SOLIDARITÉOubliés des vacances, ils savourent une journée à la mer en Bretagne

« On ne pense plus à tous les soucis ici »… Quand les oubliés des vacances savourent une journée à la mer

SOLIDARITÉA l’initiative des antennes du Secours populaire en Bretagne, plusieurs dizaines de familles précaires ont profité jeudi d’un petit moment de bonheur les pieds dans l’eau à Saint-Malo
Jérôme Gicquel

Jérôme Gicquel

L'essentiel

  • Cet été, 4 Français sur 10 ne partiront pas en vacances, dont trois millions d’enfants.
  • Pour ces oubliés des vacances, le Secours populaire organisait jeudi une journée au bord de mer à Saint-Malo.
  • Pour ces familles précaires, partir même quelques jours relève en effet du rêve inaccessible.

A Saint-Malo,

Plutôt mer ou montagne ? Italie ou Portugal ? Mobil-home ou Airbnb ? Si cette question vous a taraudé l’esprit ces dernières semaines, c’est que vous faites partie des 60 % de Français qui partiront en vacances cet été. Une majorité de chanceux donc même si ce chiffre révèle aussi que 4 Français sur 10 ne feront pas leurs valises et resteront chez eux d’ici la rentrée. Parmi eux, trois millions d’enfants vivant souvent dans des familles pauvres et qui n’auront pour seul horizon que les rues de leur quartier pendant les vacances. Comme tout le reste de l’année d’ailleurs.

Dans une tribune publiée l’an dernier, le député insoumis François Ruffin avait d’ailleurs comparé l’été à « un temps des inégalités », réclamant la mise en place d’une vraie « politique publique des vacances » pour que tout le monde puisse profiter « du droit au bonheur ». On en est encore loin et vu le bazar politique du moment, pas sûr que ça bouge de sitôt.

Un rayon de soleil offert par le Secours populaire

En attendant qu’un droit aux vacances pour tous soit garanti, des associations se démènent pour offrir un petit rayon de soleil aux plus précaires. C’est le cas du Secours populaire qui organise chaque année sa journée nationale des oubliés des vacances. Des exclus du bonheur estival qui ont profité cette semaine d’une journée à la mer à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) grâce aux antennes bretonnes de l’association et au coup de pouce de la région et de la SNCF qui ont mis à disposition des trains pour les acheminer jusqu’à la cité corsaire.

Certaines familles précaires habitant au bord de mer ne profitent pas forcément des joies de la plage.
Certaines familles précaires habitant au bord de mer ne profitent pas forcément des joies de la plage.  - J. Gicquel / 20 Minutes

Au pied des remparts, Joël, 8 ans, ne sait plus où donner de la tête. « C’est le Fort Boyard là ? », s’exclame-t-il. Il s’agit en fait du fort du Petit Bé. « Je me disais aussi qu’il n’était pas tout à fait pareil qu’à la télévision », sourit le gamin. Émilienne, sa maman, est également aux anges. « La plage, la ville fortifiée, c’est vraiment incroyable ici, s’émerveille-t-elle. On ne pense plus à tous les soucis ici. Et en plus, le soleil est enfin parmi nous ».

Des freins financiers, sociaux et culturels

Originaire de Rennes, la famille n’est pourtant qu’à une petite heure de route de Saint-Malo. Mais c’est pourtant la première fois qu’ils y mettent les pieds. Comme beaucoup d’ailleurs des 415 accueillis venus de toute la Bretagne qui étaient du voyage. « On a une voiture mais on ne peut pas se le permettre vu le prix du carburant », indique Édouard, qui surveille ses trois enfants les pieds dans l’eau. Dans ces familles précaires, partir en vacances relève en effet du rêve inaccessible. Même pour quelques jours. « Mon mari travaille mais on a du mal à boucler les fins de mois, assure Lia, originaire de Géorgie. Donc on oublie les vacances, on préfère garder l’argent qu’il reste pour les cadeaux d’anniversaire des enfants et pour Noël ».

Secrétaire général du Secours populaire dans le Finistère, Thierry Cloatre connaît bien ces familles que son association accompagne tout au long de l’année. « Elles ne partent pas pour des raisons financières bien sûr mais elles se mettent aussi des freins, indique-t-il. Ces familles se disent par exemple que les vacances ne sont que pour ceux qui travaillent ou alors ce n’est tout simplement pas dans leur culture ». Même celles qui habitent au bord de mer n’en profitent pas forcément en dehors des sorties organisées par le Secours populaire. « C’est difficilement explicable, reconnaît Thierry Cloatre. La peur de sortir peut-être, du regard des autres. Elles restent repliées dans leur quartier et c’est en cela qu’on les aide ».

« Si on n’a pas d’essence, on restera à la maison »

Arrivés en train d’Hennebont, à un quart d’heure de Lorient, Nathan, 7 ans, et Thomas, 10 ans, profitent en tout cas à fond de la journée, entre jeux dans le sable, parties de foot et baignade. « L’eau caille un peu quand même mais on s’éclate », se marre le plus jeune pour qui ce sera la seule journée de vacances de l’été. « On ira peut-être chez ma tante à Rennes mais si on n’a pas d’essence, on restera à la maison », lâche-t-il sans la moindre pointe d’amertume.

« C’est ça d’ailleurs le plus dramatique, souligne Thierry Cloatre. Ces enfants savent bien qu’ils vivent dans des familles pauvres et c’est normal pour eux de ne pas partir en vacances. Alors que tout le monde devrait avoir le droit à cette petite parenthèse en famille. Je suis sûr qu’ils seraient contents d’être dans les bouchons ».