« Elles sont partout ! »… Dans l’Ouest, l’invasion des écrevisses de Louisiane étonne et inquiète
PINCEZ-MOI•Depuis plusieurs semaines, des écrevisses rouges font leur apparition dans tout l’ouest de la France. Des scènes amusantes si les conséquences pour la biodiversité n’étaient pas aussi grandes. ExplicationsJulie Urbach
L'essentiel
- Des écrevisses rouges ont été vues en nombre partout dans l’ouest de la France, notamment dans les rues et les jardins.
- Espèce invasive importée des États-Unis dans les années 1970, le crustacé aurait profité des fortes pluies et des températures douces pour se multiplier.
- Alors qu’il semble aujourd’hui impossible d’éradiquer l’écrevisse de Louisiane, néfaste pour la biodiversité aquatique, il est recommandé de la pêcher ou en tout cas de la tuer, si vous en croisez.
«Il pleut des écrevisses par chez moi. Des dizaines et des dizaines dans les rues qui sortent des cours d’eau. Jamais vu ça. » Depuis plusieurs semaines, voilà le type de messages que l’on peut lire sur les réseaux sociaux. Et il ne s’agit pas d’un film de science-fiction mais de situations bien réelles, rapportées par des habitants de tout l’ouest de la France. « Un collègue en a vu une sur la route en rentrant chez lui, elle sortait carrément d’une bouche d’égout », rapporte Charles, un Nantais. D’autres ont fait cette drôle de rencontre dans leur jardin, voire dans leur piscine. « Plusieurs ont été vues dans un parc à côté de chez moi, témoigne cette habitante de Tours. Franchement, c’est assez étonnant ! »
Déjà bien connue par les scientifiques, l’écrevisse de Louisiane pullule en ce début d’été. A tel point que désormais, elle sort même des marais qui abritent habituellement ce crustacé rouge, classé espèce invasive. Il faut dire que l’écrevisse, importée des États-Unis dans les années 1970, a particulièrement apprécié la météo de ces derniers mois. « Avec toute la pluie qui est tombée ainsi que les températures assez douces, l’espèce a eu tout ce qu’il faut pour se développer et on les croise un peu partout, observe Laurent Degrave, technicien médiateur rivière au Parc naturel régional des Landes de Gascogne, en Gironde. Elles se reproduisent très vite et peuvent pondre 600 œufs par an, c’est assez énorme. »
Une espèce qui « dérègle tout »
Résultat : les bestioles sont aujourd’hui trop à l’étroit et cherchent d’autres endroits à coloniser, notamment pour trouver de quoi s’alimenter. En passant, notamment, par les routes… « Leurs branchies leur offrent la capacité de déambuler par voie terrestre avant de retrouver un point d’eau, commente Vincent Mouren, directeur de la fédération de pêche de Loire-Atlantique. C’est aussi pour ça que le phénomène devient aussi visible. »
Des scènes qui n’amusent pas du tout les spécialistes. Car l’écrevisse de Louisiane, décrite comme agressive, a déjà fait pas mal de dégâts dans l’écosystème. A la réserve naturelle du lac de Grand Lieu (Loire-Atlantique), infestée depuis 1999, on en sait quelque chose. « Cela fait vingt ans que l’on constate ses impacts sur la biodiversité, confie Christelle Priot, médiatrice scientifique. L’écrevisse est une espèce opportuniste et omnivore, elle a déjà participé à la disparition de certaines plantes aquatiques. Avec des effets en cascade puisque ça perturbe ensuite la reproduction des amphibiens, par exemple. »
« Elles s’attaquent aussi aux œufs de poisson, prévient Laurent Degrave. Des brochetons auraient dû sortir récemment dans la rivière mais rien, ils ont été consommés. C’est simple, ça dérègle tout ! Il n’y a plus rien au fond de la rivière… » Seuls gagnants dans l’histoire, les prédateurs, comme les oiseaux et les loutres, qui raffolent de sa carapace et de sa chair.
Les tuer… et les manger
Pour autant, tous s’accordent à dire qu’il va falloir faire avec. Car comme pour d’autres espèces invasives, éradiquer l’écrevisse de Louisiane semble aujourd’hui impossible. Dans certains secteurs, il y a bien eu par le passé des campagnes de pêche intensive. En vain. « A court terme, on est un peu démunis », admet Vincent Mouren, de la fédération de pêche, qui plaide pour un « réel travail sur la qualité du milieu aquatique ».
Dans le golfe de Gascogne, Laurent Degrave encourage tout de même la population à venir se servir dans la rivière, la Leyre en l’occurrence. Une pratique autorisée à condition de détenir une carte de pêche et de ne pas transporter la marchandise vivante. « L’autre fois, en 2 heures, j’en ai pêché une centaine avec mon garçon, rapporte le technicien médiateur. Cela permet de sensibiliser la population, de passer un moment sympa en famille, et en plus de bien manger derrière ! »
Et pour ceux qui n’ont pas envie de se lancer dans cette activité mais qui en croiseraient sur le bord d’un chemin ? « Il ne faut pas hésiter : on les tue, répond de façon très catégorique Christelle Priot, du lac de Grand Lieu. Et surtout, on ne les déplace pas… même si on a une petite mare chez soi ! »
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