« Allô quoi »Pourquoi Macron et les ministres utilisent-ils encore des smartphones piratables ?

Pourquoi Emmanuel Macron et le gouvernement continuent-ils d’utiliser des smartphones, malgré les risques d’espionnage ?

« Allô quoi »Un ex-militant d’En marche a réussi à laisser un message sur un des portables du président. Si le chef de l’Etat a à sa disposition des moyens de communication sécurisés, il continue, comme les ministres, d’utiliser des téléphones grand public
Emmanuel Macron au téléphone, le 15 décembre 2022.
Emmanuel Macron au téléphone, le 15 décembre 2022.  - Olivier Matthys/AP/SIPA / SIPA
Thibaut Chevillard et Mathilde Cousin

Thibaut Chevillard et Mathilde Cousin

L'essentiel

  • Alors que les ministres et le président de la République continuent d’utiliser des smartphones grand public, comment limiter les risques de piratage ou d’espionnage ?
  • Les membres du gouvernement et le chef de l’Etat ont à leur disposition des moyens de communication plus sécurisés, mais plus contraignants.
  • Seul un nombre restreint de personnes a accès à ces moyens de communication. Si les ministres veulent rester joignables, le smartphone paraît incontournable.

Y a-t-il une faille dans la sécurité du président de la République ? Le 17 avril, une plainte de l’Elysée contre Marc Doyer a été classée sans suite. Le cabinet présidentiel s’inquiétait du contenu d’un message que ce militant opposé au vaccin anti-Covid de Pfizer avait laissé sur le répondeur d’un des téléphones d’Emmanuel Macron.

Ce numéro, Marc Doyer l’avait obtenu en 2017, lorsqu’il militait pour la campagne de celui qui allait devenir président de la République. Comment se fait-il que cette ligne soit encore active, alors qu’Emmanuel Macron est entre-temps devenu chef de l’Etat ? Une situation d’autant plus surprenante que le président de la République constitue une cible pour l’espionnage de la part de puissances étrangères. En 2021, Le Monde avait révélé que le chef de l’Etat figurait comme cible potentielle du logiciel Pegasus, ainsi que le premier ministre et quatorze ministres.

Discussions confidentielles sur Osiris

Emmanuel Macron n’est pas le seul dirigeant à avoir un numéro qui circule : celui de Boris Johnson était disponible en ligne lorsque celui-ci était Premier ministre du Royaume-Uni. Comment, dans ce cas, limiter le risque que de grandes oreilles n’interceptent des échanges confidentiels ? Lors des réunions les plus sensibles, Conseil des ministres ou conseil de défense, les smartphones et autres objets connectés restent à la porte pour tous les participants.

Quand les ministres ne peuvent se voir physiquement, ils discutent des sujets les plus confidentiels via des téléphones Osiris, qui ont un niveau de sécurité élevé. Cet appareil, qui n’est pas portable, ressemble à un téléphone de bureau.

Un téléphone sécurisé mais lent

Le président a à sa disposition, comme certains ministres, un téléphone portable sécurisé, mais qui ne ressemble pas aux Android ou aux Apple d’un citoyen lambda : cet appareil ne possède pas de magasin d’applications et ne fonctionne qu’avec les numéros d’autres terminaux connectés sur le même réseau, indique à 20 Minutes une source proche du dossier. Toutefois, là encore, pas question d’y évoquer des sujets classés Secret défense.

Ce téléphone a l’inconvénient d’être plus lent et moins ergonomique qu’un smartphone grand public, conduisant les membres du gouvernement et le président à continuer à utiliser leurs téléphones portables personnels. De plus, « un ministre, c’est quelqu’un qui peut être élu, qui est appelé par des journalistes, des parlementaires, par la terre entière, note la même source. Ces gens-là ne vont pas avoir des moyens d’accès au réseau protégé de l’Etat ». Dans ces conditions, difficile de priver les ministres de leur iPhone ou de leur Samsung.

« Si c’est secret, ce n’est pas au téléphone »

La solution passerait-elle par des applications chiffrées ? Depuis décembre, les ministres et les membres des cabinets sont priés d’arrêter Telegram ou WhatsApp et d’utiliser Olvid, une application française qui garantit selon ses créateurs un haut niveau de cybersécurité.

Une solution qui est un premier rempart contre les menaces, mais qui ne protège pas contre toutes les attaques, comme celles de type Pegasus. Le rempart le plus sûr, « c’est que si c’est secret, ce n’est pas au téléphone », ajoute cette même source. Il n’y a d’ailleurs pas que les échanges qui sont sensibles sur un smartphone grand public : d’autres données, comme la géolocalisation, peuvent être exploitées par des acteurs malveillants. Un risque supplémentaire avec lequel doivent composer les services de sécurité de l’Etat.

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