« réputation sulfureuse »Tout savoir sur le bataillon israélien dans le viseur de Washington

Guerre Israël-Hamas : Tout savoir sur le bataillon israélien Netzah Yehuda, dans le viseur de Washington

« réputation sulfureuse »Accusée d’exactions contre des Palestiniens, cette unité de l’armée israélienne regroupe des juifs ultra-orthodoxes volontaires
Le bataillon Netzah Yehuda de l'armée israélienne, unité regroupant des juifs ultra-orthodoxes volontaires, sur le Golan annexé le 19 mai 2014 (illustration).
Le bataillon Netzah Yehuda de l'armée israélienne, unité regroupant des juifs ultra-orthodoxes volontaires, sur le Golan annexé le 19 mai 2014 (illustration). - MENAHEM KAHANA / AFP
20 Minutes avec AFP

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L'essentiel

  • Selon des médias américains et israéliens, Washington pourrait sanctionner Netzah Yehuda pour de possibles exactions contre des Palestiniens en Cisjordanie avant l’attaque du Hamas en octobre.
  • Fondée en 1999, cette unité de l’armée israélienne regroupe des juifs ultra-orthodoxes volontaires, en leur garantissant de servir conformément à leurs croyances.
  • Depuis le 7 octobre, l’armée israélienne a « dû remobiliser cette unité en Cisjordanie, ce qui a de nouveau donné lieu à un certain nombre de comportements problématiques », note un expert.

C’est un bataillon de l’armée israélienne particulièrement controversé. Netzah Yehuda, une unité regroupant des juifs ultra-orthodoxes volontaires que Washington envisage de sanctionner en raison d’allégations d’exactions contre des Palestiniens, a un lourd passé de transgressions et d’impunité, selon des médias israéliens et des analystes.

Il a été fondé en 1999 pour inciter des jeunes Haredim (ultra-orthodoxes) à intégrer l’armée, en leur garantissant de servir conformément à leurs croyances : respect de leur très strict régime alimentaire, absence totale de femmes sur leurs bases, temps réservé à la prière et l’étude de la Torah.

Des soldats « très hostiles aux Arabes »

Depuis la fondation de l’Etat d’Israël en 1948, les Haredim (« Ceux qui craignent Dieu ») sont exemptés de service militaire, obligatoire pour tout jeune Israélien et Israélienne. Une situation de plus en plus critiquée en Israël où croit la population ultra-orthodoxe.

L’unité a cependant peu séduit et le gros du bataillon est constitué de jeunes ultra-orthodoxes en rupture de ban, qui « voient l’armée comme un moyen d’intégrer la société israélienne et de gagner leur vie », ainsi que « de nationalistes religieux plutôt radicaux » et « très hostiles aux Arabes », explique David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de la Fondation Jean-Jaurès. Caractérisé par une « forte homogénéité idéologique et sociologique », le bataillon Netzah Yehuda a « acquis une réputation sulfureuse », note-t-il.

« Le bataillon attire des sionistes religieux, dont les convictions religieuses se mêlent à un militarisme nationaliste » et intègre « des colons d’implantations sauvages » de Cisjordanie, constate aussi Marwa Maziad, professeure d’Etudes israéliennes à l’Université du Maryland.

Un bataillon défendu par de puissants partis ultra-orthodoxes

Fort d’un millier d’hommes, il était stationné jusqu’en 2022 en Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967 par Israël, où près de 500.000 Israéliens vivent dans des colonies - illégales au regard du droit international - au milieu de trois millions de Palestiniens. « Une grande partie de ses soldats sont nés et ont grandi en Cisjordanie. Ce sont des colons de 2e et 3e générations » qui sont « chargés d’opérations de police et de contre-insurrection en Cisjordanie », souligne David Khalfa. « Un nombre significatif d’entre eux - pas tous - a commis des exactions et l’armée a pris peu de sanctions », en raison des pressions des puissants partis ultra-orthodoxes.

En janvier 2022, la mort d’Omar Assad, aux mains de soldats de Netzah Yehuda, attire l’attention sur l’unité. Ce Palestinien, également citoyen américain, avait été allongé plus d’une heure sur le ventre, menotté, bâillonné et yeux bandés, dehors une nuit d’hiver. Une partie de la presse israélienne avait alors rappelé des épisodes largement impunis de tabassages et d’agressions de Palestiniens, ainsi que d’insubordination, associés au bataillon.

Le Jerusalem Post rappelait que ses soldats laissaient les colons attaquer des Palestiniens, tandis que le quotidien Haaretz dénonçait la « claire connexion idéologique entre les habitants des colonies et implantations sauvages » de Cisjordanie « et les soldats de Netzah Yehuda ». Et « au sein de l’armée (israélienne), les débats sont vifs » autour de Netzah Yehuda, certains estimant « dangereux pour l’armée de regrouper autant de jeunes partageant la même idéologie nationaliste », note David Khalfa.

Netanyahou furieux contre d’éventuelles sanctions

Après la mort d’Assad et les demandes d’enquête de Washington, le bataillon a été transféré sur le plateau du Golan, près de la frontière syrienne. Mais depuis le 7 octobre et l’offensive menée par Israël dans la bande de Gaza en riposte à l’attaque sans précédent du Hamas, « l’armée a dû remobiliser cette unité en Cisjordanie, ce qui a de nouveau donné lieu à un certain nombre de comportements problématiques », explique David Khalfa. Surtout, « ce qui conduit les Etats-Unis à envisager des sanctions contre Netzah Yehuda, c’est le sentiment d’impunité » dont bénéficie cette unité.

NOTRE DOSSIER SUR LE CONFLIT ISRAELO-PALESTINIEN

« Le bataillon opère avec professionnalisme et courage, conformément au code de conduite des forces israéliennes et dans le respect absolu du droit international », a récemment assuré l’armée israélienne à propos des possibles sanctions américaines, rappelant que certains de ses hommes participent également aux combats à Gaza. Le Premier ministre est aussi venu samedi au secours de Netzah Yehuda. « L’armée israélienne ne doit pas être sanctionnée ! » a écrit Benyamin Netanyahou sur X. « Au moment où nos soldats combattent les monstres de la terreur, l’intention d’imposer des sanctions à une unité de l’armée israélienne est le comble de l’absurdité et une atteinte à la morale », a-t-il estimé.

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