Condamnation de Marine Le Pen : Les menaces contre les magistrats, « c’est récent mais de plus en plus fréquent »
violences•Le secrétaire national de l’USM, Christophe Bourgeois, regrette le manque de protection des magistrats et l’absence de sécurité dans les tribunaux
Thibaut Chevillard
L'essentiel
- La magistrate qui a prononcé la peine d’inéligibilité immédiate de cinq ans contre Marine Le Pen bénéficie d’une protection après avoir reçu des menaces.
- Les attaques virulentes et inquiétantes dont elle fait l’objet ont été dénoncées par les plus hautes autorités judiciaires.
- « Les menaces, c’est quelque chose d’assez récent, mais de plus en plus fréquent », remarque Christophe Bourgeois, le secrétaire national de l’USM (Union syndicale des magistrats).
Sa photo circule sur les réseaux sociaux, partagée par des militants d’extrême droite. Bénédicte de Perthuis, 63 ans, est la magistrate qui a prononcé lundi la peine d’inéligibilité immédiate de cinq ans contre Marine Le Pen. Une décision qui empêchera peut-être la cheffe de file du Rassemblement national de se présenter à la prochaine élection présidentielle en 2027. Dans les heures qui ont suivi, la présidente de la 11e chambre correctionnelle a reçu « de très nombreux messages comportant notamment des menaces clairement exprimées », indique à 20 Minutes une source proche du dossier. « Il y a en conséquence des patrouilles accentuées aux abords de son domicile », poursuit cette source. Une information confirmée par l’entourage du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Les attaques virulentes et inquiétantes dont elle fait l’objet ont notamment été dénoncées par les plus hautes autorités judiciaires. « C’est totalement anormal que l’on s’en prenne à un magistrat », a déclaré sur RTL Rémy Heitz, le procureur général près la Cour de cassation, rappelant que les menaces proférées « peuvent faire l’objet de poursuites pénales ». Elles « sont inacceptables dans une démocratie et préoccupantes pour l’indépendance de l’autorité judiciaire », a pour sa part déclaré le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, dans un message posté sur X. « Les menaces visant personnellement les magistrats en charge du dossier […] ne peuvent être acceptées dans une société démocratique », a écrit de son côté le Conseil supérieur de la magistrature dans un communiqué.
« Un élément de la démocratie qu'on attaque »
« Les menaces, c'est quelque chose d'assez récent mais de plus en plus fréquent, remarque Christophe Bourgeois, le secrétaire national de l'USM (Union syndicale des magistrats). Je suis inquiet car en s'attaquant aux décisions qui sont rendues, et surtout en s'attaquant à ceux qui les rendent, c'est à un élément de la démocratie qu'on s'en prend. Le juge ne fait qu'appliquer la loi qui est votée par le Parlement, et qui est souvent proposée par le gouvernement », souligne-t-il. Et d'ajouter qu'il est « plus simple de s'attaquer à ceux qui rendent la justice - et qui n'ont pas la possibilité de répondre - quand on n'a pas grand-chose à dire à l'encontre de la décision ». D'autant, rappelle-t-il, que Bénédicte de Perthuis a lu et expliqué à l'audience lundi la décision de condamner Marine Le Pen et 23 autres prévenus.
« Je pense que quand on a une aura aussi importante que Mme Le Pen, on ne peut pas ne pas savoir que ce qu’on va dire aura des conséquences », indique-t-il. Il rappelle au passage qu’une enquête avait été ouverte en janvier après des menaces de mort postées sur le site d’extrême droite Riposte laïque visant trois magistrats de cette affaire. Dont la présidente, Bénédicte de Perthuis. « En ayant ce comportement, en tenant ce type de propos, il ne pouvait être ignoré que, de toute façon, derrière, il y aurait effectivement des menaces de morts ou des menaces physiques à l’encontre des magistrats. » L’ancienne présidente du RN tente de « décrédibiliser » la justice. Conséquence : « Les gens se permettent beaucoup plus de choses qu’ils ne se seraient permises auparavant. »
« Elle a eu la peur de sa vie »
Les magistrats, qui rendent quotidiennement la justice, craignent donc de plus en plus pour leur intégrité physique. « J’ai des collègues qui ont été attendus à l’issue de l’audience et qui ont été frappés. Ils n’osent plus venir au travail. Je n’avais jamais connu ça avant », observe Christophe Bourgeois. « Une collègue me racontait qu’un justiciable avait trouvé son adresse sur Internet qu’il était venu à son domicile. Elle a eu la peur de sa vie », relate-t-il. Selon lui, juges et magistrats ne sont pas « suffisamment protégés ». Les menaces proférées à l’encontre des magistrats remontent au ministère de la Justice qui décide, ou non, de mettre en place des mesures de protection après avoir évalué la situation. « Aujourd’hui, il y a de plus en plus de menaces. Mais peu de collègues sont protégés », déplore-t-il.
Le secrétaire national de l’USM regrette également le manque de sécurité dans les tribunaux. Avec le temps, dit-il, les policiers ont été remplacés par des agents de sécurité privés. « La symbolique n’est pas la même et le comportement des gens face à eux est différent », remarque le responsable syndical, ajoutant qu’en « dehors des cours d’assises, il n’y a plus le degré de sécurisation qu’il y avait avant ».
Selon une source proche auprès de l’AFP, une enquête a été ouverte après des menaces visant les magistrats qui ont condamné lundi Marine Le Pen. Elle est confiée à la brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP).