ÉTUDEAntarctique : Des chercheurs isolés développent un nouvel accent malgré eux

Antarctique : Isolés, ces scientifiques ont développé leur propre accent sans s’en rendre compte

ÉTUDED’origines différentes, les chercheurs ont communiqué exclusivement en anglais
Les scientifiques ont été coupés du reste du monde pendant six mois. (Illustration)
Les scientifiques ont été coupés du reste du monde pendant six mois. (Illustration)  - British Antarctic Survey/Cover I / SIPA
20 Minutes avec agence

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Isolés en Antarctique pendant six mois, 26 chercheurs de nationalités différentes ont changé leur façon de parler en seulement quelques semaines. Les scientifiques ont en effet développé leur propre accent de manière inconsciente, rapporte la BBC dans un article relayé par Slate.

De nombreux échanges

Durant cette période, ils ont vécu ensemble sans avoir le moindre contact avec leur pays d’origine. Les divertissements étant limités sur place, les chercheurs ont eu l’occasion de beaucoup échanger entre eux.

« Nous nous parlions pendant le travail, pendant nos pauses, en jouant au billard ou dans nos chambres », a témoigné un scientifique. Originaires de différents pays (Etats-Unis, Islande, Allemagne, Ecosse et Pays de Galles), ils communiquaient en anglais, utilisant notamment des mots d’argot propres aux stations de recherche de l’Antarctique. Tant et si bien que leur propre accent a fini par changer.

L’émergence d’un nouvel accent

Or, les protagonistes de cette expérience n’ont pas remarqué ce changement tout de suite. Ils savaient juste que leur voix était régulièrement étudiée par le biais d’enregistrements de quelques minutes. Selon nos confrères, chacun d’entre eux devait s’enregistrer en lisant une liste de mots bien précise. La plupart de ces mots contenaient des voyelles connues pour différer selon les accents.

Ces enregistrements ont été étudiés par des chercheurs en phonétique de l’université Ludwig-Maximilians de Munich, en Allemagne. Ces derniers ont découvert que la prononciation de certains mots avait légèrement changé. « Six mois, ce n’est pas très long, et nous avons donc observé de très, très petits changements. Mais nous avons constaté que certaines voyelles s’étaient déplacées », a expliqué l’un des chercheurs de l’université allemande et professeur de phonétique, Jonathan Harrington.

L’anglais américain et l’anglais britannique

Selon la BBC, ce phénomène observé en Antarctique s’est produit à de nombreuses reprises au cours de l’histoire de l’humanité. Notamment lorsque des groupes de personnes ont été coupés des autres, ce qui a entraîné un changement notable de leurs accents, de leurs dialectes et même de leurs langues. D’après nos confrères, cette nouvelle étude pourrait permettre de comprendre comment sont nées les différences entre l’anglais américain et l’anglais britannique.

« Lorsque nous parlons à d’autres personnes, nous mémorisons leur discours, ce qui influence notre propre production vocale. En fait, nous nous transmettons et nous infectons les uns les autres avec des prononciations chaque fois que nous interagissons avec d’autres personnes », a expliqué Jonathan Harrington.

Un « changement de génération »

« Nous voulions reproduire, aussi fidèlement que possible, ce qui s’est passé lorsque le Mayflower (qui a traversé l’Atlantique en direction du Nouveau Monde, N.D.L.R.) s’est rendu en Amérique du Nord et que les personnes à bord ont été isolées pendant un certain temps », a détaillé le professeur de phonétique. « Pour que les accents se développent au point d’être perceptibles, il faut vraiment un changement de génération », a-t-il ajouté en référence à l’expérience menée en Antarctique.

« Les enfants sont de très bons imitateurs, et le processus de mémorisation du discours des autres est donc amplifié chez eux. » En d’autres termes : si les chercheurs en Antarctique « avaient des enfants », « comme les colons du Mayflower lorsqu’ils sont partis pour l’Amérique, l’accent deviendrait plus stable », a conclu le professeur.