Promenons-nous dans les boisSacrilège ! Un algorithme dévoile les bons coins à champignons

Un algorithme dévoile les bons coins à champignons et est maudit par les rois de la cueillette

Promenons-nous dans les boisUn algorithme aussi puissant que les secrets familiaux ? Quitte à fâcher dans les campagnes, un ingénieur haut-savoyard commercialise des cartes interactives des bons coins à champignons
La saison des morilles bat son plein pour encore une quinzaine de jours. Des cartes interactives payantes promettent aux promeneurs d'en trouver davantage. (Illustration)
La saison des morilles bat son plein pour encore une quinzaine de jours. Des cartes interactives payantes promettent aux promeneurs d'en trouver davantage. (Illustration) - Sam Eder / Canva / Canva
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Un site, créé par un ingénieur de Haute-Savoie, commercialise des cartes indiquant « les meilleurs » coins à champignons.
  • Elles se basent sur un algorithme à base de données topographiques et scientifiques.
  • De quoi faire tousser dans les campagnes, mais le cueilleur high-tech assume. Il ne pique pas les coins à champignons, il les calcule.

Ceux qui se font crever les pneus en montagne parce qu’ils n’ont pas la bonne immatriculation le savent mieux que personne : un coin à champignons, ça ne se partage pas. Le secret ne doit pas s’éventer, il se transmet jalousement comme un héritage familial, de grands-parents à petits-enfants. Mais pour ceux qui ne sont pas riches de ce savoir et ne se sentent pas d’aller espionner les parties de belote dans un bar PMU pour attraper au vol le meilleur « spot » à morilles du moment, une alternative plus « techno » existe : les cartes interactives – et payantes – du site chasseursdechampignons.com, disponibles en ligne depuis 2020.

« Que les choses soient claires, c’est une démarche purement scientifique. On ne récupère les coins à champignons de personne, on propose les zones optimales pour en trouver », confie Jordan Monnot, le créateur du concept, de retour d’une cueillette plutôt conséquente de morilles dans sa Haute-Savoie natale.

Modélisation informatique VS sagesse populaire

L’ingénieur diplômé des Arts et Métiers, passé aussi par Polytechnique, ne divulgue pas les coins à cèpes ou à girolles, il les calcule. Grâce à « un algorithme », un modèle informatique, qui brasse les données que la sagesse populaire des campagnes associe intuitivement : le biotope concerné, avec les essences d’arbres présentes, l’exposition des lopins, la composition des sols, leur « acidité », les relevés météo, etc.

Moyennant 48 euros, puis 5 euros par mois pour les accros qui choisissent l’abonnement passion, les cueilleurs obtiennent, par régions et par espèces, les fameuses cartes aux trésors. « Ce n’est pas non plus une baguette magique », prévient Jordan Monnot. Il ne suffit pas de rentrer un point GPS et de s’y planter cinq minutes. Les champignons, avec ou sans algorithmes, ça se mérite. Mais, il assure que ses cartes permettent d’optimiser « la quantité » dans le panier et d’éviter de rentrer bredouille.

Alors, bien sûr, l’ingénieur sait bien qu’il met les pieds dans des sous-bois semés d’embûches. La cinquantaine de messages peu amènes qu’il reçoit tous les ans sur son site est là pour lui rappeler qu’il commet là une sorte de sacrilège. « Il y a des gens qui pensent que c’est un savoir qui doit rester familial. Mais quand on n’a pas grandi à la campagne, on a aussi le droit d’aller aux champignons », assume-t-il.

Jordan Monnot revendique des « milliers d’utilisateurs » – « des trentenaires, des retraités, des familles » –, dont « environ 30 % d’urbains ». Et il a beau être la version high-tech du cueilleur, il n’échappe pas à la tradition, et prédit que « l’année sera très bonne pour les champignons ». Il conseille de profiter des quinze prochains jours pour les morilles blondes.

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