de synthèse, avec trois autres amis. Des sessions qualifiées par la procureure Marion Mare, de « problème de santé publique majeur » alors qu'en mars, trois personnes sont décédées à Bordeaux dans le contexte de ces soirées « chemsex ».

C'est lors de l'une de ces soirées, qu'Al raconte qu’il a ingéré par erreur un fond de GBL (solvant industriel utilisé comme drogue) en prenant un médicament, le lendemain de la fête. Dans son appartement, du matériel de conditionnement pour différentes drogues de synthèse et des stupéfiants ont été retrouvés.

« Impressionné » d’être face aux magistrats

Lundi, c’est un homme de grande taille, au crâne rasé, qui peine à développer ses réponses et qui se dit « perturbé », « impressionné » d’être face aux magistrats. C’est son conseil Me Anaïs Karapetian qui va mettre les mots sur ses maux. Dès ses 8 ans, Al se découvre une passion pour un sport collectif qu’il pratique à un haut niveau et en tant que professionnel jusqu’à ses 24 ans.

« Lors d’une compétition, une blessure au genou gauche met fin à ses rêves », raconte son avocate. Il sombre dans une dépression avant de trouver finalement un métier qu’il aime, celui d’aide-soignant. Mais après seize ans d’exercice, sa blessure au genou le rend incapable de continuer, dans une profession où l’on est souvent debout. « Encore une fois, il est forcé de mettre fin à une activité qu’il aime », pointe son conseil. Une séparation amoureuse juste avant le confinement va finir de le faire retomber dans la dépression.

Sur Grindr, une appli de rencontre pour les hommes homosexuels ou bisexuels, Al en vient à découvrir « une autre facette de sa personnalité avec les soirées chemsex », continue Me Anaïs Karapetian. C’est lors de ces événements qu’il devient addict au 3-MMC. « Là, c’est la réelle descente aux enfers, appuie-t-elle. Il ne peut pas faire autrement que de s’en procurer et d'en consommer avec de l’ecstasy ou d’autres substances, dont les effets durent plusieurs jours. »

« La 3-MMC a eu raison de lui »

Avec seulement quelques euros en banque, Al est loin de l’image d’un dealer qui cumulerait train de vie élevé et biens de luxe. « La 3-MMC a eu raison de lui », résume son avocate. « J'en prends beaucoup, je me pique plusieurs fois par jour », avait quant à lui déclaré le quadra à la police, en mars. « Et au lieu de revendre vous vous l’injectez », avance la présidente du tribunal, considérant les revenus de l'ex-sportif qui ont baissé.

Al est déjà suivi par la Case (centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues à Bordeaux) et le Ceid (comité d’étude et d’information sur la drogue et les addictions). Fin 2023, il confiait « avoir arrêté une semaine ou dix jours, ce qui est énorme » pour lui. « Je pense que ma famille va beaucoup m’aider », admet-il aujourd'hui. Sa mère va l’héberger, le temps qu’il reprenne pied.

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