0° de funMais pourquoi deviendrait-on « chiant » si on arrête de boire de l’alcool ?

Mais pourquoi deviendrait-on « chiant » si on arrête de boire de l’alcool ?

0° de funLa journaliste Léa Salamé a estimé avec humour qu'Artus était « chiant » après que le comédien a annoncé avoir cessé de consommer de l’alcool
La journaliste Léa Salamé a accusé le comédien et humoriste Artus d'être « chiant » quand il a annoncé avoir arrêté de boire samedi soir sur le plateau de « Quelle époque ! ». (Montage photo)
La journaliste Léa Salamé a accusé le comédien et humoriste Artus d'être « chiant » quand il a annoncé avoir arrêté de boire samedi soir sur le plateau de « Quelle époque ! ». (Montage photo) - SADAKA EDMOND/F.Andrieu/Agencepeps/SIPA / Canva
Diane Regny

Diane Regny

L'essentiel

  • Samedi soir, l’humoriste et comédie Artus, invité sur le plateau de Quelle époque ! sur France 2, a annoncé qu’il avait arrêté de boire.
  • Face à lui, la journaliste Léa Salamé a ri et répondu qu’il était donc « devenu chiant ».
  • Mais est-ce que, comme l’a rétorqué Artus, piqué, c’est une remarque « très française » et pourquoi c’est encore plus difficile en France qu’ailleurs se dire non à un « petit verre » ?

«Roh, allez, tu vas bien prendre une petite coupe de champagne ? » Qu’il s’agisse de l’anniversaire de mémé Ginette, du pot de départ du chef Guillaume, du mariage d’Octave ou de l’annonce de la naissance de votre douzième cousine au troisième degré, il est de bon ton de trinquer. Et pas avec de l’eau, s’il vous plaît, sinon ça « porte malheur ». C’est l’essence même de cette culture du « petit verre » à laquelle les téléspectateurs de Quelle époque ! ont assisté samedi soir.

Alors que le comédien et humoriste Artus expliquait sur le plateau de l'émission de France 2 avoir arrêté de boire pour mieux gérer ses angoisses, la journaliste Léa Salamé lui a rétorqué dans un sourire « Ah, vous êtes devenu chiant ? » Avant d’enfoncer le clou : « Vous n’êtes plus angoissé mais vous êtes chiant. »

20 Minutes a décidé de se pencher sur cette interaction « révélatrice », grâce à l’expertise de Maria Melchior, épidémiologiste à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Mais pourquoi arrêter de boire, c’est « chiant » ?

Léa Salamé n’a rien inventé. Tout abstinent d’alcool s’est déjà entendu répondre qu’il n’était « pas marrant », « pas fun », voire carrément « chiant ». Pourtant, comme le note Artus, « c’est bien de ne pas boire de l’alcool », alors que 40.000 personnes meurent chaque année en France à cause de la consommation d’alcool, selon Santé Publique France. Et encore, « c’est probablement une sous-estimation », souligne Maria Melchior qui ajoute que ces décès comptabilisent les « accidents de la vie courante, décès sur la route » ou encore « cancers liés à l’alcool ».

« Cette polémique est révélatrice parce qu’elle montre combien le fait de s’arrêter de boire est considéré comme anormal ou exceptionnel quand la consommation d’alcool est, elle, considérée comme normale », décrypte Maria Melchior qui rappelle que 86 % des adultes consomment de l’alcool en France. Et, plus important encore, la consommation d’alcool est associée « à la fête, à la convivialité et au plaisir ». Généralement, on met du champagne au frais pour fêter une promotion, pas de l’eau de concombre. Or, cette association entre le plaisir d’être ensemble, la célébration et l’alcool est d’autant plus forte dans l’Hexagone.

Pourquoi c’est si dur d’arrêter de boire en France ?

Malgré une baisse de la consommation d’alcool, la France reste le 4e pays le plus consommateur au sein de l’OCDE. « La consommation d’alcool reste très normalisée en France. 10 % des Français boivent tous les jours. Et même si cette consommation quotidienne concerne surtout les générations les plus âgées, ça reste particulièrement ancré dans la société française », note Maria Melchior. « Tellement ancré qu’on vend du Champomy pour que les enfants trinquent [avec quelque chose qui ressemble à de l’alcool] ! », ajoute la chercheuse de l’Inserm.

« Si j’avais dit que j’avais arrêté la coke, tout le monde aurait applaudi », s’est agacé Artus samedi soir. Oui, mais la cocaïne n’est pas l’un des plus grands secteurs économique et culturel de la France. En 2019, la France a produit 4,2 milliards de litres de vin, soit 17 % de la production mondiale selon le Comité national des interprofessions de vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV). L’Hexagone, de ses Français lambda à ses politiques, soigne ses racines (de vignes). L’ancien ministre de l’Agriculture Didier Guillaume avait assuré début 2019 que « le vin n’est pas un alcool comme les autres ».

Comment est-ce que ça évolue ?

« Il y a une pression économique et politique très forte en France. C’est évident lorsqu’on compare les politiques de lutte contre l’alcool et celles contre le tabac », assure Maria Melchior. Difficile pour les femmes et hommes politiques de s’en prendre à un produit qui représente tant la France. Et les Français. « Dans un pays où la grande majorité de la population boit, s’en prendre à l’alcool ce n’est pas populaire », souligne la chercheuse de l’Inserm.

Alors que les autorités sanitaires luttent contre le « binge drinking », Emmanuel Macron a été filmé en train de boire une bière cul sec à l’issue de la finale du Top14 de rugby. Une séquence critiquée mais « rentable » pour lui car « sympathique », selon l’expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet, interrogé à l’époque par La Dépêche.

Encore aujourd’hui, pour de nombreux Français et Françaises, il y a d’un côté les « bons vivants » et l’autre les « chiants ». Mais s’il est « impossible de dire aux gens de ne pas boire, la consommation diminue beaucoup chez les jeunes car ils veulent prendre soin de leur santé », note Maria Melchior. « On va vers une diminution de la consommation et probablement, à terme, plus d’acceptation pour les personnes qui ne boivent pas ou plus », note-t-elle. Preuve de l’évolution des mœurs, la « première bière sponsor » choisie pour parrainer les Jeux olympiques est sans alcool…

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