AMBITIONSEdouard Philippe prend-il déjà son envol (sans Macron) ?

Législatives 2024 : Edouard Philippe a-t-il déjà coupé les ponts avec Macron ?

AMBITIONSL’ancien Premier ministre s’implique activement dans la campagne de ses candidats, sans épargner le chef de l’Etat
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Les législatives auront lieu les 30 juin et 7 juillet prochains.
  • Depuis l’annonce de la dissolution, Edouard Philippe semble accélérer dans sa stratégie d’indépendance vis-à-vis du chef de l’Etat.
  • L’ancien Premier ministre espère recréer une « nouvelle majorité » autour de son propre mouvement.

«C’est le président de la République qui a tué la majorité présidentielle ». D’une phrase assassine, Edouard Philippe a pris ses distances avec la dissolution voulue par Emmanuel Macron. « Je sais ce que je pense, et j’aurais l’occasion de le dire… », a-t-il ajouté, ne laissant aucun doute sur tout le mal qu’il en pensait, jeudi dernier au micro de TF1. Informé de cette décision à la dernière minute, l’ancien Premier ministre a été contraint de revoir ses plans pour la prochaine présidentielle. Ce grand chamboulement pousse-t-il le maire du Havre à accélérer dans la rupture avec le chef de l’Etat ?

Une « nouvelle majorité »

Alors que les législatives des 30 juin et 7 juillet s’annoncent délicates pour le camp présidentiel, le patron d’Horizons a appelé à la constitution d'« une nouvelle majorité parlementaire qui fonctionnera sur des bases différentes », sans plus de précision. En déplacement en Dordogne ce lundi, Edouard Philippe a esquissé son plan : réunir de « la droite conservatrice à la gauche sociale-démocrate ». En clair, tout ce qui existera dans l’Hémicycle la 8 juillet entre La France insoumise et le Rassemblement national.

Une manière de recréer le bloc central cher à Emmanuel Macron… mais sans le président, pour cette fois mieux se rassembler autour de sa personne. « Ce n’est pas une rupture, mais une émancipation. Au sein d’une nouvelle majorité qui ne sera plus présidentielle mais parlementaire », dit à sa manière Cendra Motin, ex-députée et candidate Horizons en Isère. « La situation le pousse à accélérer, il ne fuira pas ses responsabilités, ajoute un cadre du parti. Certains dans le bloc central en veulent à Macron et sont bien contents d’entendre Edouard Philippe. »

Indépendance sans rupture

L’ancien chef du gouvernement multiplie ces derniers jours les déplacements sur le terrain. Pour soutenir ses candidats, mais aussi ceux de Renaissance, du MoDem, et des LR. Le parti d’Edouard Philippe a étendu un peu plus son emprise sur le camp centriste, passant de 58 candidats en 2022 à 80 cette fois-ci. Il soutient aussi un dissident face à un élu Renaissance sortant dans le Val-de-Marne. Mais la rupture totale, poussée en interne par certains, ne sera pas pour tout de suite. Sils partent bien sous la bannière Ensemble, les candidats Horizons seront toutefois « sous leurs propres couleurs », et sans accord de répartition du financement des partis comme en 2022.

Sur les tracts et les affiches électorales, c’est donc bien le visage d’Edouard Philippe qui accompagne les candidats, comme dans la 7e circonscription de Seine-et-Marne. « La France a besoin de créer un nouveau chapitre, et Edouard Philippe a un rôle fédérateur à jouer », justifie Christian Robache, qui porte ici les couleurs du parti.

« Les gens ont déjà tourné la page Macron »

Emmanuel Macron est désormais relégué au second plan, comme le maire du Havre l’y avait d’ailleurs poussé le 11 juin, ne jugeant « pas complètement sain » que l’impopulaire président s’implique trop dans la campagne. Dès le lendemain, en conférence de presse, ce dernier répliquait, raillant les « ambitions personnelles contrariées des uns et des autres » avec la dissolution. Après des mois de guerre feutrée, les législatives anticipées semblent donc avoir ouvert une nouvelle étape du divorce annoncé.

« « Gabriel Attal a aussi pris ses distances avec le président. La dissolution n’a satisfait personne. Les gens ont déjà tourné la page d’Emmanuel Macron. Quelle que soit la majorité à venir, ce n’est plus le président qui aura la main », grince un cadre Horizons. »

Des critiques qui agacent certains cadres du parti présidentiel. « L’ingratitude est le vice qui coûte le moins cher. Mais l’heure n’est pas à se démarquer, à ajouter du chaos au chaos. Il faut faire bloc, on aura besoin d’un président fort au soir du 7 juillet », tranche François Patriat, patron des sénateurs Renaissance. Qui met en garde : « On n’a jamais vu de frondeurs en récolter les fruits. Où sont aujourd’hui les frondeurs de Hollande ? Ils ont disparu ».

Si le patron d’Horizons a choisi d’accélérer dans sa stratégie d’indépendance, c’est que le « bloc central » pourrait bien être réduit à portion congrue dans la prochaine Assemblée. Après avoir « tué » la majorité, Edouard Philippe craint peut-être que la bombe de la dissolution ne vienne aussi à bout de ses propres ambitions.