En cramant du bois, les chaufferies biomasse sont-elles écologiques ?

Énergie : En cramant du bois, les chaufferies biomasse sont-elles une solution écologique ?

Toi toi mon boisA Rennes, un site géré par EDF permet de produire à la fois de la chaleur et de l’électricité à partir d’une ressource locale et renouvelable
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Face à la flambée du prix du gaz, les chaufferies au bois se multiplient en France, offrant une production de chaleur et d’électricité plus locale et moins volatile.
  • A Rennes, une centrale de cogénération permet de chauffer 11.000 foyers en plus de produire de l’électricité.
  • Si les rejets dans l’environnement existent, ils restent bien plus limités que dans les cheminées des particuliers et sont très contrôlés.

Cramer du poids pour se chauffer, est-ce une bonne idée ? Après le long épisode de pollution de l’air que la France a traversé, il y a de quoi s’interroger. Pour vous la faire courte, on peut résumer le truc ainsi : oui, le feu de bois crache des polluants, notamment des particules fines qui ne sont pas idéales pour vos poumons. Mais ces émissions peuvent être relativement limitées si vous utilisez un poêle ou une cheminée récente doté du petit label « flamme verte ».

On a « encore mieux » pour l’environnement : les centrales biomasses. Depuis quelques années, ces fours géants se développent un peu partout en France avec un seul objectif : chauffer des logements à la seule force d’une ressource renouvelable : le bois. Moins toxique que le nucléaire, moins visible que les éoliennes et plus stable que le solaire, la biomasse a le vent en poupe. Même si tout n’est pas parfait.

Les chaufferies au bois permettent de brûler du petit bois qui n'était pas valorisé et restait souvent traîner en forêt. Comme ici, à Besançon.
Les chaufferies au bois permettent de brûler du petit bois qui n'était pas valorisé et restait souvent traîner en forêt. Comme ici, à Besançon. - A. Mermet/Hans Lucas

On ne pas vous dire de tous investir dans une centrale biomasse. La solution est avant tout collective. Mais elle mérite de s’y pencher sérieusement, car elle fait sans doute partie des solutions les plus économiques et écologiques proposées sur le marché de l’énergie. Pour savoir comment ça marche, nous vous proposons de pousser les portes de l’usine de Rennes, d’où s’échappe une douce odeur de bois coupé. Inaugurée en 2013, la centrale de cogénération biomasse de Rennes a la particularité de produire à la fois de la chaleur pour 11.000 logements et de l’électricité pour 40.000 habitants. Et ce, uniquement à partir d’une source renouvelable et locale : le bois, encore lui.

« On évite 28.000 tonnes de CO2 par an »

Exploitée par Dalkia, une filiale d’EDF, l’usine fait la promesse que son approvisionnement est fait à moins de 100 kilomètres à la ronde, comme elle s’y était engagée. « Avec cette usine, on évite 28.000 tonnes de CO2 par an. Et je peux vous le dire, pour moi, c’est une vraie fierté d’y travailler », assure Sylvain Lairie, directeur d’exploitation et ancien responsable d’un site nucléaire.

Disons-le tout de suite : cette centrale a tout de même un impact sur l’environnement. Car chaque jour, ce sont vingt à vingt-cinq camions qui vont et viennent pour décharger leur bois. Mais aussi parce que la fumée blanche qui s’échappe de sa cheminée contient encore quelques particules fines. « On est hyper contrôlés, tous nos rejets sont mesurés, vérifiés. Et contrairement aux particuliers, on a de nombreux filtres qui nous permettent de réduire les particules émises par la combustion », poursuit le responsable du site. Quant aux 3.000 tonnes de cendres qui sortent de l’immense foyer chaque année, elles sont collectées et redistribuées aux agriculteurs du coin pour enrichir leurs sols.

Un tarif moins fluctuant que le gaz

L’avantage de cette solution de cogénération, c’est qu’elle permet de chauffer davantage en hiver mais de produire davantage d’électricité quand il fait plus doux. Une solution qui va se révéler utile, alors que notre consommation d’électricité devrait progresser de 30 % d’ici dix ans selon Enedis.

Mise en service il y a une dizaine d’années, l’usine de Dalkia aura tout de même coûté la bagatelle de 45 millions d’euros. Mais face à la flambée du prix du gaz subie par d’autres collectivités ces dernières années, l’investissement semble justifié. D’après les responsables d’EDF, l’arrivée de la centrale de cogénération biomasse a même permis de structurer la filière bois, qui n’était absolument pas dimensionnée pour faire face à une telle demande il y a quelques années.

D'après EDF, les chaufferies au bois ont permis aux exploitants forestiers de structurer leur filière grâce à des contrats de longue durée.
D'après EDF, les chaufferies au bois ont permis aux exploitants forestiers de structurer leur filière grâce à des contrats de longue durée.  - C. Allain/20 Minutes

Alors rassurez-vous, Dalkia ne crame pas du « beau bois » pour chauffer Rennes. Elle récupère soit des vieilles palettes, soit des résidus de scieries, soit des « plaquettes forestières », c’est-à-dire « les branches » issues des arbres abattus et dont personne ne voulait il y a peu. « Les forestiers sont ravis, parce qu’on a été les premiers à leur proposer des contrats de longue durée et sur toute l’année. Ça a fait augmenter le gisement », assure Pierre de Montlivault, directeur régional de Dalkia. Faut-il craindre pour nos forêts ? A priori, non. Les superficies de forêt ont progressé de 21 % en France depuis quarante ans.

Quel gisement pour en développer d’autres ?

Rennes n’est pas la seule ville à avoir opté pour cette solution de centrale biomasse. Un peu partout en France, les projets de chaufferies au bois énergie se multiplient. Rien qu’en Bretagne, on en compte déjà plusieurs dizaines. Mais leur développement ne pourra pas être infini, le gisement n’étant pas suffisant pour faire face à la demande. D’après la préfecture d’Ille-et-Vilaine, le gisement de bois du secteur partagé par la centrale Dalkia serait de 400.000 tonnes par an. A elle seule, l’usine rennaise en engloutit 117.000 par an.

« Il faut réfléchir à toutes les technologies comme la géothermie ou les pompes à chaleur », prévient Pierre de Montlivault. D’après l’Ademe, la France serait actuellement dimensionnée pour pouvoir doubler ses réseaux de chaleur d’ici dix ans.