commercePourquoi les Chinois risquent de ne plus boire de cognac

Pourquoi les Chinois risquent de ne plus boire de cognac et la filière française boire la tasse

commerceLa filière du cognac, qui se dit « otage » des tensions entre l’UE et Pékin, souhaite obtenir la suspension d’une enquête antidumping la ciblant en Chine, son deuxième marché
Le Président Chinois Xi Jinping et le Président Français Emmanuel Macron vont se rencontrer le 6 et 7 mai et devraient discuter, entre autre, du cas de la filière du cognac et de son exportation en chine (Illustration)
Le Président Chinois Xi Jinping et le Président Français Emmanuel Macron vont se rencontrer le 6 et 7 mai et devraient discuter, entre autre, du cas de la filière du cognac et de son exportation en chine (Illustration) - J. WITT / POOL / AFP) / Jacques WITT / POOL / AFP)
Gilles Varela

G.V. avec AFP

C’est une affaire pas très spirituelle mais bien politique pour les spiritueux comme le cognac dont la filière prie pour que la rencontre entre le Président Emmanuel Macron et le Président chinois Xi Jinping lundi et mardi se passe bien. La filière du cognac se dit en effet « otage » des tensions entre l’UE et Pékin et souhaite obtenir la suspension d’une enquête antidumping la ciblant en Chine, son deuxième marché. Le président chinois, Xi Jinping, est en effet attendu en France les 6 et 7 mai pour célébrer 60 ans de relations diplomatiques lors d’une visite d’État.

Depuis janvier, le spiritueux charentais est visé, comme toutes les eaux-de-vie de vin importées d’Union européenne, par une enquête des autorités chinoises sur une infraction supposée à la concurrence. Lancée après une plainte de professionnels de l’alcool chinois, cette procédure est également considérée par les observateurs comme une mesure de rétorsion à une enquête européenne, largement soutenue par la France, sur les subventions aux voitures électriques produites en Chine.

Une filière dépendante à 98 % de l’export

Avec un quart de ses bouteilles expédiées en Chine, son principal marché après les États-Unis, cette filière ultra-dépendante de l’export (98 % des ventes) craint désormais une hausse des droits de douane, à l’image de celle subie par les vins australiens ces dernières années, indique son interprofession. « On est un peu le thermomètre des relations bilatérales avec la Chine et on a le sentiment d’être totalement pris en otage » dans les tensions commerciales actuelles, estime Raphaël Delpech, directeur général du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC). Selon lui, les producteurs du spiritueux participent « de façon rigoureuse » aux questionnaires « extrêmement détaillés » réclamés par Pékin mais « la crainte, c’est d’avoir raison sur le plan juridique, sans être écouté au niveau politique ».

Pour Jean-Marc Figuet, professeur à la Bordeaux School of Economics et spécialiste du marché vinicole, Pékin a agi « en fin stratège » en « ciblant » le cognac, « un secteur largement excédentaire dans une agriculture française en crise, qui touche une région bien précise ».

Un arrangement avec la Chine pour une filière, celle du cognac, qui dit représenter 72.500 emplois en France et 3,35 milliards d’euros d’exportations et qui souffre déjà de mauvais chiffres ces dernières années. S’il est encore « trop tôt » pour mesurer l’impact de la procédure depuis janvier, la filière redoute de voir ses positions commerciales « s’effriter » en Chine, après une année 2023 en recul dans le monde. L’an passé, les exportations sont tombées à 165,3 millions de bouteilles contre 212,5 millions en 2022, performance qui était déjà en retrait de 4,8 % par rapport à 2021. Un recul qui, selon les professionnels, s’explique par un « contexte difficile » avec l’inflation et par la diminution des importations des États-Unis (-45 %), encore en train d’écouler les stocks accumulés durant les années de pandémie.

Pour l’économiste Jean-Marc Figuet, après des années florissantes, le cognac, « très dépendant de la croissance mondiale », a surtout connu « une conjonction d’événements défavorables », sans subir de « crise structurelle ». Mais « sans solution diplomatique entre la France et la Chine », et avec le possible retour au pouvoir aux États-Unis de Donald Trump, qui avait déjà menacé de cibler les vins français dans le passé, « le contexte pourrait devenir plus compliqué » à l’avenir, avertit-il.

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